Les élections municipales, vers une autre politique ?
William Krentzer se penche sur la question des élections municipales à venir...

(Par William Krentzer) – Au lendemain du second tour des élections municipales 2014, la gauche perd 155 villes de plus de 9000 habitants. Un coup de tonnerre dans l’univers du socialisme libéral. Cette année là, en janvier, Valérie Trierweiler quitte François Hollande et publie peu après « Merci pour ce moment », un livre dans lequel elle distille sa jalousie avec force détails assassins. Pendant ce temps, l’hebdomadaire « Closer » fait sa « Une » avec « L’amour secret du président », celle d’un président sur son scooter apportant des croissants à Julie Gayet, sa nouvelle compagne. A l’Assemblée Nationale, la fronde des députés PS perdure. Les projets de réformes (pacte de responsabilité, formation professionnelle, baisse des impôts sur le revenu, réforme territoriale, choc de simplification) passent mal auprès d’une majorité de Français. Dans l’Hexagone, le chômage atteint 3,49 millions de personnes !
Après janvier 2014, la suite du quinquennat de François Hollande devient un long calvaire. En mai de la même année, la gauche subit une déroute aux européennes. En septembre 2015, l’hécatombe se poursuit aux cantonales. Et en décembre 2016, c’est un nouveau revers aux régionales qui termine l’année.
«Il faut un acte de liquidation. Il faut un hara kiri pour le PS », assure François Hollande dans son livre «Un président ne devrait pas dire ça ». Une phrase que les électeurs prennent au mot en juin 2017, quand il s’agit de renouveler les députés à l’Assemblée Nationale. Mais il est vrai qu’entre-temps, le président sortant avait préféré jeter l’éponge, jugeant plus prudent de ne pas assumer son bilan dans une confrontation à plusieurs lors de la présidentielle de mai 2017
Une telle rétrospective est utile pour mettre en perspective le dégagisme qui secoue la société française depuis quelques années. « Fracture sociale », « Fracture spatiale » ne sont pas que des mots inaugurés par les discours présidentiels, ils sont avant tout des maux vécus par des millions de Français qui voient dans les politiques de ces dernières décennies les déclinaisons de la Pensée unique, à gauche comme à droite. Celle du « No alternative » de Margaret Thatcher, celle d’un néolibéralisme dispensé par des « Spin doctors » entretenant au quotidien la confusion entre libéralisme économique et liberté. Un libéralisme qui se fond d’autant mieux à gauche qu’il jongle avec cette idée de la liberté renvoyant à 1789 et à la la pensée révolutionnaire de Condorcet.
Mais qu’est ce qu’ « être libre aujourd’hui » quand le libéralisme produit les conditions de l’asservissement du plus grand nombre ? Si la liberté, c’est faire de soi ce que l’on décide, c’est aussi le contraire du libéralisme comme doctrine, laquelle se révèle soumission volontaire (ou non) aux privilèges que permettent la fortune et le savoir. Ce libéralisme qui est aussi cette théorie délégitimant les notions de droite et de gauche, renvoyant à leurs études les « libéraux de gauche » vus comme les idiots utiles du capitalisme (au sens où l’entendait Lenine), et ceux de droite reprenant trop souvent les discours de la gauche du siècle d’avant… souvent faute de mieux.
Le temps des canicules – Lors de la canicule qui se prolonge, à l’été 2019, on frôle les 50° à certains endroits de l’hexagone. Rivières à sec, arbres et vignes qui périssent, mais aussi feux monstrueux en Australie et en Amazonie, ouragans comme on n’en avait jamais vus. La planète, en se réchauffant, déclenche ce que l’on craignait sans trop y croire. En matière de climat, aujourd’hui n’est plus hier, et demain le sera encore moins.
Dans cette grande peur qui parcourt les cinq continents, le changement climatique s’impose et prend le pas sur les questions qui divisent. En France, chômage, réforme des retraites, ascenseur social en panne, se déclinent désormais sur fond de réponses urgentes à apporter à une météo tourneboulée et à ses conséquences sur la vie de chacun.
Comment vivre en ville quand la chaleur fond le bitume ? Comment faire autrement que suffoquer quand on n’a pas les moyens d’isoler thermiquement son logement ? Comment changer sa vieille voiture quand le prix du diesel augmente sans arrêt ? Autant de questions qui s’invitent à la campagne des municipales, et auxquelles répondent des discours où l’inconsistance des propositions se mêle trop souvent au sérieux de quelques autres. Avec, surplombant le tout, cette foultitude de candidats verdissant leurs affiches à qui mieux mieux.
Le French bashing va-t-il s’inviter aux municipales ? – Si aux européennes de 2019, le macronisme a pu renouveler son score du 1er tour des présidentielles, c’est grâce à l’effondrement du parti LR (Les Républicains) passant de 20,8% en 2014 à 8,5% cinq années plus tard. Aujourd’hui, il ne reste plus au sein de LREM que quelques soldats perdus du socialisme, et un nombre croissant d’hommes et de femmes ayant quitté les rivages de LR pour une version, croient-ils, de la droite plus moderne et plus en phase avec son temps.
On le comprend aisément, le contexte des présidentielles de 2017 n’est plus celui d’aujourd’hui. A droite, les Républicains sont en position avantageuse au nom de leur position dominante au sein d’un municipalisme toujours en vogue. A gauche, si les partis restent divisés, des alliances se manifestent ici et là qui laissent espérer quelques surprises. Mais l’important vient de ce mouvement écologique qui continue de capitaliser sur sa lancée des européennes de 2019, profitant de son antériorité et de son expérience sur les questions climatiques. Tout cela pour rappeler que la politique intérieure s’invite désormais aux débats d’une gestion municipale bien comprise. Avec comme toile de fond trois années de gouvernance Macron qui ont laissé un goût amer dans la bouche de nombreux Français. Sans compter ce calendrier des municipales qui se télescope à celui de la réforme des retraites, une promesse du candidat Macron pour le moins mal engagée avec son cortège de contestations sociales.
Pour conjurer tout cela, la macronie s’est mise en vol serré pour poser ses œufs dans le nid des autres, en soutenant des maires sortants pour profiter de leur notoriété et faire entrer quelques-uns des siens au sein des conseils municipaux. Dans la tournée des grandes villes, il n’y a guère qu’à Lyon que LREM a des chances de l’emporter sur ses couleurs, car ailleurs sa politique du coucou n’est qu’un pis-aller.
Si l’onction présidentielle pourra permettre à certains maires sortants d’éviter la guillotine, elle a surtout pour visée de les incorporer à son bilan dès lors qu’ils sortiraient gagnants au soir du 22 mars. Une manœuvre qui s’ajoute à cette autre qu’est la circulaire Castaner, relevant à 9000 habitants le seuil déclenchant l’attribution d’une couleur politique aux listes en présence. Un seuil ramené ensuite à 3500 habitants, après avoir été retoqué par le Conseil d’Etat. Une décision prise à juste raison, quand on sait que cette circulaire concernait 96% des communes françaises et 52% du corps électoral. Une circulaire qui, faut-il l’ajouter, était un enfumage permettant au ministre de l’Intérieur de livrer des résultats à sa convenance grâce à un « nuançage » sur mesure.
On le voit, dans une telle conjecture, le parti présidentiel a tout à craindre de ces élections qui, comme beaucoup d’élections locales, sont l’occasion de « sortir les sortants ».
Tous « Cetelem », tous en vert. – Au café du commerce, la formule fait fureur. Chercher l’original parmi les divers costumes verts qui parsèment la scène électorale, voilà qui pimente les conversations du moment. Et de commenter le composteur proposé par tel candidat, la permaculture sur les toits pour cet autre, des fleurs à tous les balcons pour attirer les abeilles, etc, etc.
A l’énumération de ces propositions, les sourires vont bon train, les questions aussi. Car très vite, après les galéjades des premiers instants, les constats des dernières années reviennent, ceux où la fracture sociale et la fracture spatiale dominent tous les autres. Des constats qui doivent beaucoup à la vie de chacun, selon qu’il habite en ville ou non, selon qu’il a les moyens de se loger, de se déplacer à sa guise, de vivre correctement sa vie. A partir de là, la question des inégalités pèse lourdement sur celle des dérèglements du climat. Avec cette question majeure : comment concilier plus de justice sociale avec une juste prise en compte de politiques écologiques qui ne soient pas un mauvais remake des politiques néolibérales ?
Face à la diversité des réponses qui pour la plupart bottent en touche cette épineuse question, l’issue des élections de mars prochain risque de donner bien des tableaux contrastés, selon la taille et la configuration des communes. L’élan qui se manifeste pour des politiques vertes, des politiques plus proches du citoyen, va-t-il accoucher d’une souris ? Quand le futur de la planète butte sur les phénomènes de l’immigration et des nationalismes montants, la réponse réside dans la clarté des débats et une vision claire des candidats pour des lendemains qui à beaucoup apparaissent comme opaque. A un mois du 1er tour, cette réponse se fait attendre.
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