Les Polonais défendent leurs juges

Un interminable bras de fer

L'arbitraire guette et menace sans cesse le droit (Palais de Justice de Rouen) Foto: Giogo/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/ 4.0Int

(Marc Chaudeur) – Dimanche dernier, le 1er décembre, les Polonais des villes sont descendus nombreux dans les rues pour défendre leurs juges, effectivement de plus en plus menacés par les tentatives obstinées du pouvoir national-populiste de les mettre au pas de l’exécutif, et d’en faire autant que se peut un instrument malléable. 4 années que cela dure, avec aujourd’hui une belle mobilisation des citoyens.En Pologne, les juges et le droit sont marqués au corps, comme on dit au rugby.

C’est une vieille histoire, déjà. Le gouvernement PiS avance ses pions, avec obstination, depuis presque 5 ans maintenant. Et il se heurte à une opposition consciente et résolue – bien que minoritaire : la société polonaise est clivée, toujours davantage, semble-t-il. Ville versus campagne, et dans les grandes villes mêmes, bourgeoisie branchée relativement europhile versus classes inférieures/moyennes… Mais le PiS demeure largement majoritaire, à cause de de cela précisément.La situation est donc plutôt bloquée.

Les juges polonais, en tout cas, font toujours davantage l’objet de contrôles serrés, y compris de contrôles fiscaux impromptus et arbitraires. Plus encore, le parti populiste au pouvoir, le PiS (« Droit et Justice »!) a concocté d’ingénieuses procédures disciplinaires qui peuvent aboutir à des suspensions, et même à des radiations. Le but n’est nullement d’atteindre à davantage de rigueur dans l’exercice de leur profession par les juges ; globalement, on ne voit pas ce qu’on pourrait reprocher aux magistrats polonais – pas davantage qu’à ceux de certains pays plus à l’ouest, par exemple… Non, leur but, c’est bel et bien d’articuler le législatif avec l’exécutif, national-conservateur, pour en faire un instrument de ce dernier.

Dimanche dernier, des milliers de personnes (environ 2000 à Varsovie) sont descendues dans les rues pour défendre leurs juges, et avec eux, le droit lui-même. Ils savent bien que la soumission des magistrats aurait pour conséquence l’effacement et peut-être, la disparition des droits et de l’Etat de droit. On est d’ailleurs frappé par la différence avec les manifestations qui ont marqué les esprits en 2017, sur le même thème et avec les même revendications de défense de la justice : il y a 2 ans, les Polonais étaient beaucoup plus nombreux dans les rues, peut-être 35 000 au total, et tenaient des chandelles qui formaient symboliquement une route de lumière en ces temps de menaces et de ténèbres.

Le motto de ce dernier weekend était en somme : « Nous sommes la nation, et nous soutenons les juges ! » et comme depuis que les menaces sur l’État de droit se sont précisées (à partir du moment où le PiS s’est senti solide, hélas, sur sa base populaire et électorale), le mot Konstitucja (Constitution) ! pouvait se lire partout.

Les Polonais  plus si jeunes et ceux d’entre eux qui bénéficient de la meilleure mémoire se souviennent des combats contre le stalinisme et pour la liberté ; ils se souviennent des temps héroïques de Solidarność (qui hélas, a beaucoup changé depuis 1989!). Actuellement, ils ont la puissante impression de revenir à la case départ… Désespérant ? Non, il en faudrait plus que cela. Et la pression des institutions de l’Union européenne ne faiblit pas. C’est bien heureux pour ce pays qui, malgré ce que projettent les expectorations ultra-nationalistes qu’on y inflige sans cesse aux citoyens d’esprit ouvert, a fait un bond en avant impressionnant après son adhésion à l’UE, en 2010.

Comme dans d’autres pays d’Europe Centrale, la tâche est rude pour l’UE  : il s’agit de séduire derechef les Polonais, tout en restant intransigeant quant aux principes du droit.Quitte a parâtre arrogant ou méprisant. Rude tâche, oui.

 

 

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