Les vrais enjeux de l’élection d’un nouveau président en Allemagne

A 76 ans, le 11ème président de la République Fédérale d'Allemagne jette l'éponge : Joachim Gauck a annoncé qu'il ne briguerait pas l'année prochaine un second mandat présidentiel de 5 ans.

Joachim Gauck veut faire de la place à plus jeune que lui - remarquable. Foto: Kleinschmidt / MSC / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0de

(Par Alain Howiller) – « Cinq ans ça suffit », a commenté sobrement celui qui avait été élu le 23 Mars 2012, au premier tour de scrutin par les élus CDU, CSU, SPD, FDP et Verts des deux chambres allemandes réunies, et le même nombre de citoyens désignés par les partis qui forment ensemble la « Bundesversammlung », organe dont l’unique mission consiste à élire le président allemand.

Candidat consensuel, l’ancien pasteur, acteur en faveur de la démocratie dans l’ancienne Allemagne de l’Est, prenait son poste dans des circonstances particulières : son prédécesseur -le chrétien-démocrate Christian Wulff- avait du démissionner à la suite d’accusations qui lui reprochaient d’avoir obtenu des avantages financiers lors de sa présidence du Land de Basse-Saxe et d’avoir essayé d’étouffer l’affaire. Il sera finalement blanchi par la justice. Le nouveau président se définira, quant à lui, comme un…. « conservateur social-démocrate à tendance libérale »(!), précisant même : « Je ne suis ni un Superman, ni un homme infaillible ».

D’Oradour au Hartmannswillerkopf ! – « Président normal » en quelque sorte, il contribuera à réconcilier les Allemands avec eux-mêmes et leur passé appelant l’Allemagne à cesser de ne pas vouloir s’engager dans la diplomatie mondiale (et ses conflits) en « s’abritant derrière l’image projetée par le nazisme ». Il n’hésitera pas à traiter de « cinglés » les militants du parti d’extrême-droite « NPD » qui attaquera ses propos devant la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe : celle-ci rejettera la plainte du NPD, estimant qu’il est du devoir du Président de la République de mettre en garde les citoyens de la République contre les dangers qui les menacent !

Joachim Gauck apportera aussi sa contribution à la réconciliation avec ceux qui ont souffert du nazisme : il se rendra notamment en Israël, en Pologne, en Grèce, en Italie, en France. On se souvient de ses interventions aux côtés de François Hollande à Oradour sur Glane, au Hartmannswillerkopf / Vieil Armand.

Un contexte politique tendu !… – Cela étant, le mandat de Joachim Gauck ne s’achèvera qu’en Mars 2017, après l’élection -le 12 février- d’un nouveau président. Comme le soulignait Winfried Kretschmann, le ministre-président du Bade-Wurtemberg, sans doute y a-t-il quelque chose d’indécent à vouloir dresser un bilan et à essayer de promouvoir un successeur alors que l’actuel titulaire du poste occupera encore ses fonctions pendant… 9 mois ! Mais l’annonce faite par Gauck intervient dans un contexte politique tendu au sein même de la coalition au pouvoir. Aucun de ses membres n’a le pouvoir de désigner le futur président en comptant sur ses seules forces : ce n’est qu’au troisième tour que la majorité relative (du groupe CDU/CSU) suffirait pour élire un candidat.

Mais pour les deux premiers tours de l’élection, il pourrait être intéressant de s’entendre sur un candidat (ou une candidate) dont l’apport préfigurerait -en fait- la coalition d’après les élections générales des 17 et 24 Septembre 2017 ! Ce candidat reflètera-t-il l’actuelle coalition CDU/CSU/SPD ? Ou l’un des partenaires essaiera-t-il -comme la plupart des observateurs le pensent- de trouver un nouveau partenaire ?

Merkel femme la plus puissante du monde ! – Les sondages mettent en relief une certaine usure du pouvoir des partis en place : si des élections devaient avoir lieu dimanche, la coalition peinerait à réunir 50% des voix, le SPD tournerait autour de 20% et la CDU/CSU autour de 30%. Ensemble -si ces prévisions se concrétisaient- ils auraient perdus 17% de voix par rapport aux élection s de 2013 !

Angela Merkel, que le magazine américain « Forbes » vient de désigner pour la sixième fois consécutive « femme la plus puissante du monde », est consciente de la nécessité d’un renouveau : réussira-t-elle à s’entendre avec les Verts pour un candidat unique aux présidentielles ouvrant ainsi la voie à une nouvelle coalition ?

Eviter l’exemple autrichien ? – Président du groupe parlementaire CDU/CSU, Volker Kauder a résumé la situation : « En Autriche(1), les éternelles mêmes coalitions ont fatigué les électeurs. C’est ce que nous devons absolument éviter en Allemagne après les élections de 2017. Nous devrions essayer d’éviter une nouvelle grande coalition ! »

Le ton est donné, mais comment -et quand- annoncer un changement de pied alors qu’on gouvernera encore ensemble -SPD-CDU-CSU réunis- pendant plusieurs mois ? Et comment éviter qu’une autre coaliton SPD/Verts voire SPD/Verts/Die Linke ne se déclare ?

L’élection du successeur de Joachim Gauck sera le révélateur des intentions électorales des partis au pouvoir : la désignation -le plus tard possible !- d’un candidat passe, à ce titre, largement l’enjeu de la seule désignation d’un président. Surtout que le rôle de ce cernier reste, avant tout, symbolique et d’ordre protocolaire !

(1) Battue d’un peu plus de 31.000 voix aux élections présidentielles autrichiennes, l’extrême-droite évoque un complot pour l’empêcher de gagner : comme on s’y attendait, elle a déposé devant la Cour Constitutionnelle, un recours réclamant l’invalidation des résultats de l’élection. D’après la plupart des juristes les cas sur lesquels s’appuie le Président du « Parti de la liberté en Autriche » ne sont pas assez graves pour avoir pu peser sur le résultat ; le recours pourrait, dès lors, être rejeté.

1 Kommentar zu Les vrais enjeux de l’élection d’un nouveau président en Allemagne

  1. Superbe mise au point. L’Allemagne n’est pas l’Autriche, encore que….

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