L’Europe, c’est ça aussi : La Transnistrie (4)

Alexandre Binder sur l’économie de ce très petit pays – étonnant que la Transnistrie ait une « économie ».

Les supermarchés en Transnistrie appartiennent aussi au groupe Sherrif. Foto: Adam Jones from Kelowna, BC, Canada / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.0

(Alexandre Binder) – Juste avant son indépendance, la Transnistrie produisait 90% de l’électricité de la Moldavie. Donc, ce petit pays a gardé toutes les infrastructures nécessaires à la production d’électricité, de gaz et de pétrole. Le territoire est passé d’une économie communiste à une économie presque capitaliste sans aucune législation. Dans ce vide législatif, le groupe « Sheriff » voit le jour, crée par deux hommes d’affaires, Viktor Gushan et Ilya Kazmaly, tous deux anciens membres des services secrets russes. Ce groupe a racheté la majorité des entreprises de la Transnistrie.

Même si le pays est considéré comme la dernière enclave communiste, il y a une activité économique. Selon le site populationdata.net , en 2018, il y avait 503 640 habitants en Transnistrie pour un PIB de 1.000 milliards de dollars. Pourtant, en 2014, Le Monde estimait que le salaire moyen en Transnistrie était de 80€ par mois, ce qui rend la main d’œuvre moins chère qu’en Chine.

« Sheriff » est un groupe très curieux, car on ne connaît ni son étendu ni son chiffre d’affaires. On sait juste que le groupe est tellement développé qu’il possède le monopole dans presque tous les domaines économiques du pays.

Voici les domaines d’activités de Sheriff selon leur site internet :

- Supermarchés : l’enseigne dit posséder 27 supermarchés où travaillent environ 3000 salariés.

- Essence : Le groupe possède 18 stations-essence dans toute la Transnistrie.

- Vente de voitures : Sheriff est le plus gros importateur de Skoda, Kia et Mitsubishi de la Transnistrie.

- Reventes de pièces détachées et produits pour voitures : Le groupe opère 3 magasins de la marque Tirauto.

- Brasseries : Sheriff possède une brasserie dans le district d’Oktyabrskiy à Tiraspol. Le groupe commercialise une bière sous la marque « Nashe ». Mais nous n’avons pas trouvé de prix ou des commentaires concernant cette bière.

Il est très curieux de voir un groupe aussi important dans des marchés si différent et surtout, dans un pays si pauvre. Difficile d’imaginer qu’avec un salaire moyen de 80€ par mois, la population puisse se permettre de consommer les environ 14.000 produits proposés par Sheriff. Avec ce salaire, impossible d’acheter une voiture et de la changer tous les 150.000km. Le groupe Sheriff ne communique aucune information sur son chiffre d’affaires. Cependant, le groupe précise que le salaire mensuel moyen dans le groupe est de 4.900 roubles (58,74€). Selon Sheriff, c’est 1,4 fois plus que le salaire moyen (chiffre de 2013, des chiffres plus actuels n’étaient pas disponible).

Une grande partie des gazoducs de la société Moldovagaz passent par la Transnistrie. Moldovagaz est contrôlée à 50% par Gazprom, à 35% par l’état moldave et à 13,5% par la ville de Tiraspol. La Moldavie accuse Tiraspol de prélever du gaz en payant un prix inférieur, la différence par rapport au « vrai » prix restant à la charge du pays.

À cause de sa situation géographique et politique particulière, ce pays est devenu une plaque tournante du trafic illégal de différents groupes du crime organisé. Des experts estiment que la majorité des richesses du pays vient du trafic de drogues, armes à feu, etc. Depuis le départ d’une grande partie des troupes russes, on estime qu’il y a environ 20.000 tonnes de munitions et d’armes à feu laissées sur place. Ces sujets sont détaillés dans le livre « Transnistrie – La poudrière de l’Europe » de Xavier Deleu, qui parle aussi de trafic d’organes et d’êtres humains. Evidemment, il est très difficile d’estimer les bénéfices de ces activités criminelles.

Après avoir parlé de l’activité économique de la Transnistrie, le prochain article se concentrera sur les relations diplomatiques avec l’Union Européenne, en intégrant les tensions actuelles dans la région.

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