Les documentaires Disney : à voir ou à proscrire ?

Même les chats aiment bien Mickey, comme le constate ici Monsieur Walt Disney... Foto: Harris & Ewing Collection at the Library of Congress / Wikimedia Commons / PD

(Par Aude Nguyen-Heidelberger) – La plateforme Disney+ a fait son entrée en France le 7 avril 2020, après un lancement retardé. Elle promet un catalogue de toutes les réalisations de la franchise, des classiques Disney aux documentaires de National Geographic. Et c’est un franc succès ! En à peine cinq mois, la plateforme se place aux côtés des grands noms du streaming comme Netflix, Apple TV ou Amazone Prime. Mais entre les aventures de Peter Pan ou de La Reine des Neiges, on y trouve un tout autre genre de divertissements : les documentaires sur Disney. Vous rêviez de découvrir les coulisses féériques des parcs à thèmes ? Le documentaire Il était une fois les Imagineers : les visionnaires Disney l’a fait pour vous !

Mais les coulisses des de Mickey sont-ils aussi merveilleux ?

Un documentaire intéressant pour les curieux… - Vous vous êtes toujours demandé comment les parcs à thèmes Disney étaient construits ? Ou comment certaines attractions révolutionnaires ont vu le jour ? Eh bien Il était une fois les Imagineers : les visionnaires de Disney répond à toutes ces questions.

Le documentaire retrace l’histoire des parcs Disney, du premier parc à Anaheim en Californie à l’ouverture en 2016 de Disney Shanghai. On y trouve les témoignages de plusieurs Imagineers (c’est-à-dire les architectes artistiques des parcs - ndlr), racontant comment ils ont créé différentes attractions comme Space Mountain, le château emblématique de Disneyland, ou encore les animatroniques servant à animer le décor des attractions. Ces témoignages sont accompagnés par l’explication du contexte dans lequel les innovations ont vu le jour : par exemple, dans les années 1970, le premier parc Disney à Anaheim souffre d’une baisse de fréquentation due à son image trop enfantine. Les adolescents trouvaient leur dose de sensation forte dans d’autres parcs d’attractions. Les Imagineers ont donc décidé de créer l’attraction Star Tour, inspiré du monde de Star Wars pour attirer un public plus âgé. On comprend comment les ingénieurs ont modernisé plusieurs attractions avec l’utilisation des nouvelles technologies, comme le mapping vidéo (projection de lumières ou vidéos sur des volumes – ndlr), la réalité virtuelle, de nouveaux systèmes de raille pour les manèges, la motion capture pour les animatroniques…etc.

Mais le documentaire raconte aussi certaines anecdotes comme à l’ouverture du parc de Hong Kong en 2006, où les personnes sur les bancs s’enfonçaient dans le goudron fraîchement coulé, sous une chaleur écrasante. Ou lorsqu’un imagineer propose dans les années 1990 une nouvelle attraction, la Tour de la Terreur, avec un ascenseur montant et descendant sur plusieurs mètres. Il raconte alors que « généralement quand on demande aux fabricants (des cabines d’ascenseurs ndlr) si l’on peut faire telles ou telles choses avec leurs produits, ils sont effrayés, car ils les construisent pour qu’ils soient 100% sécurisés. Alors souvent, la réponse un non catégorique ! ». Mais certaines histoires sont moins sympathiques, comme lors du séisme et tsunami de mars 2011 au Japon, où le parc de Tokyo s’en est miraculeusement tiré sans dommages structurels. Enfin, on remarque des éléments auxquels on ne pense pas lorsque nous allons dans un parc d’attraction, comme la peinture aux murs, les thèmes des restaurants, la vaisselle, les tissus utilisés, ou les costumes.

…Mais à prendre avec des pincettes quant au ton adopté – Il ne faut pas perdre de vue un élément central : ce documentaire est produit par Disney, le ton est donc en adéquation avec son image de marque ! En regardant Il était une fois les Imagineers, on remarque très vite que tout est décrit comme fantastique, et les éléments plus graves (sauf attentats ou catastrophes naturelles) sont minimisés.

On peut noter que par exemple, rien de réellement négatif n’est dit sur Walt Disney. Le créateur de Mickey et de Blanche Neige est souvent décrit comme une personne enthousiaste, visionnaire et croyante aux bons fonds de chacun. Visionnaire, pour sûr, enthousiaste, peut-être, mais Walter Disney pensant que chaque personne a un bon fond, certainement pas ! Les producteurs du documentaire semblent avoir oublié la vague de licenciements de personnes syndiquées dans l’entreprise au début des années 1940, vus comme des perturbateurs à la botte des communistes. Après ces évènements la compagnie que les employés avaient pour habitude d’appeler « The House Mouse » (la maison de la souris), devient « The Factory House » (l’usine de la souris). On peut également questionner le côté bienfaiteur et optimiste de l’homme d’affaires : selon les narrateurs, Walt Disney a créé les parcs d’attraction pour rendre les gens heureux, mais ils omettent un peu trop la situation du monde de l’animation dans les années 1950, empreint à une crise structurelle.

Le ton employé pour parler de Disney en tant qu’entreprise, est lui aussi quelque peu intriguant : travailler chez Disney semble être idyllique et génial, rien n’est jamais trop négatif. Les témoignages n’énoncent jamais de tensions au sein des équipes, tout le monde s’apprécient. Après tout, qui dénigrerait son entreprise dans un documentaire destiné à la promotion de celle-ci ? Les employés se targuent aussi d’une arrogance assez marquée ! Quand la compagnie décide de construire le parc EPCOT en Floride, les imagineers veulent en faire un symbole futuriste et utopique, où l’on apprendrait aux gens à respecter l’environnement et les êtres humains. De même pour le parc Animals Kingdom, qui est le parc animalier de Disney, décrit comme un moyen de sensibiliser les personnes et de protéger les animaux. Ces deux visions sont tout de même contradictoires, quand on sait combien les parcs d’attractions sont énergivores en ressources et peu écologiques dans leur conception, ou quand le meilleur moyen de protéger les animaux est de ne pas les enfermer dans un zoo, où ils seraient potentiellement malheureux et réduits à l’état de divertissement.

Le plus surprenant reste les évènements polémiques liés à Disney, comme par exemple, la construction de Disneyland Paris. Ce n’est pas un secret, l’arrivée de l’entreprise aux grandes oreilles en France a divisé l’opinion publique. Beaucoup étaient contre, voyant le géant américain comme une propagande et un remplacement de la culture française. On se souvient de l’entrée en bourse du parc, où le PDG de cette époque, Michael Eisner, s’est fait aspergé de tomates pourries par des « communistes » selon les narrateurs. L’ancien directeur explique combien il a été difficile d’implanter ce parc dans une culture si marquée que celle des Français. Mais ce qu’il ne reconnaît qu’à demi-mots, c’est l’arrogance de Disney. Bien que Michael Eisner mentionne « l’arrogance » des équipes, on sait que les concepteurs des parcs ont déclaré qu’ils souhaitaient créer des édifices surpassant les pyramides, ce qui a eu pour conséquence d’être assez mal reçu par le public. En effet, comment une entreprise créant des divertissements – si esthétiques soient-ils – peut-elle se targuer de dépasser des monuments ayant traversé des siècles d’histoire ? Enfin, On peut reprocher au documentaire de passer sous silence certaines polémiques, comme par exemple l’attraction sur le thème de Mélodie du Sud, qui est un vieux dessin animé très critiqué pour sa vision de l’esclavage dans les champs de cotons. Toujours dans la même veine : le conflit entre Disney et Pixar est à peine mentionné, comme s’il ne s’était rien passé.

Alors, à regarder ou non ? Si on aime découvrir les coulisses des parcs d’attraction, oui ! Le documentaire reste intéressant et riche en visuels, comme des plans d’attractions, des croquis ou des maquettes immenses. En revanche, il est à prendre avec des pincettes quant au ton employé : Disney n’admettra jamais totalement ses erreurs ! Il faut donc s’en remettre à son esprit critique pour certains passages.

En savoir plus :

En savoir plus sur le conflit Disney-Pixar

En savoir plus le dessin animé Mélodie du Sud

En savoir plus sur Disneyland Paris

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