Moris Farhi ou l’hymne à la vie

« Ou bien voulez-vous parler de l'Inde, du pays dont nous sommes originaires ? Même si les Indiens étaient prêts à nous accueillir, nous serions toujours dans un pays d'accueil ! Alors de quelle Terre promise parlez-vous ? »

Emouvant, le roman de Moris Fahri qui relate la tragédie des Roms en Europe Centrale. Foto: privée

(Par Esther Heboyan) - « Du Romanestan «». (Les Enfants du Romanestan, Bleu autour, 2016, p. 147). À l’heure où l’Europe traverse des turbulences tant politiques que morales, avec des plongées vers des discours immondes, Moris Farhi nous rappelle l’épopée tragique des Roms d’Europe centrale. Son roman historique, « Les Enfants du Romanestan » (Children of the Rainbow), est une fable amère qui dénonce les cruautés exercées contre un peuple qui, jusqu’à aujourd’hui, continue d’errer et de subir incompréhension et intolérance. 

Moris Farhi est un sage au sens ancien du terme. Il prodigue raison et bienveillance. Son récit épique, inspiré d’événements réels, convoque à la fois la réflexion et l’émotion du lecteur. On en vient à se demander pourquoi, siècle après siècle, l’Europe entretient tant de haine à l’égard d’un groupe qui se nourrit de sa différence et se met en péril pour les mêmes motifs. Le protagoniste nommé Branko est aussi un sage, celui qui doit incarner le rêve, l’utopie, le Livre sacré des Tziganes.

« Quand il eut atteint l’âge d’homme, il partit affronter Mara, le démon.
Il élimina préjugés et ignorance en suivant le huitième chemin vers la lumière, celui qui permet de garder fermes vision, pensée, parole, action, humeur, détermination, compassion et concentration.
Parvenu à sa pleine maturité, il était doté de toutes les connaissances sauf une, la grande révélation de la vérité absolue.
Pour l’acquérir, il alla au Vesh s’asseoir sous un figuier des pagodes. » (p. 226)

Farhi, qui a fui la Turquie à l’âge de 19 ans pour s’établir en Angleterre, qui tout au long de sa vie a combattu l’exclusion sous toutes ses formes et la xénophobie en particulier, a produit là un document très fouillé alternant les époques et les visions, une œuvre dont la puissance narrative est empreinte de poésie sensuelle.

Le romancier, qui a longtemps œuvré dans le cadre de PEN International et qui, au cours d’un voyage en Europe de l’Est, a été bouleversé par le récit d’un député d’origine Rom ayant subi des humiliations au quotidien (dont des crachats de la part de ses collègues), livre là une histoire moderne aux rebondissements macabres. « Les Enfants du Romanestan » décrit l’épopée du peuple Rom qui renaît de ses cendres après chaque tragédie. Car, dit la légende, les Roms se nourrissent des valeurs et croyances ancestrales ainsi que de l’âme des rivières ou des couleurs de l’arc-en-ciel.

Farhi a été scénariste pour la télévision (la série Doctor Who à la BBC) et a publié des romans (dont Jeunes Turcs, Buchet-Chastel, 2006), des nouvelles et un recueil de poèmes (Cantates des deux continents, Bleu autour, 2013). L’auteur observe les êtres avec compassion, commente l’Histoire contemporaine avec sévérité. Véritable pamphlet contre la bêtise et la barbarie des êtres humains et des régimes politiques, l’œuvre se voudrait également un hymne à la vie, à l’amour, à l’amitié et à la liberté.

Arrivé à Londres en 1954 sans projet précis, Farhi a choisi de suivre des cours d’art dramatique. Après quelques apparitions au cinéma (dont un rôle de gitan dans Bons baisers de Russie, 1963), il s’est tourné vers l’écriture.
Moris Farhi sera à la Maison de la Poésie à Paris le samedi 22 octobre 2016 à 20h.

Les Enfants du Romanestan de Moris Farhi, 352 pages, éditions BLEU AUTOUR, ISBN 978-2358480505

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