Les « Uber Files »

La société Uber se retrouve en plein scandale après la divulgation de milliers de documents internes à la société. Le nom d’Emmanuel Macron y est mentionné. Qu’en est-il ?

Uber et Emmanuel macron - une drôle d'histoire d'amour... Foto: Ilya Plekhanov / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Anthony Branstett) – Baptisés les « Uber Files », des milliers de documents internes de la société Uber de 2013 à 2017 se sont retrouvés entre les mains du journal anglais The Guardian, ainsi que du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) qui se sont empressés d’enquêter sur le sujet. Des documents dont la provenance est anonyme. De 2014 à 2016, Emmanuel Macron était ministre de l’Economie, période à laquelle les documents font allusion. Des réunions dans le bureau du ministre ainsi que de nombreux échanges (rendez-vous, appels, SMS) sont évoqués. The Guardian met l’accent sur des pratiques employées pendant ces années de développement rapide, mais aussi de confrontations pour Uber, de Paris à Johannesburg. Uber France a confirmé la tenue de réunions avec Emmanuel Macron, tout en précisant qu’il s’agissait de rencontres qui « relevaient de ses responsabilités en tant que ministre de l’Economie et du Numérique supervisant le secteur des VTC ». L’Elysée a évidemment défendu Emmanuel Macron. Plusieurs députés ont soumis une requête à l’Assemblée nationale concernant une commission d’enquête afin d’éclaircir les liens entre Emmanuel Macron et la société de VTC.

En 2011, Uber cherchait à s’installer à Paris. Cependant, Uber s’est retrouvé bloqué face à l’application stricte de la loi. Des manifestations anti-Uber véhémentes avaient lieu en 2014, au point où l’Assemblée nationale introduisait la loi Thévenoud : l’objectif de la loi était d’avantager les taxis par rapport aux VTC. En même temps, les autorités françaises enquêtaient auprès d’Uber pour violation de lois fiscales et exploitation d’un service de taxi sans y être autorisé. La DGCCRF (Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes) s’interrogeait même sur la légalité d’UberPop, un service de transport accordant la possibilité à n’importe qui de devenir chauffeur sans licence. C’est dans toute cette pagaille qu’Uber distingue un allié très précieux : Emmanuel Macron. Alors qu’il vient seulement d’être nommé ministre de l’Economie, Emmanuel Macron participe à une réunion avec le patron d’Uber, Travis Kalanick. Mark MacGann, lobbyiste en chef pour la zone Europe de la société Uber, aussi présent, qualifie cette réunion de « spectaculaire ». Emmanuel Macron « a accueilli Uber dans une atmosphère remarquablement chaleureuse, amicale et constructive », écrit le lobbyiste, pensant avoir relevé « une volonté claire de sa part de travailler autour de la… législation ». Il explique « qu’Emmanuel Macron a demandé aux régulateurs de ne pas être ‘trop conservateurs’. »

En 2015, Travis Kalanick interroge Emmanuel Macron quant à la confiance qu’il peut accorder à Bernard Cazeneuve, alors ministre de l’Intérieur. Macron dit avoir trouvé un « accord » avec son homologue de l’Intérieur : l’intégration dans la loi de dispositions favorables à Uber, basées sur des amendements que fournirait Uber, en échange de la suspension d’UberPop. Des pratiques destinées ainsi à aider Uber dans la consolidation de ses positions en France. UberPop sera supprimé plus tard, la raison officielle étant les violences subies par les chauffeurs et les passagers. Aujourd’hui, Bernard Cazeneuve nie avoir entendu parler de cet accord. A Marseille, le préfet de police avait suspendu UberX dans les quartiers du centre-ville, autour de l’aéroport et de la gare. À la suite de cette décision, Mark MacGann envoie un SMS à Macron, se disant « consterné ». Ce dernier répond « Je vais regarder cela personnellement. Faites-moi passer les éléments factuels et nous décidons d’ici le soir. Restons calme à ce stade. ». Très rapidement, la préfecture émet un arrêt limitant l’interdiction aux seuls chauffeurs non licenciés. Mark MacGann remerciera Emmanuel Macron pour son « soutien ». Au total, 17 échanges de SMS auront été repérés dans les « Uber Files ».

En 2 mots, un autre sujet polémique auprès d’Uber : « kill switch ». L’entreprise de VTC avait élaboré un « coupe-circuit » empêchant l’accès à ses serveurs. Un « coupe-circuit », que la hiérarchie d’Uber avait pris l’habitude d’utiliser lors des innombrables perquisitions dont Uber était « victime », pour de bonnes raisons de ce que l’on peut voir dans cette caverne d’Ali Baba. En effet, cet outil d’obstruction aura été activé à 13 reprises entre novembre 2014 et décembre 2015 dans 7 pays : France, Inde, Belgique, Pays-Bas, Canada, Hongrie et Roumanie. Les enquêteurs ne se seront doutés de rien. Zac, directeur juridique d’Uber pour l’Europe, aura envoyé de nombreux mails à l’état-major d’Uber avec en exemple : « La DGCCRF a perquisitionné notre bureau. L’accès a été coupé. ». Une phrase banale pour le géant de VTC.

Les « Uber Files » sont une véritable mine d’or pour tout journaliste d’investigation et révèlent les véritables pratiques se cachant derrière Uber et son lobbying agressif.

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