Les Elections européennes et la gauche

Un bref état des lieux inaugural

Les rosiers pourront-ils à nouveau porter des fruits, un jour ? Foto: Unkn. / Wikimédia Commons / CC-BY-SA PD

(MC) – Hier, à Berlin-Friedrichsfeld où se trouve le Mémorial des socialistes, on a commémoré le centenaire de la disparition de Rosa Luxemburg, la grande dirigeante révolutionnaire spartakiste massacrée le 13 janvier 1919 par des soldats du gouvernement social-démocrate. Une fracture de la gauche sinon originelle – l’histoire de la gauche allemande remontant très au-delà de 1914 – du moins très ancienne ; et fondatrice d’un problème sans doute irrésoluble de la gauche européenne tout entière, comme l’est aussi le Congrès de Tours de 1920. Et qui jouera un rôle écrasant dans les difficultés que rencontrera la gauche européenne à affronter et à vaincre les listes national-populistes lors des prochaines élections européennes.

Celles-ci, en effet, ont largement repris les revendications sociales et populaires à leur compte, de la France à la Roumanie – dans l’Europe tout entière – et en ont produit une retraduction démagogique, qui accentue pesamment la désignation de boucs émissaires contradictoires – les migrants et le grand capitalisme financier – et qui condamne, objectivement et à court terme, cette idéologie dangereuse à ne fournir aucune solution réelle aux problèmes de ce temps. Nous le voyons fort bien dans l’ agitation sociale qui a gagné ces derniers mois les pays d’Europe centrale. Aujourd’hui, dans cette situation nouvelle, la Hongrie revêt une importance particulière puisque Viktor Orbán est/était une sorte de maître à « penser » de tous les partis national-populistes européens. Or, les manifestations hebdomadaires à Budapest et dans toutes les villes de ce pays ne désenflent pas : la proposition populiste, elle, se dégonfle très visiblement .

Alors, comment se présente la gauche, ou plus précisément les gauches, avant les Election européennes ? Avant de préciser les choses dans les semaines à venir et avant le 26 mai, qui est tout proche, on rappellera en passant quelques données d’ensemble.

Le Parlement européen comprend 9 grands groupes politiques, dont chacun rassemble des partis de même obédience ou au moins, de mêmes tendances ou inclinations politiques. Pour former un tel groupe, il faut au moins 25 députés, issus d’un quart au moins des Etats membres : c’est-à-dire 7, actuellement et depuis 2009.

Des groupes qu’on peut ranger à gauche, on en trouve 2. Il s’agit de Socialistes et Démocrates, S&D (Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen), et du Groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche nordique (GUE/NGL). On peut y ajouter – ou du moins, y associer – un groupe écologiste : Les Verts/ALE. Le reste, c’est rien que des gens du centre et de la droite, dont nous parlerons une autre fois s’ils ne sont pas trop méchants.

Qu’est-ce donc qui distingue ces 2 groupes ? On l’aura deviné : c’est que le premier est moins « à gauche » que l’autre. Le groupe S&D rassemble le PSE, qui lui-même réunit les partis socialistes, sociaux-démocrates et travaillistes d’Europe. Bientôt, pour les raisons que l’on sait et qui relèvent du mauvais cauchemar d’une Nuit d’été, on ne trouvera plus l‘ombre d’un « travailliste » britannique au Parlement. Mais on s’en consolera en se disant que s’ils ne nous aiment plus, c’est bien fait pour eux, et qu’en face, il n’y aura plus de Conservateurs britanniques non plus, hin hin. Des partis d’autres Etats membres portent cependant cette étiquette « travailliste » : au Pays-Bas, à Malte. Reste aussi le parti travailliste irlandais… Au total, 29 partis.

Un groupe qui où cohabitent 29 partis, et qui présente – nécessairement – un aspect plutôt chamarré. Où les désignations exposent des distinctions assez subtiles. Certains partis « socialistes » sont plus libéraux que certains partis sociaux-démocrates, et inversement…. Par ailleurs, l’étiquette « social-démocrate » n’a assurément pas les même connotations, sinon la même signification, en Lituanie, en Roumanie ou en République tchèque qu’au Pays Bas : dans les anciens pays soviétisés ou post-staliniens, la social-démocratie a assuré une sortie parfois difficile des régimes communistes, et n’ont pas toujours remplacé la nomenklatura de naguère par une élite… autre. D’où certaines dérives autoritaires inquiétantes, en Roumanie par exemple, et une gestion chaotique de la corruption endémique. Il ne faut pas continuer à s’illusionner : c’est bien là l’un des grands problèmes de la gauche européenne ; un problème souvent palpable lors des débats au Parlement même. Et qui s’aggrave par suite de virulents mouvement sociaux de protestation, dans plusieurs de ces pays.

Les principaux pays présents à S&D sont l’Italie (31 sièges),l’Allemagne (SPD, 27 sièges), la France (14 sièges) et l’Espagne (13 sièges). Soyons attentifs au fait que plusieurs partis nationaux se partagent les sièges, pour plusieurs pays : l’Italie envoie à Strasbourg et à Bruxelles les députés de 4 partis ; ceux de l’Espagne, de 2 partis, et ceux de la France, 3 (à savoir le PS, les Radicaux de gauche et le mouvement Génération.s de Benoît Hamon). Une division qui peut avoir des effets délétères et qui repose trop souvent sur des querelles personnelles.

Si l’Allemagne propose des candidats étincelants, à savoir Udo Bullmann, l’actuel président du Groupe (depuis mars 2018), et la Ministre fédérale de la Justice Katarina Barley – une personnalité admirable dont nous reparlerons – il est très significatif de l’intérêt que porte la classe politique française à l’Europe qu’en notre doux pays, aucun candidat n’a encore été choisi, et cela, 4 mois avant les Elections ! Tandis qu’à l’extrême-droite, le Rassemblement national, lui, a choisi son Grünschnabel depuis bien longtemps…

Le Groupe plus à gauche, lui, à savoir la GUE/NGL, regroupe des partis de la gauche radicale et de l’extrême-gauche, ainsi que des petits partis gaucho-écologistes scandinaves. Il est présidé par l’Allemande Gabriele Zimmer. Son positionnement face à l’Europe est original : il est dedans, dans les institutions, pour influencer les décisions, et à l’extérieur parce que son radicalisme l’empêche d’adhérer au Traité de Maastricht, puisqu’il espère fonder une nouvelle société où les pivoines pousseront en plein hiver et où on pourra les manger en salade. Pour ce qui est de la France, on y trouve le PCF, LFI et l’Alternative pour un programme républicain, écologiste et socialiste, ainsi qu’une indépendante, Marie-Christine Vergiat.

Avant que nous analysions plus avant, au cours des semaines à venir, les virtualités positives et les défauts majeurs de la gauche européenne avant les Elections, on évoquera rapidement les points les plus dangereux. Il s’agit principalement, à notre sens, de l’absence de représentation charismatique pour la gauche « bourgeoise », qui va malheureusement de pair avec une absence générale, dans ses rangs et à sa tête, d’une vraie critique sociale claire et bien articulée avec les besoins des citoyens. Du côté de la gauche « radicale », il faut craindre son utopisme, si souvent stérile et riche en effets secondaires et collatéraux, et plus encore, comme cela apparaît avec une forte évidence parmi les partisans de Melenchon et, en Allemagne, chez ceux de Sahra Wagenknecht, la contagion des tendances populistes dans la gauche radicale et écosocialiste de la GUE/NGL.

Il est impératif pour la gauche, si elle souhaite jouer un rôle important dans le futur Parlement 2019-2024, d’émettre un message clair, fort et articulé sur tous les domaines de la vie. Nächstens mehr, comme l’écrivait Hölderlin !

 

 

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