Les entreprises allemandes en France…

Une très courte majorité pour ceux qui voudraient à nouveau créer une entreprise dans l’Hexagone !

Zalando montre à Lahr que l'économie peut aussi fonctionner en mode transfrontalier... Foto: (c) Raimond Spekking / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Par Alain Howiller) – Tous les deux ans la « Chambre franco-allemande de Commerce et d’Industrie », l’une des 130 chambres allemandes implantées dans 90 pays, étudie la situation des entreprises allemandes installées en France. Elle s’appuie traditionnellement sur une étude réalisée par le cabinet « E & Y », anciennement « Ernst et Young » qui avec 212.000 collaborateurs et 700 bureaux dans 151 pays, est l’un des leaders mondiaux de l’audit, du conseil en management, en matière de droit et de fiscalité. La Chambre vient de publier son rapport 2016 intitulé « Situation économique, perceptions et perspectives 2016-2020 ». Rappelons que les entreprises allemandes implantées en France emploient 350.000 salariés, tandis que les entreprises françaises installées en Allemagne en emploient 400.000. 42% des entreprises germaniques opèrent dans l’industrie, 43% dans la vente et la distribution : ce sont les premières qui représentent les effectifs les plus nombreux alors que les secondes sont constituées en majorité d’unités de moins de 50 salariés.

400 entreprises en Alsace. – On estime qu’il y a plus de 3.000 entreprises d’Outre Rhin en France : chiffre que, dans une étude précédente, « E & Y » avait situé à hauteur de 400 firmes -dont 50 venaient du Pays de Bade proche- installées en Alsace (1).

Pour donner tout le poids qu’il convient à l’analyse publiée par la Chambre franco-allemande, relevons que 44% des firmes interrogées se sont implantées en France avant 1970, 31% ont fait la démarche entre 1970 et 2000 et 23% ont réalisé leur implantation depuis 2000 ! Constatons d’emblée que si en 2014, lors de la précédente étude, 68% des entreprises avaient souligné qu’elles referaient le choix de la France, le chiffre des candidats à une éventuelle implantation a reculé, en 2016, à 53% tandis qu’elles sont 13% à affirmer qu’elles ne feraient plus ce choix aujourd’hui ! Pourtant, l’enquête montre que si sur le plan de l’attractivité en cas d’investissement, l’Allemagne et la Grande Bretagne restent en tête des lieux choisis pour y investir, la France reste, elle, à la troisième place des lieux à retenir : le pays arrive même à conforter son classement, il est vrai à bonne distance, des deux premiers de la classe !

La situation s’est améliorée : mais…. – Ces choix interviennent à un moment où une majorité d’entreprises allemandes dressent le constat que la situation économique de la France s’est améliorée au cours des deux dernières années, si bien que pour 30% des chefs d’entreprises, le choix d’un nouvel investissement s’imposera dans les 2 ou 4 ans : ils étaient 23% à partager cette opinion lors de l’enquête de 2014 ! 54% des entrepreneurs estiment que leur chiffre d’affaires va augmenter mais que leurs bénéfices ne suivront pas la courbe -pourtant ascendante- des ventes.

Si cette approche explique que les entreprises cherchent, de plus en plus, un avenir dans les ventes à l’étranger « depuis leur plateforme française idéalement située » (51% des entreprises contre 47% en 2014 exportent et 47% contre 40% ont amélioré leurs ventes à l’étranger), elle explique aussi que 60% des entreprises ne prévoient pas de nouveaux recrutements dans les six mois alors que, au contraire, 28% (contre 22% en 2014) prévoient, elles, de recruter. Pourtant, pour 30% des interrogés, les recrutements pourraient reprendre en 2018 (curieusement après les élections française et allemande dont on semble attendre beaucoup !).

Le cas « Zalando » à Lahr ! – Dans l’espèce d’attentisme qui semble peser sur les perspectives d’avenir des entreprises allemandes en France (les entreprises française n’y échappent du reste pas) au point de bloquer nombre d’initiatives susceptibles de générer une forme d’optimisme indispensable, le climat social est évidemment important : « La lourdeur du climat social est, là aussi, à l’origine d’une incompréhension notable entre l’investisseur allemand et sa filiale française », commente un dirigeant d’entreprise.

Mais, il y a plus : « Les entreprises allemandes déplorent une approche idéologique et pas assez pragmatique des questions économiques en France. Elles regrettent aussi une propension à traiter les effets plutôt que les causes des problèmes du pays », souligne un représentant de « E & Y ». Et parmi les dix obstacles recensés à travers les interviews des dirigeants sollicités par la Chambre franco-allemande, il en est trois qui seraient déterminants pour augmenter notamment l’attractivité de la France et pour relancer les investissements en général.

La non prise en compte de ces mesures risque fort de voir s’installer du côté allemand de la frontière des investisseurs qui veulent attirer la main d’œuvre alsacienne : au moins -diront les partisans de ce type de projets- ces implantations contribueront à peser sur le chômage alsacien ! Ce sera le cas de « Zalando », le site de vente en ligne de prêt à porter qui implante à Lahr, sur 18 hectares, un centre de logistique qui devrait employer un millier de personnes !

Trois mesures pour redresser l’économie française ! – La première mesure à prendre pour dépasser l’un des obstacles, c’est d’augmenter la flexibilité du marché du travail. La seconde porte sur une réduction de la pression fiscale pesant sur les entreprises, mais aussi sur les prélèvements sur les revenus du travail. La troisième mesure porte sur l’indispensable simplification du droit du travail, une mesure que réclament 54% des chefs d’entreprise ! « Des mesures qui permettraient de combiner l’agilité française et la rigueur allemande » souligne l’un des entrepreneurs interrogés !

Car pour les entreprises allemandes installées en France, si le climat général s’est amélioré, le chemin est encore long avant de vivre le redressement attendu et… promis par ceux qui animeront -candidats et électeurs- la campagne des élections présidentielles suivies par les législatives. « Ce n’est qu’avec des entreprises prospères que la France pourra maintenir ses dispositifs sociaux de solidarité qui sont un atout et qui font sa fierté ! », conclut Ulrike Steinhorst (Airbus).

France, Allemagne, Italie ! – Un propos rassurant que viennent compléter Guy Maugis (Directoire de Bosch et Président de la Chambre franco-allemande) qui déclare : « Il y a une prise de conscience dans le milieu des affaires de la nécessité qu’il faut une Europe forte pour négocier avec la Chine et les USA ! »

Ce à quoi ajoute l’entrepreneur Olivier Philippe : « La France ne compte peut-être que 8.000 centres d’usinage contre 54.000 en Allemagne et 25.000 en Italie. Mais elle reste un des rares marchés où l’on parvient à tirer tous les potentiels de nos équipements ! »

(1) Voir Eurojournalist.eu du 5 Novembre 2014.

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