Les entreprises allemandes misent sur l’avenir de la France

Surprenant : installées en France, les entreprises allemandes sont confiantes dans l’avenir de l’économie française.

Les entreprises allemandes implantées en France croyent en l'avenir économique de la France. Foto: Sanseiya / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Alain Howiller) – François Hollande doit faire face à une succession de nouvelles peu réjouissantes concernant l’état de l’économie. A la recherche quasi-désespérée du fétu de paille auquel il pourrait s’accrocher pour retrouver des raisons d’espérer un retournement de conjoncture, il trouvera une bouffée d’oxygène dans le «Daily Telegraph» britannique et dans une étude de la «Chambre de Commerce et d’Industrie franco-alllemande». Le premier dérogeant à la tradition du «french-bashing» annonce, ni plus ni moins, que dans «Dix ans, la France sera la puissance dominante en Europe» car «l’Allemagne se reposant sur ses lauriers», pratiquant à outrance le fétichisme fiscal du Ministre des Finances, «prisonnière de la fausse idée partagée que l’économie se gère comme le budget d’une famille et rassurée à tort par la flatterie mal placée des pays voisins qui regardent rarement sous le capot du moteur allemand !..».

«D’ici à cinq ans», conclut le quotidien anglais, «il est évident que l’Allemagne se trouvera dans une situation grave et qu’un budget équilibré ne sera pas suffisant pour se défendre. D’ici dix ans, la France sera la puissance dominante en Europe !»

Les bonnes perspectives démographiques ! – Il ne manquera pas de «bons esprits» qui considèreront que… «dix ans c’est loin» et «qu’il faudra déjà y arriver !» Ceux-là s’étendront peut-être plus volontiers sur l’étude réalisée par la Chambre de Commerce et d’Industrie franco-allemande, réalisée en collaboration avec l’un des quatre premiers cabinets mondiaux d’audit Financier et d’Avocats:«Ernst et Young – E.Y.». Les deux organismes associés ont interrogé 2.000 entreprises allemandes installées en France : ils livrent les résultats de leur enquête, complétée par des interviews de dirigeants.

«Je pense que la France a un avenir très prometteur, c’est une grande nation, une grande économie avec une bonne perspective démographique. Il y a un bon tissu industriel, des acteurs industriels importants qui jouent un rôle global dans l’économie mondiale», commente Stephan Parthier, Directeur Général de E.ON France dans l’étude de la Chambre franco-allemande à qui Jacques Rivoal, Président de Volkswagen France confie, en forme de bémol : «La difficulté française est de créer un consensus. Comment réformer sans que la société se bloque ? Je suis optimiste car avec le temps, les choses évoluent. Il ne faut pas oublier qu’à une époque, c’était l’Allemagne que certains appelaient ’l’homme malade de l’Europe‘. Ce n’est plus le cas !», souligne Nicola Lohrey, directeur associé d’EY(1).

Allemagne / USA : une approche divergente ! – Deux tiers des entreprises allemandes installées en France interrogées dans le cadre de l’étude déclarent que leur maison-mère investirait de nouveau dans notre pays, mais la France doit prendre très vite appui sur ses atouts indéniables pour se transformer et conserver la confiance de ses partenaires.

Quand on sait que les entreprises allemandes installées en France emploient plus de 350.000 salariés dans le pays et que, en échange, les entreprises françaises occupent 400.000 salariés en Allemagne, voilà des propos qui -sans toutefois les effacer- relativisent le «baromètre du moral des investisseurs» que vient de publier la «Chambre de Commerce Américaine en France» avec l’un des trois premiers cabinets mondiaux en stratégie et management, Bain & Company (Boston).

Economie : du mieux en perspective. – D’après ce baromètre, il n’y a plus que 12% d’investisseurs US à avoir une perception positive de la France : ils étaient 56% en 2011 ! On compte 4.000 entreprises US en France ayant créé 440.000 emplois. En comparant ces données, on ne peut que constater, une fois de plus, cette imbrication entre les économies allemande et française qui a poussé récemment le ministre français de l’économie et celui des Finances à rencontrer, à Berlin, leurs homologues allemands dans l’espoir de débloquer des investissements publics et privés au profit du marché français.

Espoirs déçus dans l’immédiat ! – Bien que soulignant les intérêts convergents entre les économies des deux rives du Rhin, les partenaires allemands ont souligné que si investissements il devait y avoir, ce ne pourrait qu’être le fait d’investisseurs privés.

Cela tombe relativement bien puisque, au vu de l’enquête de la Chambre de Commerce franco-allemande, si 73% des entreprises allemandes en France (contre 57% interrogées en 2012 !) estiment que la situation économique est mauvaise, 33% d’entre elles estiment qu’elle sera toujours mauvaise en 2015 et seules 22% d’entre elles gardent ce point de vue pour la période 2016 / 2017 ! Si 30% pour 2014 et 38% pour 2015, s’attendent à une augmentation de leur chiffre d’affaires, elles sont 54% à compter sur une hausse pour la période 2016 / 2017 !

Des entreprises relativement optimistes. – Si les entreprises restent relativement optimistes pour le moyen terme, l’explication s’en trouve sans doute dans ce propos de Patrick Léon, directeur Général Dornbracht France : «On sent un pessimisme général qui n’est pas justifié dans l’absolu…. En France, on est dans le dur pendant encore 2 à 3 ans. Ce qui n’empêche pas que l’on puisse s’améliorer nous-même en activant tous les leviers…»

Ce à quoi Eric Pfeiffer, Directeur Général de Helaba Landesbank Hessen, ajoute : «La France est une vieille nation dans une phase intermédiaire de restructuration.» «La France», souligne de son côté Jörn Bousselmi, Directeur Général de la Chambre de Commerce de de l’Industrie franco-allemande : «La France de trouve face à de vastes réformes pour regagner la confiance des investisseurs et renforcer sa compétitivité. Les défis et les opportunités entrepreneuriales resteront donc, à l’avenir, multiples des deux côtés du Rhin. Aux secteurs traditionnels de l’industrie et des services s’ajoutent ceux de l’énergie, de l’efficacité énergétique, des technologies environnementales, de la santé, du numérique et de l’interconnectivité qui gagnent de plus en plus d’importance».

En 2013, l’Allemagne était le deuxième investisseur direct créateur d’emplois en France derrière les… Etats Unis et devant… l’Italie. Qu’apportera la «cuvée 2014» ? Les investisseurs allemands ont trouvé des raisons de continuer à investir en France : ils citent l’engagement des salariés, leur qualification, la qualité de l’enseignement supérieur, des infrastructures, les conditions de vie pour les cadres expatriés, l’accès aux technologies, le coût de l’énergie, la présence de fournisseurs qualifiés, la protection de la propriété intellectuelle, la… position géographique du pays favorable à l’exportation sur laquelle les entreprises allemandes comptent beaucoup. Ne sont-ils s pas 47% à exporter : un cinquième d’entre eux réalisant entre 20 et 40% de leur chiffre d’affaires à l’export ?

Mais les raisons d’insatisfaction restent nombreuses : le manque de stabilité fiscale qui pèse sur les projets à long terme, le manque de flexibilité dans l’emploi, la législation trop compliquée du travail, une pression fiscale trop importante, une simplification des règlements et textes de lois régissant l’activité des entreprises. Ce dernier volet complété par la réduction de la pression fiscale et l’amélioration de la flexibilité du marché du travail qui ont été placés en tête des mesures à privilégier pour augmenter l’attractivité de la France.

Strasbourg : «L’industrie, notre avenir !» – On ne sera pas surpris de constater que ces conclusions ont rejoint celles qu’on pouvait dresser à l’issue de la conférence-débat organisée, le lundi 3 Novembre, au Conseil Général du Bas-Rhin (Strasbourg) par l’Agence de Développement Economique du Bas Rhin (ADIRA). Présidée par le sénateur Guy-Dominique Kennel, Président du Conseil Général, l’Agence avait organisé un débat sur «L’Industrie notre avenir», animé par Thierry Weil, Délégué Général du Think Tank «La Fabrique de l’Industrie» et le Belge Guido Dumarey, Président du groupe «Punch», qui a deux unités de production en Alsace.

Une unité se trouve à Strasbourg : il s’agit de «Punch Powerglide (1.000 salariés), ancienne usine de General Motors qui continue de fabriquer des boîtes de vitesse «High Tech» pour l’industrie automobile. Le produit est exporté à… 100% ! L’autre usine se trouve à Wisches (Bas-Rhin) : il s’agit de l’ancienne usine «Steel Case» (mobilier de bureau, un peu plus de 200 salariés).

Le débat, avec une salle comble de chefs d’entreprises et d’industriels, a permis de rajouter trois constats préalables au retour de la croissance. Le premier porte sur une «re-dynamisation» des interventions trop frileuses des banques. Le deuxième constat rappelle que sans les entreprises rien ne sera possible. Le troisième élément a porté sur un retour (et un recours !) de l’optimisme et de la volonté de réagir, sans lesquels la croissance ne reviendra pas ! Qui dit mieux ?

(1) Dans une étude sur la «Dynamique Entrepreneuriale dans le Rhin Supérieur», l’agence «E.Y. Strasbourg» avait déjà relevé, en 2012, que les entreprises allemandes installées en Alsace voyaient un avenir et des avantages pour leur filiale alsacienne et estimaient que leur développement allait se poursuivre. L’étude relevait la présence en Alsace, de 400 entreprises allemandes, dont 50 venaient du Pays de Bade proche.

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