Louis, au secours !

Lettre d'un soignant à Louis Pasteur, qui nous manque terriblement aujourd'hui.

Que penserait Louis Pasteur du comportement et de l'attitude de certains de nos contemporains ? Foto: Albert Edelfelt (1854 - 1907) / Wikimedia Commons / PD

(Roland de R.) – Nous est parvenue il y a peu, la lettre adressée à titre posthume à Louis Pasteur par un soignant formé à l’école pasteurienne et, en cette période de pandémie, effaré par l’attitude de certains de ses concitoyens.

Cher Louis,

Vous, que je me permets d’appeler par votre seul prénom, tellement vous faites partie intégrante de mon existence. Vous, à qui je dois ma survie, et peut-être aussi tout simplement la vie. Vous, qui avez su observer le vivant avec suffisamment d’acuité et d’intelligence, pour en tirer de précieux enseignements si utiles à notre bien-être. Vous, qui passant du végétal à l’animal pour arriver à l’humain, meniez un inlassable combat contre les maladies causées par des micro-organismes. Vous, le génial chimiste qui résista vaillamment aux oukases et fatwas, prononcés à votre encontre. Je vous en conjure : revenez car ils sont devenus fous !

Enfants gâtés par la médecine, un nombre croissant de mes contemporains néglige les principes élémentaires de prophylaxie, et pire encore, mène croisade contre la vaccination ! Le pauvre Edward Jenner doit se retourner dans sa tombe, lui qui en 1796, sans doute inspiré par les observations du médecin philosophe Averroès, réalisa la première immunisation contre la variole. Ce que vous fîtes également en 1885 contre la rage, le petit alsacien Joseph Meister devenant le premier de ceux que vous sauvâtes, et que vos principes vaccinaux sauvent encore de nos jours.

Aujourd’hui, nous faisons face à un virus venu d’Extrême-Orient, qui aurait pu y rester confiné, si les humains ne détruisaient pas les espaces naturels, ne bouffaient pas n’importe quoi et ne se déplaçaient pas frénétiquement dans tous les sens. Du coup, c’est nous qui subissons le confinement, réclamant à la science, qui des traitements efficaces à 100%, qui un vaccin d’une totale innocuité. Rien que ça, et de préférence pour avant-hier ! Mais mieux encore, à l’opposé des « Je-veux-tout-tout-de-suite », il y a toujours plus de « Moi-je-n’ai-pas-besoin-de-ça ». Et entre nous soit dit, ce sont ces derniers qui me font le plus peur.

Vous avez certainement entendu parler de la « Bijbelgordel » hollandaise, pendant de la « Bible Belt » aux USA. Au nom de leurs croyances religieuses, des populations entières s’opposent à la vaccination, et de facto mettent en danger l’ensemble de leurs concitoyens, y compris ceux qui ne partagent pas leurs dites croyances religieuses. Eh bien, ces individus tendent à se multiplier, la plupart n’opposant pas la religion à la médecine, mais invoquant leur prétendue liberté de conscience face à la science, comme si cette dernière était une simple opinion. Edward Jenner doit vraiment se retourner dans sa tombe, et Dieu faire des loopings dans la quatrième dimension !

Ce virus appelé SARS-CoV-2 et responsable de la Covid-19, n’a pas que des effets désastreux sur l’arbre respiratoire, il noyaute aussi le cortex cérébral. Du sommet des États aux couches les plus humbles des populations, nous sommes confrontés au même mal générant des symptômes aussi diamétralement opposés que l’optimisme déraisonnable et le négativisme irraisonné. Symptômes opposés mais issus d’une même étiologie : le renoncement conscient ou inconscient à la raison. La recherche progresse, des traitements sont mis en œuvre avec toujours plus de succès, des vaccins vont arriver et que se passe-t-il ?

Les « Moi-je-n’ai-pas-besoin-de-ça », ne voulant pas entendre que les chercheurs ont plus de moyens qu’à votre époque et que la science a énormément progressé, mettent systématiquement en doute l’utilité et l’efficacité des vaccins, certains les prétendant même porteur d’un plus grand mal que ce dont ils sont censés protéger. Quant aux « Je-veux-tout-tout-de-suite », ils seront d’ici peu, prêts à prostituer leurs mères pour un shoot d’antigènes, piétinant leurs semblables comme à l’ouverture des portes des magasins lors d’un Black Friday.

Le monde va mal et dans nos pays dits développés, les « Moi-je-n’ai-pas-besoin-de-ça » ignorent superbement les cimetières improvisés et les fosses-communes qui, dans les pays moins favorisés, accueillirent lors de la première vague pandémique, les dépouilles de ceux n’ayant pas eu la chance de vivre dans un environnement globalement sain et partiellement aseptisé, avec couverture sociale en prime. A l’exact opposé, les « Je-veux-tout-tout-de-suite » défèquent dans leurs braies, quand un éternuement se fait entendre à moins de cent mètres à la ronde, et certains d’entre eux, lors de la première vague pandémique ont violemment ostracisé des soignants.

Plus que jamais, nous avons besoin de la sagesse et de la pertinence de l’homme de science que vous étiez et demeurez à jamais. Cher Louis, je vous en conjure : revenez, car ils sont devenus fous !

Roland de R., soignant résolument pasteurien

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