Les fiançailles de l’UE et de BlackRock

L’enfant Green Deal confié à l’ogre américain

Le Commissaire Dombrovskis avec Hillary Clinton... Foto: State Chanc. of Latvia/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/2.0Gen

(Marc Chaudeur) – Grand discours lyrique d’Angela Merkel au Parlement européen mercredi dernier : les institutions européennes feront tout leur possible pour mettre en œuvre le fameux Green Deal promis l’an dernier aux citoyens européens. Mais y a du pourri dans l’air. Par l’entremise plus que douteuse du commissaire Valdis Dombrovskis, la surveillance bancaire (et donc, à ce stade de mise en place du Green Deal, une partie de ses règles de fonctionnement) a été confié au géant… américain de la gestion de capitaux, Black Rock. Un acteur extérieur à l’Europe donc, un monstre opaque et quasi omnipuissant, et un rôle plus ou moins discrètement directeur dans la définition des règles. Comment cela est-il seulement possible ? L’Union européenne dans ce qu’elle a de moins transparent et de plus détestable.

Et c’est pourquoi la médiatrice européenne Emily O’Reilly a ouvert une enquête lundi dernier sur le contrat entre BlackRock et la Commission européenne. Cette enquête était réclamée depuis le mois d’avril dernier par le groupe des Verts au PE et quelques brochettes de députés, notamment issus de Renew, le groupe libéral.

BlackRock, c’est 6 000 milliards d’euros d’actifs. Elle est présente et surpuissante dans les compagnies pétrolières, actionnaire dans quelques-unes des plus grandes banques et dans au moins 18 sociétés du CAC 40. Et aussi dans l’industrie de l’armement ! Outre l’extranéité américaine de cette société, tout cela est-il compatible avec le rôle que lui demande de remplir la Commission européenne ? La Commission veut en effet intégrer dans la surveillance bancaire les « facteurs environnementaux et sociaux » : mais BlackRock y est-il vraiment habilité ? Cela ressemble à une mauvaise plaisanterie ! Qui peut croire sérieusement que ce fonds d’investissement remplira efficacement ce rôle social et environnemental et surtout, séparera vertueusement ce rôle et la promotion de ses intérêts ?

D’autant qu’une avalanche récente d’informations ne peut qu’aviver la suspicion, avant même que l’enquête que diligente Emily O’Reilly ne soit lancée. D’abord, ce que certains appellent le « dumping » réalisé par BlackRock : attribution du marché à 280 000 euros, au lieu des 550 000 estimés initialement ! Il semble que la compagnie américaine voulait absolument emporter le morceau. Pour être certain de pouvoir influencer les décisions de la Commission ?

En juin dernier, le vice-président letton de la Commission, Valdis Dombrovskis, commissaire aux Affaires économiques et monétaires chargé de la stabilité financière de l’Union, a dû répondre à un questionnaire-interpellation signé par 84 députés européens. Le contrat a été conclu dans les règles, répond Dombrovskis, selon le meilleur rapport qualité-prix, et rien ne justifierait sa remise en question.

Mais voilà. Pour beaucoup de députés et notamment Damien Carême, du groupe des Verts au Parlement, il y a évidemment conflit d’intérêts. Pourquoi le marché a-t-il été remporté aussi facilement et pour une somme trop basse – trop basse surtout à l’égard de ce que BlackRock pourra réaliser effectivement avec un tel montant ? Et puis, il y a autre chose, et pire. Valdis Dombrovskis a fondé il y a quelque temps un nouveau type d ‘épargne-retraite pour tous les pays européens, qui concerne les salariés du public et du privé – et il a, selon un groupe de journalistes d’investigation, Investigate Europe htps://www.investigate-europe.eu, initié une période de test durant laquelle il a confié à BlackRock les épargnes des personnes intéressées…

Conflit d’intérêts ? C’est tout à fait probable, en effet… Et il faudra que M. Dombrovskis s’explique plus clairement. Espérons qu’il pourra le faire dans le cadre de l’enquête mise en route lundi dernier. Il faut que la Commission profite de la crise pour changer radicalement ses mœurs politico-financières. Et, de préférence, qu’ elle rompe ses fiançailles forcées avec BlackRock.

 

 

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