Les mots de Z. et leur non-dit

Dans un opuscule très intéressant, la sémiologue Cécile Alduy analyse le langage zemmourien avec une grande justesse.

EZ – MLP - même combat. Qui visiblement, ne fait pas l'unanimité... Foto: Jeanne Menjoulet / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(Jean-Marc Claus) – Comme l’a démontré un ouvrage collectif présenté ici précédemment, l’analyse historique de Z. est à l’Histoire, ce que sont les chaînes de fast-food à la gastronomie et à la diététique : un moyen très sûr de s’empoisonner en créant de la servitude volontaire. Mais au delà même du révisionnisme zemmourien, ne touchant pas forcément tout-un-chacun, le simple emploi des mots savamment instrumentalisés dans un discours très largement diffusé par certains médias, est encore plus nocif.

La sémiologue Cécile Alduy, chercheuse au Centre d’Études de la Vie Politique Française (CEVIPOF) et professeure à la Stanford University en Californie, détaille dans un opuscule des plus percutants, la façon dont Z. tord le vocabulaire et l’oriente dans un seul sens : celui de la haine du non-soi ou du non-comme-soi, soutenue par une vision binaire du monde particulièrement rassurante pour qui renonce à penser par soi-même.

C’est très probablement pour cela que ses livres comme ses discours, séduisent autant de nos concitoyens, leur temps de cerveau humain disponible considérablement augmenté par des émissions de télévision abêtissantes façon baba-pas-cool. L’anti-civilisation du clash permanent semble avoir malheureusement encore de beaux jours devant elle, à moins que des analyses telles que celle de Cécile Alduy parviennent à percer.

La chercheuse n’en est pas à sa première, après en 2015 « Marine Le Pen prise aux mots », et en 2017 « Ce qu’ils disent vraiment. Les politiques pris aux mots », elle poursuit en 2022 son travail de décryptage avec « La langue de Zemmour ». Une langue au discours particulièrement violent, et dont le mot guerre est le troisième nom le plus utilisé dans ses écrits. Une langue dans laquelle le sens des mots se brouille, les concepts politiques sont pervertis et inversés, l’obsession raciale tient lieu de fil conducteur.

Foto: JMC

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Il est à ce propos particulièrement flagrant combien, l’attitude et les idées fixes de ce petit homme au verbe haut, ressemblent à celles d’un autre petit homme du siècle précédent. Avec Z., nous avons affaire à un TINA (There Is No Alternative) bien pire que celui thatcherien des années 1980-1990, car il induit la guerre civile en sommant chacun de choisir son camp. Le qualifiant de « retour du refoulé du FN », Cécile Alduy donne du discours de Z une analyse très pertinente.

La dédiablolisation-normalisation du fascisant Front National de 1972, devenu Rassemblement National en 2018, a laissé des orphelins, et ce sont ces derniers que vise le discours de Z pour mobiliser tous les autres. Selon Cécile Alduy, l’emploi continuel des guillemets afin d’isoler et de stigmatiser les mots et concepts pour lui insupportables, renvoie à la Lingua Tertii Imperii, langue du Troisième Reich, analysée par Victor Klemperer.

Et que dire de cette haine envers les femmes, dissimulée derrière un discours complètement alambiqué, prenant pour les esprits simplistes l’apparence d’une réflexion ? La loi contre le harcèlement sexuel de 1992, est ainsi renommée « surveillance judiciaire du désir » par ce tenant de la prédation sexuelle qu’il dit civilisée, afin d’établir que nous vivons dans un matriarcat de fait. Pour revenir à la métaphore culinaire employée au début de cet article afin de qualifier le langage zemmourien, le regretté chroniqueur gastronomique Jean-Pierre Coffe avait une formule lui convenant parfaitement.

 

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