L’Eurométropole Strasbourg : un sacré pari et…

… un double enjeu et une ouverture sur le monde !

La ville de Strasbourg et l'Eurométropole côte à côte - même combat ! Foto: Claude Truong-Ngoc / Eurojournalist(e)

(Par Alain Howiller) – Les humoristes s’en empareront peut-être en constatant que les médias alsaciens auront fait paraître le même jour la photo officielle des membres du conseil -l’exécutif- de ce qui est devenu l’Eurométopole de Strasbourg et ce communiqué officiel qui annonce que la Ville de Strasbourg et l’Eurométropole changent de numéros téléphone, mais que la «transition se fera en douceur, un transfert sera mis en place entre l’ancien et le nouveau numéro de standard, et ce pendant un an !» La transition en douceur ne portera pas seulement sur le changement de numéro de standard : elle portera aussi -surtout- sur les compétences qu’exercera finalement l’Eurométropole.

Celle-ci héritera de certaines responsabilités (…et ressources) qu’abandonneront certaines collectivités (dont notamment le conseil départemental du Bas-Rhin), ce qui suppose de délicates négociations entre responsables ! L’année pourrait bien être consacrée à la concrétisation de ces transferts, pendant que, parallèlement, les discussions entre responsables des régions Alsace, Lorraine et Champagne-Ardenne auront à préparer l’entrée en fonctions de la future «méga-région du Grand Est» et de sa… capitale !

Quand un secrétaire d’Etat alsacien impose la C.U.S. à Strasbourg ! – Car si le statut de l’Eurométropole a été défini avec la parution du décret donnant un nouveau nom et de nouvelles responsabilités à la «Communauté Urbaine de Strasbourg – CUS», tout n’a pas été réglé et un certain nombre de transferts devront être négociés pour éviter des chevauchements et des doublons. Il n’en demeure pas moins que, comme le souligne Robert Herrmann, le Président de la nouvelle structure, que : «L’Eurométropole de Strasbourg (est devenue)… une dénomination formelle, avec un statut qui confortera la dimension européenne de son territoire et son rôle de ‘locomotive’…. Cet acte fondateur, dont je me réjouis, ouvre pour notre agglomération de nouvelles perspectives, avec des compétences élargies et un potentiel de développement ambitieux !» Avec l’adoption, le 30 Janvier, de son premier budget et la… photo des conseillers réunis sur le perron de leur siège strasbourgeois, «l’Acte Fondateur» a trouvé une première concrétisation pratique !

Peut-être est-ce le moment de rappeler aux strasbourgeois, si prompts au pessimisme et au dénigrement, que si la création de l’Eurométropole est, incontestablement, un pari sur l’avenir, c’est aussi une chance. Une de ces chances dont la création de la «CUS» avait déjà été une première concrétisation, en 1967. La coopération des communes (elles sont 28 aujourd’hui, avec 478.000 habitants qui représentent 25% de la population alsacienne) regroupées dans le cadre de la CUS avait, déjà, été déterminante pour l’avenir de l’agglomération : André Bord, Secrétaire d’Etat à l’Intérieur, à l’époque, qui entendait contester (avant de renoncer) la place de maire à Pierre Pflimlin, réussira alors à élargir la liste des villes dotées d’une communauté urbaine en y… ajoutant sa ville d’origine ! Cette fois, c’est Roland Ries, alors sénateur-maire de Strasbourg, qui réussit à persuader le Président de la République et son Premier Ministre (Jean Marc Ayrault) à doter sa ville d’un statut particulier.

Car faute du nombre d’habitants suffisants, Strasbourg ne devait pas figurer sur la liste des métropoles prévues dans la «loi de modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles». Strasbourg figurera dans la liste comme «Eurométropole». «Vous avez compris, Madame la ministre (il s’agissait de Marylise Lebranchu à la Décentralisation et à la Fonction Publique) que la future métropole strasbourgeoise n’était pas comme les autres. Du fait de la présence d’institutions européennes importantes, il convenait de lui réserver un sort particulier. C’est fait aujourd’hui avec la création de l’Eurométropole de Strasbourg», devait commenter Roland Ries lors de l’adoption de la loi par le Sénat.

Un pari politique contre les cheminements politiciens ! – Et ce sera à Robert Herrmann, président de la CUS (depuis avril 2014), de porter l’Eurométropole sur les fonds baptismaux ! Une fonction à laquelle il n’avait sans doute pas songé lorsque, faute d’avoir pu être Maire de Strasbourg parce que Roland Ries, contrairement à ce qu’il avait envisagé au départ, a voulu assumer un nouveau mandat à la tête de la municipalité strasbourgeoise. Et qu’il assumera avec autorité, lui qui avait commencé très à gauche son engagement politique pour se centrer sur une social-démocratie, pragmatique et gestionnaire qui tranchera singulièrement avec les orientations des «durs» de son parti (notamment les députés strasbourgeois Jung et Bies ou le premier secrétaire du PS du Bas-Rhin, l’adjoint au maire Mathieu Cahn). Il aura à assumer un pari et un double enjeu pour la nouvelle structure. Le pari ce sera celui d’une gouvernance apaisée. Le double enjeu ce sera celui de confirmer l’Eurométropole comme instrument en faveur de Strasbourg capitale européenne transfrontalière et comme capitale de la méga-région du Grand Est. Comme aurait pu dire Coluche, l’humoriste français disparu : «C’est pas gagné !»… Mais ce n’est pas perdu non plus !

Pour ce qui est de la gouvernance, Robert Herrmann, en vieux routier de la démocratie locale et Président de la «commission démocratie locale de l’Association des Maires des grandes villes de France», a innové en initiant une coalition gauche-droite inédite jusqu’ici : sept maires de droite sont venus rejoindre dix socialistes, deux divers gauche, un écologiste pour siéger au conseil placé à la tête de la CUS d’abord, de l’Eurométropole ensuite (depuis Janvier). Une association originale dans une France éternellement marquée par un conflit «gauche-droite que les Français veulent de plus en plus voir dépasser», souligne Robert Herrmann. Ce dernier complétera son dispositif par la création d’un «Conseil de Développement», réunissant les forces vives de l’agglomération, des habitants, des représentants des institutions européennes présentes à Strasbourg, des représentants des autorités publiques locales des régions allemandes proches et des organismes transfrontaliers. On suivra avec intérêt le fonctionnement et la mise en place de ces éléments, en espérant que les espoirs nés ne seront pas douchés par un retour des vieux réflexes politiciens que pourraient ressusciter, à gauche comme à droite, les «compétitions électorales» qui émailleront la vie politique française d’ici aux élections présidentielles de 2017 !

Une double «bataille du siège» ! – Dans l’éternel combat que mènent un certain nombre de députés européens -menés par des britanniques engagés- l’Eurométropole sera un atout dans la «bataille du siège» que mène le Maire Roland Ries pour maintenir et développer le siège strasbourgeois du Parlement Européen. Dans cette bataille, Strasbourg mobilise déjà le Président de la République (pour qui «l’emplacement du siège n’est pas négociable !»), le gouvernement, la «Région Alsace» et la «Task Force» de défense mise en place par la municipalité et conduite par Cathetine Trautmann, l’ancienne Députée Européenne, Ministre et Maire de Strasbourg. En marquant son souci de mobiliser -certes un peu tardivement- les représentants des secteurs géographiques allemands proches, Robert Herrmann, déjà membre du conseil de l’Eurodistrict Strasbourg-Ortenau et qui, en tant que Président de l’ADEUS («Agence de Développement et d’urbanisme de l’Agglomération Strasbourgeoise») avait déjà donné une orientation transfrontalière à l’agence, veut jouer une partition, trop rarement exécutée, sur les rives françaises du Rhin.

En confortant la vocation européenne de Strasbourg et de «son» Eurométropole apparaît clairement un espoir de victoire dans l’autre «bataille du siège» : celle de la désignation de la capitale de la méga-région Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne. Déjà chef-lieu (siège des administrations d’état) de la région, Strasbourg -c’est l’espoir aussi bien du Président de l’actuelle région Alsace que de la municipalité strasbourgeoise- l’Eurométropole voudrait être reconnue comme capitale du «Grand Est». Etre «Eurométropole» peut être un atout, mais aussi un obstacle : les partenaires des autres villes du Grand Est, que Philippe Richert, le Président de la Région Alsace, Roland Ries et Robert Herrmann essayent de rallier à leur cause, ne risquent-ils pas de faire valoir (comme cela a été le cas, il y a… une trentaine d’années dans le Haut-Rhin !) un «Vous êtes déjà capitale européenne, alors !…».

Ville-Monde enfin : comme Bâle ? – Ce serait sous-estimer pour le moins mésestimer que le temps est venu des «métropoles» devenues vecteurs essentiels dans la mondialisation. «C’est par le bas, dans les métropoles, que se réinventent aujourd’hui la responsabilité et l’engagement, le travail et l’éducation, les mœurs et le vivre ensemble», écrivait Nicolas Baverez (Le Point du 31 Octobre 2013).

Avoir une métropole, est une chance au profit et au service de la future région Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne que la loi a imposé ! Etre une métropole, c’est aussi une ambition pour les Strasbourgeois et les Alsaciens : celle de s’ouvrir enfin, à un peu plus d’une centaine de kilomètres de Bâle, déjà reconnue dans cette catégorie, les portes vers ce qu’on appelle les «villes-monde» ! Le pari décisif qu’impose l’Eurométropole !… Mais, comme aurait pu dire Coluche… (vous connaissez la suite !).

1 Kommentar zu L’Eurométropole Strasbourg : un sacré pari et…

  1. Bâle n’est à ma connaissance dans aucune des différentes listes (concurrentes) des villes mondes : il y a Zurich et parfois Genève. La plus proche de nous est Stuttgart. En France on trouve Paris, Lyon, Marseille et Nantes – Lilles, Bordeaux et Strasbourg étant dans la liste des “Villes avec forte propension à devenir de classe mondiale”.

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