Allemagne : les Verts après les Européennes
Au travail !
(Marc Chaudeur) – Les Verts allemands : 22 % des suffrages aux dernières élections européennes. Le parti (si parti il y a) change de dimension. Et certaines insuffisances apparaissent de façon beaucoup plus aigüe…
Les Grünen sont un parti aux dimensions relativement restreintes, au nombre de militants plutôt limité pour une formation à visibilité et ambition nationales, donc fédérales. Le parti comporte un peu plus de 80 000 membres. C’est peu : comment font-ils ? Une partie de leur stratégie consiste à installer un discours assez large et assez général pour ne pas apparaître comme la seule émanation d’un groupe restreint à l’idéologie étroite et fermée. Cela, certes, comporte pour inconvénient l’apparence d’un certain flou, un côté un peu aventureux dès qu’il s’agit de parler de structures et de projets économiques précis, par exemple à l’horizon 2050 : car les Grünen campent encore un peu ailleurs…
Les Grünen ont fort à faire contre (et parfois avec) la CDU ou le SPD, qui comptent chacun environ 400 000 membres… Mais ils ont réussi à devenir le courant politique principal à Berlin, à Hambourg et dans le Slesvig-Holstein. Reste à construire et à appuyer ce succès sur des étais solides. Pour cela, il faut le nerf de la guerre, l’argent. Les moyens des Verts allemands restent assez modestes : pour ce qui est de la campagne européenne de 2019, ils ont dépensé à peu près 3 fois moins que le SPD, et 3,5 fois moins que la CDU. Combat glorieux donc, mais dont il faut pérenniser les acquis.
Il faudra notamment trouver beaucoup plus d’argent pour les médias et pour la formation aux activités concernant la médiatisation du message écologiste. Il faudra créer de nouvelles structures un peu partout – y compris dans les Länder de l’Est du pays ! Car l’appel à l’activité de tous les membres, l’appel aux bénévoles un peu partout ne peut se concrétiser dans la durée s’il ne trouve pas un accueil dans des structures solides et stables… Chez les Grünen, tout cela flotte encore un peu.
De l’argent ? Où trouver de l’argent ? Les responsables du parti comme Robert Habeck ou Ska Keller ne manquent pas une occasion d’insister sur le fait que ce qui attire les gens chez eux, notamment les jeunes, c’est leur transparence, l’ouverture et la visibilité de toutes les procédures – au contraire, certes, de tous les autres partis allemands et européens. Or, cette transparence concerne évidemment les sources de financement.
Des investissements importants devraient être effectués aujourd’hui en dehors des grandes villes : à la campagne et dans les villes plus petites où il reste beaucoup à conquérir, au point que certaines régions, même à l’Ouest, apparaissent presque encore comme des friches à fertiliser…
C’est à l’Est surtout que le problème est particulièrement aigu, dans les Länder de l’ex-RDA ; on ne saurait trop y insister. Comment s’implanter solidement dans cette partie de l’Allemagne ? Les Grünen se composent en réalité des Verts de l’Ouest et de Bündnis’90, un groupe de dissidents écologistes de l’ex-RDA, opposants d’extrême-gauche, chrétiens et/ou les deux à la fois, rassemblés en 1988-1990. En réalité, leurs composantes protestante et anti-stalinienne, parfois anti-communiste, apparaissent souvent comme un facteur de clivage avec les Verts de la RFA. La fusion s’est faite, en 1993. Mais la particularité sociologique et culturelle de Bündnis n’a pas toujours été respectée, loin s’en faut : on dit souvent qu’il n’en reste qu’une ligne azur sur le logo des Grünen…
Pour ce qui est de la population des Länder de l’Est, dans sa grande majorité, elle persiste à considérer les Verts comme un parti de Wessies : comme des gens pas nécessairement antipathiques, mais bobos, superficiels, prétentieux, sentencieux et je-sais-tout-mieux-que-vous-ploucs-des Länder-de l’Est. Alors, comment attirer les votes et s’implanter réellement en Saxe, en MeckPom, en Thuringe et au Brandebourg ?
Comment s’implanter solidement dans ces Länder ? D’abord, en écoutant réellement les aspirations réelles des gens, en leur rendant leur dignité, et… en récupérant les électeurs et les militants de l’AfD dans ces zones malencontreusement brunies, en Saxe surtout. Les gens qui ont rejoint les rangs par deux du parti d’extrême-droite l’ont fait entre autres pour fuir les grandes tuyauteries SPD-CDU. En somme, il faut faire la synthèse entre le « conservatisme alternatif » d’une Katrin Göring-Eckhardt et la branchitude éthérée d’une Ska Keller.
Bonne chance, les gars. Il y a du pain sur la planche. Sursum corda !
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