Les langues régionales ou minoritaires : Relax, Marianne…

Le débat autour de la «Charte européenne des langues régionales ou minoritaires» bat de son plein. La France ne l’a toujours pas ratifiée et mis en oeuvre, malgré sa signature en 1992.

Le fait qu'on y parle deux langues, ne fait pas de la Bretagne une terre non-républicaine. Foto: B25es / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(KL) – Que ce soit en Alsace, en Bretagne, en Corse ou ailleurs, les défenseurs des cultures et langues régionales sont furieux. Pour cause, car le maintien d’un patrimoine régional en dépend partiellement. Lorsqu’une langue régionale se meurt, une partie de toute la culture disparaît avec. En France, cette question s’accompagne depuis toujours (et c’est certainement l’une des raisons pour lesquelles la France n’a toujours pas ratifiée et appliquée cette Charte) d’un soupçon, celui quant à la fiabilité républicaine de ces régions, car ce que l’on ne comprends pas à Paris, est intrinsèquement suspect. Mais là, le centralisme parisien se trompe. En Allemagne, nous avons la chance de ne pas vraiment connaître ce problème.

«En Allemagne, ils causent tous l’Allemand», peut-on penser, mais c’est faux. A un degré moindre, nous n’avons pas uniquement des dialects très différents, qui peuvent rendre la compréhension entre un Bavarois et un Frison difficile, mais également, comme en France, des langues à part, des langues régionales et minoritaires. Ce patrimoine est soigné et n’engendre en aucun cas un autonomisme quelconque – la culture et la langue sont ce qu’elles sont, l’expression d’une identité régionale, au sein d’un ensemble plus grand qui est l’Allemagne. Malheureusement, lors des débats autour de la réforme territoriale, les autonomistes dans les régions françaises ont eu tort de lier la question culturelle et identitaire à celle d’une structure administrative. A Paris, cela n’a fait qu’approfondir, justifier ces craintes quant à la cohésion du territoire français.

En Allemagne, il y a une minorité danoise dans le nord du Schleswig-Holstein qui parle le Danois. Ils en ont parfaitement le droit, siègent dans le parlement du Land grâce à une exception faite à la constitution allemande quant à la barre des 5% dont un parti politique a besoin pour pouvoir envoyer des élus dans un parlement (l’Union des Electeurs Danois obtient systématiquement au moins un siège au Parlement du Land à Kiel, en dépassant rarement 1% des votes), et ils participent ainsi aux décisions politiques. Aussi en ce qui concerne l’enseignement. Sans avoir jamais eu l’idée de vouloir rattacher cette région allemande au Danemark.

D’autres langues sont le Sorbe que l’on parle dans la région de la Lausitz qui elle, s’étend sur les territoires de la Saxe et du Brandebourg. Le Sorbe est une langue slave qui n’a rien en commun avec la langue allemande. Mais, comme dans la plupart des régions frontalières, les gens y sont (au moins) bi-lingues.

Et il y a le Frison, le parler aux côtes de la Mer du Nord, qui ressemble au Néerlandais, sans toutefois être du Néerlandais. Etrangement, les néerlandais ne comprennent pas non plus très bien «leurs» frisons néerlandais, comme les allemands les frisons de l’est. Ce qui ne conduit pas à un vaste mouvement autonomiste qui aurait pour but de créer la «Transfrisonie» en faisant ses adieux à l’appartenance à l’Allemagne et aux Pays-Bas. On y est allemand, on parle le Frison et l’Allemand, tandis que de l’autre côté de la frontière, on est néerlandais, on parle le Frison et le Néerlandais et voilà tout.

En France, on confond identité régionale et nationalité – en pensant dans la capitale que dans les régions, une identité régionale forte soit incompatible avec le sentiment de faire partie d’un plus grand ensemble qui est la France. Identité régionale vs. Identité républicaine, en quelque sorte. Tout le malentendu vient de là. Car ce soupçon qui pèse sur les régions, produit également un effet inverse. L’identité régionale prend une dimension politique. La France centraliste est en train de perdre une grande partie de sa richesse culturelle qui de toute manière, se fonde sur sa diversité, de peur de perdre ses régions. Relax, Marianne, ils t’adorent dans toutes les régions de France, même si parfois, ils le disent dans une langue que tu ne comprends pas ! Allez, ratifie cette Charte et fait en sorte à ce que cette richesse ne se perde pas à tout jamais !

1 Kommentar zu Les langues régionales ou minoritaires : Relax, Marianne…

  1. On aurait pu penser que la construction européenne aurait aidé la France à bien distinguer les choses, à savoir qu’avoir une citoyenneté commune ne nécessite pas d’avoir une identité unique, mais la France est tellement terrifiée à l’idée de perdre son “identité” mythifiée qu’elle est totalement recroquevillée sur cette abstraction – il n’y a qu’à voir le fumeux débat sur l’identité française sous Sarkozy, et le PS ne fait (malheureusement) pas mieux…

    Comme l’a fait remarqué un jour Rocard, “La France s’est créée par la destruction de cinq cultures: bretonne, occitane, alsacienne, corse et flamande. Nous sommes la seule nation européenne fruit d’une création militaire d’un Etat non-homogène. C’est ce qui fait la difficulté de gouverner ces temps-ci. Ceci explique notre difficulté à réformer, notre lenteur.” Avoir une vraie conscience de son histoire aiderait probablement la France, mais à tenir ce genre de discours on se fait vite traiter d’antirépublicains, d’autonomistes, de révisionnistes ou de je-ne-sais-quoi, ce qui clos assez rapidement la discussion…

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