Les frontières invisibles qu’il faudra encore franchir

La «Conférence Citoyenne» transfrontalière hier à Kehl a surpris tout le monde. Par son ampleur et par le contenu d’un dialogue animé.

Roland Ries a expliqué aux jeunes à Kehl les raison qui ont conduit la ville de Strasbourg à organiser ces "conférences citoyennes". Foto: Claude Truong-Ngoc / Eurojournalist(e)

(KL) – Lorsque 250 personnes se déplacent au «Berufliche Schulen» à Kehl, un lundi à 12h30, pour participer à un débat franco-allemand de deux heures, c’est que l’enjeu est de taille. En effet, le sujet de cette conférence était «L‘accès au marché de l‘emploi». Les plus de 150 élèves allemands et français avaient des interlocuteurs experts – outre les maires de Strasbourg et de Kehl, Roland Ries et Toni Vetrano, le patron de l’ANPE de l’Ortenau Horst Sahrbacher avait autant fait le déplacement que des chefs d’entreprises et d’organisations du franco-allemand, comme le Président de la Fondation Entente Franco-Allemande, Jean-Georges Mandon, ainsi que les maires adjoints Nawel Rafik-Elmrini et Michael Schmidt. Mais hier à Kehl, les acteurs les plus importants n’étaient pas les personnalités, mais les jeunes.

Lors des débats, tout le monde était d’accord que généralement, l’accès au marché de l’emploi et de la formation est plus difficile pour les jeunes issus de l’immigration et ce, de deux côtés de la frontière. Les raisons principales en sont à la fois des préjugés qui existent, qu’on le veuille ou pas, aussi dans les tètes de l’un ou l’autre directeur des ressources humaines que le sujet éternel qui nous accompagnera encore longtemps dans la région du Rhin Supérieur – les langues.

Malgré la multitude de programmes de formation et d’emploi (on recense pour le Bade-Wurtemberg pas moins de 55 programmes dans ce domaine), le problème ne résiderait pas dans la communication (aucun des jeunes ne connaissait ces programmes), mais dans un manque de compétences interculturelles. «J‘ai peur d‘aller à Strasbourg», confiait l’un ou l’autre des jeunes, ce qui suscitait aussi une certaine incompréhension de la part d’autres jeunes participants. «Il ne faut pas écouter ce que disent les autres, il faut y aller et faire ses propres expériences», soulignait une jeune femme qui estimait que les différences culturelles entre la France et l’Allemagne ne seraient pas si dramatiques que ça.

Si cette multitude des programmes proposée aux jeunes ne rencontre pas le succès escompté, c’est que les jeunes Allemands n’ont pas encore le reflexe de regarder ce qui se passe sur l’autre rive du Rhin et les jeunes Français ne viennent pas naturellement en Allemagne. Pourtant, tout est mis en œuvre pour leur faciliter la démarche. A Peter Cleiß, chef de cet établissement kehlois de lancer en direction des jeunes Allemands : «Si sur l‘autre rive, la ville était Cologne et non pas Strasbourg, vous y irez tous les jours…» Voilà l’objectif à atteindre ces prochaines années – permettre aux jeunes d’évoluer avec le même naturel sur les deux rives du Rhin. Car si les frontières ont été abolies depuis longtemps, elles persistent visiblement encore dans la tète des gens.

Mais est-ce que tout fonctionne vraiment si bien ? Tout ? Probablement pas. Même si de nombreux acteurs publics et privés organisent des programmes formidables, la plupart de ces programmes passent encore loin des réalités des jeunes. Ainsi, aucun des jeunes participant à cette conférence, ne disposait d’une «app» que propose l’ANPE allemande pour les smartphones. Est-ce que ce que les spécialistes élaborent dans leurs études, correspond réellement à ce dont les jeunes ont besoin ?

Si de nombreuses questions restaient sans réponse hier à Kehl, comme celle comment changer les préjugés contre les jeunes issus de l’immigration, le plus important était accompli. Le dialogue entre jeunes Allemands et Français, entre acteurs de la vie publique et de la société civile, entre l’enseignement et le monde économique avait bel et bien lieu. Conclusion – la série de «conférences citoyennes» est un format extraordinaire qui demande à être fait et refait. Le maire de Strasbourg Roland Ries a lancé ce format ouvert et courageux qui doit absolument être pérennisé. Car le dialogue, dans le respect de chacun, constitue la base pour tout changement de la société. La ville de Strasbourg montre actuellement l’exemple.

Les conclusions et résultats de cette série de conférences seront présentés déjà le 19 février prochain – avec un programme d’action correspondant. En attendant les prochains dialogues franco-allemands.

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