Les Elections Européennes en plein cœur
J’irai voter à Visegradia
(Marc Chaudeur) – L’opposition n’a pas réussi ses opérations dans les pays où gouvernent les partis nationaux-populistes, c’est-à-dire en Pologne et en Hongrie. En République tchèque, elle talonne le parti au pouvoir – et en Slovaquie, elle a battu le parti « social-démocrate » au pouvoir. Un tableau bariolé, dans l’Europe de Visegrád, mais où globalement, les droites populistes continuent à mener le jeu. Pour combien de temps ?
En Pologne, les citoyens ont voté à 45% (en 2014, 24%). Le PiS, le parti national-populiste au pouvoir, l’a très largement emporté : 45,6 % des suffrages ! C‘est une grosse déception pour l’opposition. La coalition KE, qui rassemblait la Plateforme Civique libérale, le SLD social-démocrate et d’autres, a tout de même convaincu 38,3 % des électeurs. Plus de 6 points d’écart, mais un score remarquable au vu des moyens engagés dans la bataille par PiS (médias, clientélisme,…)
Par ailleurs, le Wiosna (Printemps) de Robert Biedroń, qui semblait surfer un peu sur la crête de la contestation pro-gay, anticléricale et libérale de gauche, n’a été choisi que par 6% des électeurs. Une autre déception, puisqu’on escomptait 10% au moins et qu’on espérait voir s’incarner en Biedroń une nouvelle gauche dépoussiérée. La Konfederacja d’extrême-droite, elle, hétéroclite et repoussante, plus à droite encore que le PiS, n’a pas réussi non plus sa tentative de percée (4,55%).
En Hongrie, la victoire de Viktor Orbán a été plus nette que celle de son camarade polonais : 52,3 % pour son parti, le Fidesz. Forte participation dans le pays : 43 %. (A titre de comparaison : moins qu’en France, cependant, et bien moins qu’en Allemagne ou au Danemark, 60 % et 66 % !) Le concurrent du Fidesz, qui cette année était la DK (Coalition Démocratique), n’a remporté que 16,2 % des voix – une surprise pourtant pour les Hongrois, qui comptaient sur un score bien moindre encore… Le parti Momentum, libéral, a lui recueilli 9,9% des suffrages. Quant à Jobbik, le fameux parti fasciste enverra un député à Strasbourg (effluves et pince à linge) avec 6,4% : forte baisse par rapport à 2014 où il retenait 14,6% des voix. Pour nous, une déception réelle : les minuscules 7% de la coalition MSZP (Parti socialiste) – Parbeszed, portée par des personnalités passionnantes comme Timea Szabó et Gergely Karácsony ; une alliance de gauche intéressante et potentiellement novatrice – malgré quelques complaisances ambigües parfois…
La victoire est nettement orientée à droite, en Hongrie et en Pologne. L’opposition libérale et progressiste n’ pas démérité, mais elle réalise un score décevant et se retrouve assez loin des résultats des partis populistes de gouvernement. La gauche stricto sensu, elle, est plus loin derrière encore ; elle n’inexiste pas avec trop d’intensité, mais elle est handicapée par ses divisions : anciens apparatchiks versus gauche alternative alliée aux écologistes, sociaux-démocrates versus gauche plus radicale, « élites » versus « peuple ». Dommage.
La situation est assez différente dans les 2 autres pays qui composent ce qu’on a pris coutume de nommer le Groupe de Visegrád, à savoir la République tchèque et la Slovaquie. Une participation faible (28 et 22 % contre 18% et 14% en 2014, la plus faible de l’UE), un parti de pouvoir mis en difficulté et même, en Slovaquie, battu par l’opposition.
L’ ANO en effet, le parti de droite du milliardaire Andrej Babiš, n’a bénéficié que de 21 % des voix (30 % en 2014). Le maître ès opportunisme bénéficiait du soutien du Parti communiste et s’était allié avec le ČSSD (sociaux-démocrates)… Mauvais calcul, sans doute, dans le contexte tchèque actuel. L’ ANO (« Oui » en tchèque) est cerné de toutes parts : par l’ ODS de droite (14,5%), les Pirates (14%), les libéraux de TOP 09 (12 %) ; le KDU-ČSL, qu’on peut qualifier de chrétien-démocrate (7% ) et le SPD d’extrême-droite. Du monde au balcon strasbourgeois…
Quant à la Slovaquie, le SMER-SD, parti d’origine social-démocrate au pouvoir, n’a remporté que 15,7 % des suffrages ! Derrière une opposition pourtant morcelée à l’extrême. Il est très nettement devancé par l’alliance Slovaquie progressiste et Ensemble (20%), menée par la Présidente qui s’installera début juin, Madame Čaputová. Sans doute Robert Fico, l’ancien premier ministre SMER-SD, continue-t-il à payer le prix des divers scandales qui ont émaillé son parcours au gouvernement. En 3e position : le parti de nazis nazes SNS (Notre Slovaquie) de Marian Kotleba (12 %!). Viennent ensuite des partis qui se situent entre 5 et 10% et qui pourront donc eux aussi déguster la choucroute de la Maison Kammerzell : le Mouvement chrétien-démocrate et deux partis conservateurs (chacun un ou deux députés).
En somme, un tableau contrasté, où certes, les droites extrêmes occupent une place extravagante, mais où les oppositions démocratiques et libérales progressent. Mais les choses ne font que commencer…
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