«L’Etudiante et Monsieur Henri» – une rencontre électrique : court circuit ?

Nicolas Colle a rencontré le réalisateur de cette nouvelle comédie, Ivan Calbérac, qui dévoile son affection particulière pour ce film.

Une rencontre pleine d'humour, de tendresse et de sagesse de la vie. Foto: Distribution

(Par Nicolas Colle) – En adaptant sa propre pièce de théâtre, «L’Etudiante et Monsieur Henri», Ivan Calbérac signe une comédie pleine de tendresse qui émeut autant qu’elle fait rire. Un genre que le metteur en scène affectionne tout particulièrement, comme il nous l’a confié :

«C’est le genre de films que je préfère, en tant que spectateur. Donc, c’est aussi le genre de films que j’essaie de faire. Ici, la comédie vient de la rencontre entre des caractères très différents qui s’entrechoquent. Donc, c’est une comédie avec un point de départ réaliste. Il n’y a rien d’artificiel. J’aime quand le public éclate de rire, puis s’émeut l’instant d’après. Et vice versa. Après, il faut savoir que c’est un genre très difficile à manier, car il repose sur un équilibre très fragile

Cette histoire nous conduit à suivre le personnage de Constance, une jeune étudiante provinciale qui, pour échapper à l’éducation écrasante à laquelle son père l’a soumise, «monte» à Paris. Sur place, il lui faut pour commencer trouver un logement. Une tâche complexe et parfois douloureuse qu’endure aujourd’hui un grand nombre de jeunes adolescents ou adultes dans la capitale.

Elle fait fortuitement la connaissance de Monsieur Henri, vieil homme aigri, veuf de surcroît, qui va néanmoins accepter de la prendre en collocation dans son grand appartement, moyennant un loyer très avantageux si la jeune fille accepte de séduire Paul, son fils, car il ne peut pas voir sa belle-fille même en peinture. Acculée par sa situation financière et familiale, Constance accepte le marché. Mais rien ne va se passer comme prévu, bien sûr, car, avec beaucoup d’innocence, la jeune fille va amener progressivement chaque personnage à se confronter à lui-même et à reconsidérer sa propre vie. Elle devient un révélateur.

Des planches à l’écran : dramaturge et cinéaste. – Ce qui surprend dans cette adaptation, c’est à quel point le dramaturge parvient à rendre ce récit cinématographique, visuel, au point qu’on oublie qu’il s’agit de l’adaptation d’une pièce de théâtre. Voici son propre avis sur le sujet :

«Il y a moins de contraintes au cinéma qu’au théâtre, où c’est plus compliqué de changer de décor. Pour le cinéma, il est aussi nécessaire d’ajouter des nouveaux personnages, alors qu’au théâtre, on ne peut pas se permettre d’avoir une distribution trop importante. On a donc multiplié les lieux de tournage, car on ne pouvait se permettre de rester dans le même décor pendant tout le film. D’autant plus que cette histoire ne se déroule pas dans une unité de temps, contrairement au «Diner de cons» ou au «Prénom» qui se déroule sur une soirée. Ici, tout se déroule sur plusieurs mois.

Et puis au théâtre, la justification de certaines situations ne peut passer que par les dialogues. L’avantage du cinéma, c’est qu’on peut montrer les choses sans avoir à les dire. Cela nous a notamment permis d’affiner la précision psychologique des personnages. Par exemple, quand Constance accepte la proposition de Monsieur Henri, au théâtre on n’avait pas besoin de justifier pourquoi elle le faisait. Mais pour le film, il fallait qu’on comprenne pourquoi elle décide d’agir ainsi. On comprend qu’elle n’a pas le choix car elle ne peut pas se loger ailleurs que chez ce Monsieur. C’est ce qui fait toute la noblesse de ce personnage qui doute et qui a un choix moral à faire

Des retrouvailles et une belle découverte – Une comédie qui fait donc la part belle aux personnages et à leurs interactions. Notamment entre Monsieur Henri (Claude Brasseur impressionnant de justesse et d’émotion contenue) et son fils Paul. Comme en témoigne d’ailleurs l’interprète de ce rôle, Guillaume de Tonquédec, à nouveau étonnant dans ce registre de boulevard, très soigneusement écrit et dans lequel il nous avait déjà régalé dans «Le Prénom» :

«On sent très vite que ces deux personnages s’aiment, mais ils ne se le disent jamais car leur relation est pleine de pudeur. Mais c’est ce qui constitue l’un des éléments de la comédie. Après tout, c’est parfois difficile de dire «je t’aime» aux personnes qui nous sont pourtant les plus proches. Mais c’est quelque chose qui prête à un rire fort et de qualité, car cela donne beaucoup de subtilité et d’élégance à la comédie. L’arrivée de cette jeune étudiante agit comme par magie sur le trio du père, du fils et de la belle-fille. Sans Constance, ils seraient tous restés sclérosés à jamais. Cette fille permet, et avec une grande innocence, de révéler ces personnages à eux mêmes. Monsieur Henri essaie également de rattraper avec elle ce qu’il n’a pas pu faire avec son fils, à qui il a simplement confié sa société sans se soucier de ce qu’il voulait vraiment faire de sa vie. Du coup, il aide Constance à se révéler également. Il lui apprend à faire du piano et à essayer d’aller jusqu’au bout de ses rêves

Et quoi de mieux, quand on met en scène une comédie de personnages, de confier les rôles principaux à des comédiens renommés, que l’on retrouve avec plaisir, mais aussi de confier celui de «moteur du film», à une inconnue qui, ici, se révèle au spectateur ébahi. C’est la jeune Noémie Schmidt, bouleversante d’authenticité, de fraîcheur, d’émotion et de douceur. Elle est indéniablement, la grande révélation de ce film. Elle s’est confiée à nous quant à sa perception de son personnage :

«Disons que Constance évolue surtout dans son rapport à l’échec, aux hommes et à sa famille. En tissant une complicité avec Monsieur Henri, elle sème le désordre dans cette famille mais tout en faisant du bien à chacun et aussi à elle même. En acceptant de séduire Paul, elle se prend au jeu de la séduction car ils nouent une vraie relation d’amitié. Ils sont tous les deux en miroir l’un de l’autre du fait qu’ils ont grandi avec un père écrasant. Du coup, ils se comprennent et se font du bien. Et tout cela l’amène à prendre confiance en elle et à oser affronter son père et à affirmer ses choix. Au final, même si elle ne sort pas tout à fait de sa spirale de l’échec, elle est néanmoins en train de la briser et elle va se battre pour réaliser son rêve.»

Vers où aller ? – En somme, un film élégant et subtil, aussi bien par l’humour que par l’émotion et surtout dans le soin accordé à l’ambiance visuelle, pleine de chaleur comme par les choix musicaux. Un véritable mix de morceaux classiques et contemporains illustrent la rencontre de deux personnages, leur époque et de leur univers respectifs.

Mais cette œuvre veut rendre compte également d’un thème universel, comme Ivan Calbérac nous l’a confié lui-même au moment de conclure notre rencontre :

«Comment trouver sa place dans la société alors que l’on vit avec une hérédité très écrasante ? Et comment se faire confiance pour aller vers ce qu’on aime quand on a peur d’échouer et d’être ridicule et qu’on pense qu’on ne le mérite pas ? Ce sont bien sûr des thèmes qui me sont chers. Les personnages de Paul et Constance, avec leur éducation, se sont forgés une croyance inconsciente, qui est qu’ils ne méritent pas d’être heureux et d’aller vers ce qui leur plaît. Mais Constance est à un âge où tout est possible. Je pense que c’est un grand enjeu que de trouver sa place dans le monde. C’est un thème qui peut amener à la comédie, car cette dernière s’inspire souvent de la logique de l’échec. On rit de nos limites, de nos erreurs, de nos maladresses. C’est la base même de la vie. La plupart du temps on rate ce qu’on entreprend. Mais il n’y a jamais vraiment d’échec. Tout ce qu’on est amené à vivre n’est qu’une étape pour aller vers autre chose

Et bien croyez le, cher Guillaume, chère Noémie et cher Ivan, voici un film très réussi et encourageant pour nombre de jeunes contemporains qu’il peut rassurer.

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Affiche: Distribution

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