Les souffrances de Monsieur E.

Monsieur E. est malade. Atteint pas une perte du sens des réalités, l’homme devrait être soigné dans une clinique spécialisé. Mais il n’y a peu de chances à ce qu’il y aille…

Le boxeur germano-turc Ünsal Arik a osé critiquer le régime Erdogan - et est désormais interdit de territoire, dans son propre pays. Foto: ünsal Arik / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(KL) – Non, on ne peut pas tout simplement taire le dossier qui oppose actuellement la Turquie et le reste du monde. Non, on ne peut pas fermer les yeux et se dire que tout cela va finir par s’arranger. Le monde a déjà commis cette erreur dans la deuxième moitié des années 30 du siècle dernier en espérant qu’Hitler allait finir par être raisonnable. Donc, il faut continuer de parler de cet homme dont les dérapages deviennent chaque jour un peu plus insupportables. Et on ne peut pas éviter la question pourquoi cet homme est porté par le peuple turc.

Non, le peuple turc, dans sa majorité, ne « subit » pas son président Erdogan, mais le porte. Sauf ceux qui ne partagent pas ses opinions, mais on ne les entend plus. Normal dans un pays où une opinion divergente de celle du calife peut vous amener tout droit en prison. Mais comme d’autres vilains dans l’Histoire, Erdogan n’est pas arrivé au pouvoir par la violence, mais par des élections démocratiques, et il convient de ne pas l’oublier dans la discussion.

Donc, quand Erdogan s’exprime, il faut partir du principe que la majorité de ses compatriotes adhère à ses paroles. Mais quid des 3 à 4 millions de Turcs qui vivent en Allemagne, qui assistent quotidiennement aux insultes de « nazisme » que leur calife prolifère en direction de l’Allemagne et d’Angela Merkel ? La majorité des Turcs vivant en Allemagne soutient l’AKP et Erdogan – sans toutefois songer une seconde à rentrer vivre sous une dictature coupant court à toutes les libertés qui ne sont pas seulement chères aux Allemands, mais également aux Turcs vivant en Allemagne.

Hier, Erdogan a reproché aux Européens de vouloir réinstaurer « les chambres à gaz et les camps de concentration » – un drôle de reproche venant de la part de quelqu’un qui séquestre son opposition dans les prisons du pays, qui veut réintroduire la peine de mort et qui a érigé de véritables camps de concentration où les réfugiés syriens sont forcés à accepter d’être renvoyés chez eux, dans en pays en pleine guerre. Et cet homme ose reprocher du « nazisme » à autrui ?

Ceux qui pourraient stopper ce président-dictateur, ne sont pas les responsables politiques européens. Eux, ils peuvent sanctionner les pires dérapages d’Erdogan, mais ils n’arrêteront pas la machine en marche. Ce sont les électeurs et électrices turcs qui devront choisir s’ils laissent les pleins pouvoirs à Erdogan où s’ils limitent son cadre d’action.

Toutefois, Erdogan prend des risques, autant pour les Turcs vivant en Turquie que pour les Turcs vivant dans les pays européens. Car plus tôt ou plus tard, les pays européens n’auront d’autres choix que de sanctionner ce dictateur de plus en plus fou, et ces sanctions toucheront en premier lieu les populations civiles. Mais, comme en 1938, la responsabilité première pour stopper Erdogan, revient au peuple. Qui lui, applaudit son « Führer ».

Bien sûr, comme en 1938, il y en a qui demandent à ce que l’Europe ferme les yeux et les oreilles et laisse faire Erdogan. Pour ne pas mettre en péril nos bonnes relations. Mais il ne peut pas y avoir de bonnes relations avec Erdogan et c’est lui qui rend tout échange impossible. En traitant quotidiennement les responsables politiques européens de « fascistes », il se disqualifie en tant qu’interlocuteur. Non, nous n’avons pas à nous prosterner devant un dictateur fou et pas non plus devant un peuple qui le porte.

Déjà, les représentations consulaires turques en Allemagne commencent à faire un travail de renseignement sur les Turcs vivant en Allemagne et là, ça suffit. Nous ne pouvons pas empêcher Erdogan d’instaurer son « fascisme 2.0 » chez lui, mais nous n’avons pas non plus à accepter qu’il porte sa vision maladive du monde chez nous. Comment disait le champion de boxe turc Ünsal Arik dans une émission de télévision allemande : « Je suis très déçu par mes compatriotes qui vivent en Allemagne. Ceux qui préfèrent Erdogan à la liberté en Allemagne, ils savent où se trouve l’aéroport le plus proche ». Inutile de dire qu’Ünsal Arik a été déclaré « persona non grata » et s’est vu interdire l’entrée en Turquie, son propre pays. Le temps que cette catastrophe dure, l’Europe devrait faire pareil avec Erdogan et ses sbires.

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