Les six commandements d’Emmanuel Macron

Le programme du candidat macron est... mouais. Il est. Sans plus. Foto: Copyleft / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(KL) – OK, Emmanuel Macron n’appelle ses points principaux non pas « commandements », mais chantiers. On s’attendait à quelque chose de révolutionnaire, on s’attendait à ce sentiment « zut, ils avaient tous raison, pourquoi je n’avais pas vu plus tôt à quel point il est génial » – mais il n’en n’est rien. Le programme d’Emmanuel Macron est plat et creux et montre que l’ambition principale du candidat est son pouvoir personnel. Au point d’entendre quelqu’un d’autre dire « Moi Président… ». Regardons donc les 6 « chantiers » d’Emmanuel Macron.

Chantier 1 : Education et Culture. L’éducation nationale et les universités applaudiront des deux mains l’approche révolutionnaire d’Emmanuel Macron. A déguster : « L’éducation et la culture – c’est la condition de notre cohésion nationale. C’est pourquoi je veux remettre la transmission des savoirs fondamentaux, de notre culture et de nos valeurs au cœur du projet de notre école et de nos universités. » Heureusement qu’il est là, Emmanuel Macron, on n’avait même pas remarqué que les écoles et universités avaient quitté le chemin de la transmission des savoirs, de la culture et des valeurs. Et si tel est le cas, avant que l’Education Nationale ne devienne une sorte de « boot camp » pour anarchistes en culotte courte, EM sauvera le système de l’éducation. Ouf.

Chantier 2 : La Société du Travail. « Dès le début du quinquennat, je demanderai au gouvernement de simplifier le droit, de réformer l’assurance chômage pour en faire un droit universel avec des exigences nouvelles pour chacun. Cela s’accompagnera d’un plan inédit pour la formation et la qualification de nos concitoyens les plus fragiles. Je veux par là créer des emplois, protéger efficacement chacun et améliorer le pouvoir d’achat des travailleurs ». Bon. On aurait bien aimé apprendre plus sur « les exigences nouvelles pour chacun » et on pensait toujours que l’assurance chômage faisait déjà partie des droits universels. On ne voit pas encore exactement comment ces généralités pourraient augmenter le pouvoir d’achat des travailleurs, mais si EM le dit… il faudra donc y croire. Très fort.

Chantier 3 : La modernisation de notre économie. « Je veux accélérer l’émergence d’un nouveau modèle de croissance réconciliant transition écologique, industrie du futur et agriculture de demain. Je veux recréer une mobilité économique et sociale par le numérique, la recherche et l’innovation, le travail et l’entrepreneuriat. La société que je veux sera à la fois libérée des carcans et des blocages, et protectrice des plus faibles (c’est pour cela que la transformation de notre système de santé et de notre politique du logement y aura aussi une place centrale) ». La classe. EM connaît donc le chemin vers le succès. Et entre août 2014 et août 2016, il occupait quoi déjà, comme poste ? Il n’était pas ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique ? Et il a fait quoi pendant ces deux ans à un tel poste de responsabilité au sein du gouvernement français ? Ah oui, il a fait passer la « Loi Macron » et si notre mémoire est bonne, c’était son pote Manuel Valls qui l’a fait passer à l’aide d’un outil hautement démocratique, l’article 49.3. Un vrai visionnaire économique, Emmanuel Macron. La « Loi macron » a déjà apporté beaucoup de bonheur aux Français. Il suffit de demander aux chauffeurs de bus de grandes lignes qui, grâce à Emmanuel Macron, ont trouvé un job. Où ils triment pendant de longues journées à 8,50 €/heure. Il aura fort à faire pour augmenter leur pouvoir d’achat, à ces chauffeurs. Mais bon, il suffit d’y croire. L’espoir, c’est Macron. Faut donc espérer très, très fort.

Chantier 4 : La sécurité de la Nation. « Notre sécurité à l’international s’inscrira dans une stratégie de maintien de la paix et de lutte contre le terrorisme islamiste. La sécurité intérieure passera par un investissement conséquent dans nos forces de l’ordre, leur réorganisation, mais aussi dans la vigilance que toute notre Nation doit retrouver. Assurer la sécurité, faire respecter sans concession notre laïcité, restaurer partout l’autorité de l’État et dans l’État, garantir l’indépendance de l’autorité judiciaire sont les conditions premières de la liberté de chacun ». Mais que se passe-t-il en France ? A croire Emmanuel Macron, la justice ne serait plus indépendante ? Et quid de « la vigilance que notre Nation doit retrouver » ? Des patrouilles citoyennes avec chiens de garde et matraque le soir ? De préférence assurées par des crânes rasés dont les qualifications ne suffisaient pas pour devenir gendarme ? Et comment se présente cette « stratégie de maintien de la paix et de la lutte contre le terrorisme » ? Présenté ainsi, la phrase pourrait tout autant sortir de la plume de Donald Trump. Mais admettons. Emmanuel Macron réinstaurera la sécurité dans un pays qui désormais, s’auto-surveillera. Avec une nouvelle vigilance. Il suffit d’y croire. Très fort, de préférence.

Chantier 5 : Le renouveau démocratique. « Le soupçon qui pèse aujourd’hui sur nombre de représentants, le manque d’efficacité et l’insuffisante responsabilité de nos dirigeants menacent notre démocratie. C’est pourquoi je veux moraliser et responsabiliser la vie publique, et renouveler la représentation nationale. » Yes, Emmanuel, vas-y, montre-leur ! Transparence, moralisation, pas de mic-mac financier, pas de montage douteux pour financer des campagnes, on est pour. Et on croit très, très fort que le candidat Macron ne favorisera d’aucune manière ses nombreux potes du monde du CAC40 qui soutiennent sa candidature. Une fois élu, il les traitera comme tous les autres. Promis. Il suffit d’y croire très fort.

Chantier 6 : Le plan international. « Je m’engage à défendre les intérêts de notre pays. En relançant une Europe ambitieuse, qui investit et qui protège, et dont la vitalité démocratique et le goût pour l’avenir seront retrouvés. Et en assurant une nouvelle politique en Afrique où la paix et l’esprit d’entreprise construiront le siècle qui commence ». Quel magnifique plan, quel joli projet ! Bon, il est vrai qu’on ignore comment il veut redonner le « goût pour l’avenir », on n’avait même pas remarqué qu’on l’avait perdu. Et Emmanuel Macron doit être à peu près le 1027e responsable politique qui appelle de ses vœux une « Europe ambitieuse ». C’est clair, c’est notre homme. Il va réformer l’Europe et le monde. Il suffit d’y croire très, très fort.

Si on ne savait pas que l’homme se présente sérieusement avec ce « programme », on pourrait avoir l’impression qu’il se paie de la tête des gens. Mais non, ces « six commandements » suffisent pour déclencher une vague d’enthousiasme, une croyance béate et de nombreux Français sont prêts à signer un chèque en blanc pour ce candidat. Peut-être aurait-il mieux fait de rester fidèle à sa position initiale, à savoir d’estimer « que les programmes n’intéressent pas ». Il a raison, Emmanuel Macron, en particulier en ce qui concerne son programme à lui. Qui est, que ses disciples me pardonnent, une série de platitudes et de généralités. Et en l’absence de choses vraiment concrètes, il ne reste plus qu’à croire. Très, très fort.

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