Les QAnon, de la toile à l’United States Congress ?

Un mouvement complotiste prenant de l'ampleur aux USA est sur le point de gagner des sièges au Congrès cet automne. Aura-t-il des retombées en Europe ?

Les QAnon ne manquent pas un meeting pro-Trump... Foto: Marc Nozell / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(Jean-Marc Claus) – Dans l’hebdomadaire Réforme du 16 juillet  2020, s’appuyant sur les travaux de neuf chercheurs, Louis Fraysse brosse un tableau particulièrement intéressant du conspirationnisme et encore plus spécifiquement d’un mouvement né outre-atlantique mais encore peu connu en France : les QAnon.

Dès octobre 2017, un individu prétendant bénéficier de l’habilitation de sécurité Q, c’est à dire la plus élevée, a capté l’attention de milliers d’internautes étasuniens en publiant des messages énigmatiques tout en diffusant une propagande d’extrême-droite des plus nocives. Un « Deep State » soutenu par les progressistes, manœuvrerait en secret pour nuire à Mister President, à ses alliés et plus largement au peuple étasunien. Donald Trump, au bénéfice d’une onction divine, combattrait en secret contre cet inframonde se livrant, entre autres agissements abjects, à des enlèvements d’enfants pour les livrer aux passions lubriques de pédophiles. Lesquels sont, bien évidemment, des personnalités qu’on n’imaginerait pas un instant se livrer à ces actes immondes. Enfin, quoique, en y réfléchissant bien…

Hilarant ? Rappelez-vous, en 2016 le Pizzagate affirmant l’existence dans l’entourage d’Hillary Clinton, alors en campagne pour l’élection présidentielle, d’un réseau pédophile sévissant dans une pizzeria réputée de Washington, a tout de même fait des émules, malgré et surtout après sa réfutation par les autorités. Les premières interventions de Q sur la toile ont eu lieu un an après le Pizzagate. A se demander si ce dernier n’était pas un coup d’essai.

A se demander… – C’est justement dans cette formulation que réside toute la force de ce conspirationnisme un peu plus subtil que celui ayant conduit jadis de « bons chrétiens » à décimer les juifs accusés d’empoisonner les puits et les Templiers accusés de pactiser avec le Diable, pour ne citer que ces deux exemples. Q – individu ou groupe d’individus devant rester anonyme(s) pour d’évidentes raisons de sécurité – incite(nt) toujours les lecteurs à se poser des questions, avançant que c’est « Incroyable comment les choses prennent tout leur sens une fois que l’on vous pose la question. » (sic).

Partant de là, tout devient possible, car le péquin manquant d’esprit critique et/ou ancré dans une vision manichéenne du monde et/ou fasciné par le caractère surnaturel de ce combat titanesque digne des meilleurs jeux en ligne, adhère naturellement à ces théories fumeuses. Ainsi, les premières allégations de « Q » dans les réseaux sociaux ont-elles très vite généré des partisans que l’on voit maintenant s’afficher dans les meetings pro-Trump avec des logos tels que « We are Q » ou « QAnon » en référence à la nécessité à la fois de rendre publiques ces supposées révélations et de préserver l’anonymat de leur source.

Un sondage mené par le Pew Resarch Center en février-mars 2020, et cité par Louis Fraysse, précise que 25% de la population des USA avait entendu parler de QAnon. Or, entre mars et juillet 2020, la Covid-19 aidant, les contenu QAnon publiés sur Facebook ont progressé de 651%. Les groupe QAnon de ce réseau qui rassemblaient 213.000 personnes au début du confinement, en regroupent aujourd’hui 1.400.000.

Ce qui se traduit évidemment par des candidatures QAnon en vue des élections au Congrès de cet automne. Deux d’entre elles ont de très fortes chances d’obtenir des sièges. Et ce n’est pas fini, car avec un Mister President ayant jusqu’ici retweeté à 130 reprises des contenus de ce mouvement, il y a tout lieu de penser que la vague s’amplifiera grâce à son intermédiaire.

Une vague générant une possible lame de fond dans certains milieux se réclamant de la Bible tout en y associant la dialectique QAnonienne. Un mélange des plus détonants et des moins étonnants. D’où l’excellent article « QAnon, vers une religion pro-Trump ? », écrit par Louis Fraysse.

Entretenant un réseau pédophile international impliquant des personnalités de tous ordres, responsable de l’assassinat de JFK, du krach boursier de 2008, des attaques du 11 Septembre, the Deep State is the enemy, Donald Trump is the Warrior in Chief and God bless America ! De quoi donner aussi des idées au tropical-Trump sévissant au Brésil et se réclamant du christianisme, tout comme à l’anti-Trump sévissant en Russie et se réclamant aussi du christianisme. Les bûchers de l’Inquisition ne sont pas bien loin. C’est peu de le dire, et il ne faudrait surtout pas s’imaginer que cela n’aura pas de retombées en Europe.

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