L’esprit de Meseberg

Le 20e Conseil des Ministres franco-allemand au Château de Meseberg a été présenté comme un « succès ». Pourtant, la « déclaration » signée par Merkel et Macron ressemble plus à un appel au secours…

Ils sourient. Ils veulent s'aider mutuellement. Mais ce n'est pas (encore ?) la Passion avec un grand "P"... Foto: ActuaLitté / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.0

(KL) – Le moteur européen, le couple franco-allemand, doit être une production est-allemande, genre « Trabi » ou « Wartburg ». Car même avec la meilleure des volontés, le schmilblick n’avance pas. Mais cela n’a pas empêché la chancelière Angela Merkel et le président Emmanuel Macron de s’auto-congratuler pour les « énormes progrès » accomplis. Or, ce que la communication politique veut nous vendre comme un succès, n’est autre que l’aveu que rien ne va plus en Europe. Et, du moins au plus haut niveau politique, pas davantage entre la France et l’Allemagne. La gueule de bois, elle, viendra les 28 et 29 juin prochains lors du prochain sommet européen à Bruxelles, lorsque Emmanuel Macron et Angela Merkel présenteront leurs « réformes »… qui ne sont pas vraiment des « réformes ».

Pour Emmanuel Macron, la nécessité de créer un budget propre pour l’Eurozone (donc, les Etats-membres de l’UE utilisant la monnaie commune) constitue l’une des questions cruciales pour l’avenir européen. Par conséquent, il aimerait doter un tel budget de « centaines de milliards d’euros ». Le soutien d’Angela Merkel pour ce projet est plutôt tiède. « Deux milliards d’euros » seraient une somme qu’elle pourrait s’imaginer pour un tel budget. Et Angela Merkel n’avait pas vraiment envie de préciser que même une telle somme ferait l’objet d’un vote au Bundestag, vote qui serait loin d’être acquis. Dans plusieurs capitales européennes, on se pose déjà la question de savoir à quoi un tel budget pourrait bien servir, et surtout, qui devrait le financer. On a du mal à imaginer le projet que la France et l’Allemagne comptent présenter concrètement à Bruxelles.

En sens inverse, le soutien d’Emmanuel Macron pour Angela Merkel dans la question de l’accueil des réfugiés est tout aussi tiède. « La France est prête à coopérer avec l’Allemagne », a souligné le président français, sachant que la France ne coopère (et ne coopérera) pas du tout avec l’Allemagne dans ce domaine. Depuis 2016, aucune approche solidaire européenne n’a pu être mise en œuvre; donc, cette déclaration n’est pas très convaincante. Et puisque l’Europe a bon dos, Merkel et Macron transfèrent la responsabilité de cette question directement à l’Union Européenne. Mais de nos jours, la déclaration « nous avons besoin d’une solution européenne » ne suffit plus : les gens ne savent que trop bien qu’il y en aura pas. Mais, pour faire passer la pilule, la France et l’Allemagne demanderont à Bruxelles l’extension des opérations de l’Agence « Frontex », chargée de tenir les réfugiés loin des terres européennes. Donc, on continuera à noyer les réfugiés dans la Méditerranée, on continuera à financer des camps de concentration sur le continent africain et on continuera à financer des marchands d’esclaves, à condition qu’ils tiennent les réfugiés loin de l’Europe. Difficile de comprendre en quoi ceci constitue une « réforme ».

Mais à quoi jouent donc Emmanuel Macron et Angela Merkel ? Les deux proposent des vieux dossiers (épineux, de surcroît) et essayent de les vendre comme des « réformes européennes », une sorte de début de renaissance européenne. Mais les partenaires européens ne sont pas dupes. « D’où viendra l’argent pour un budget Eurozone ? », demandent les gouvernements dans différents pays.

La France et l’Allemagne peinent à devenir ce « moteur européen ». Faute d’idées, faute de courage politique, faute de personnel qualifié pour initier une vraie modernisation européenne. L’Union devient de plus en plus réactive et n’est pas en mesure de proposer une vision positive de l’Europe, un projet social, solidaire et humaniste; et la montée de forces néo-nationalistes partout en Europe est la conséquence de cette crise de sens de l’Union Européenne qui elle, s’est comportée pendant trop longtemps comme un agent des intérêts du Grand Capital au lieu de défendre les intérêts des 500 millions d’Européens et Européennes.

Pourtant, les deux pays disposent d’une vraie feuille de route pour intensifier les échanges franco-allemands et européens : le « Rapport Transfrontalier » rédigé par un groupe de parlementaires franco-allemands sous la direction d’Andreas Jung et de Sylvain Waserman, indique point par point les mesures qui permettraient de donner de nouvelles impulsions européennes aux relations entre la France et l’Allemagne.

Il ne reste que quelques jours avant ce prochain sommet européen, et Berlin et Paris ont intérêt à revoir leur copie d’ici là. Il ne suffit pas de parler de réformes, il faut les initier. Concrètement. L’esprit de Meseberg, c’est peut-être le fantôme du château. Et encore…

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