Les « emigrantes » d’Europe revoteront

Les « emigrantes » de la Circonscription Europe vont, comme sur cette sculpture leur rendant hommage à Nisa, se donner la main pour retourner voter. Foto: Victor Oliveira / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.0

(Jean-Marc Claus) – Les dernières élections législatives au Portugal, qui ont renforcé la position du Premier Ministre António Costa, grâce à l’obtention de 41,68% des suffrages par le Partido Socialista, avaient aussi été un succès pour ce parti au niveau des circonscriptions des Portugais à l’étranger. Le dépouillement effectué les 8 et 9 février, avait révélé non seulement une forte participation, s’élevant à 195.000 votants en Europe et 65.000 dans le reste du monde, mais aussi que les « emigrantes », jusqu’ici plus traditionnellement à droite, ont, en 2022, apporté 37,7% de leurs suffrages au PS contre 26% en 2019.

17% des Portugais inscrits en consulat, ont voté cette année contre 11% lors des précédentes législatives. Le PS a obtenu deux sièges, sur les quatre représentant leurs compatriotes installés à l’étranger. Le Partido Social Democrata (PSD) de centre-droite, a gagné les deux autres sièges, et progressé de 23 à 28% des voix. Mais le parti d’extrême-droite Chega, qui avait obtenu moins de 1% des suffrages en 2019, est aujourd’hui à 10%, contre 7% au niveau global. Ceci laisse clairement entendre que le discours nationaliste faisant plus recette a sein de la diaspora que dans le pays, s’y est aussi très rapidement diffusé avec succès. La quatrième force politique de ces circonscriptions, est sans conteste le parti animaliste et écologiste Pessoas-Animais-Naturaleza (PAN), même s’il n’a pas obtenu de siège avec 4% des suffrages.

Mais l’assemblée de la République ne pourra pas se réunir au complet, avant le retour aux urnes des électeurs de la Circonscription Europe ! La loi électorale portugaise spécifiant que pour le vote par correspondance, le bulletin choisit doit être accompagné d’une copie de la carte d’identité, il se trouve que ce ne fut pas le cas pour un certain nombre d’entre eux. Or, un accord sans fondement juridique entre les partis, avait donné consignes aux présidents des bureaux de vote de les accepter quand même. Ce à quoi s’est par la suite opposé le Président du Bureau de Recollement Général.

Mais les bulletins issus de processus conformes et non conformes étant mélangés, comme il n’y avait plus moyen de les trier, les votes pour la Circonscription Europe ont été invalidés. Décision que le Tribunal Constitutionnel a validé le 15 février. Or, les suffrages des électeurs de la Circonscription Europe, représentaient 75% de ce scrutin, et il est à craindre que la tenue d’un second vote, le 27 février, comme l’a exigé le Tribunal Constitutionnel, provoque une chute de la participation, car les électeurs vont devoir cette fois-ci, se rendre exclusivement aux consulats, dont certains sont très éloignés de leurs domiciles.

La Cour est restée très ferme sur l’application de la loi électorale, refusant tout accord entre représentants de partis en lice pour accepter l’ensemble de suffrages. Le Premier Ministre António Costa, qui devra attendre pour former son nouveau gouvernement, a présenté ses excuses et précisé que cette expérience doit servir de leçon pour tous.

Nathalie de Oliveira (PS), ancienne adjointe au Maire de Metz qui était candidate en seconde position à ces législatives, a accueilli avec soulagement la décision du Tribunal Constitutionnel. Elle ne manque pas de souligner avec justesse, qu’il ne peut y avoir ni Assemblée de la République ni Gouvernement, sans le vote des « emigrantes ». Du côté des universitaires, le professeur Manuel Auntunes da Cunha, estime dans un article publié par Publico, qu’il serait temps d’enfin nommer un secrétaire d’état à l’émigration, et de ne pas limiter la préoccupation des dossiers méritant l’attention de tous les députés de la nation, aux quatre élus représentant les « emigrantes ».