L’Europe, c’est ça aussi : la Transnistrie (5)

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(Alexandre Binder) – Le 1er mars 2008, la Transnistrie et l’Union Européenne signent les « Accords des Préférences Commerciales Autonomes » (PCA), ce qui permet aux entreprises transnistriennes, d’exporter vers l’Union Européenne de façon légale et avec des tarifs douaniers avantageux. Avec l’aggravation de la guerre en Ukraine et le bombardement d’une clinique de pédiatrie le 9 mars (Marioupol), on se demande qu’est-ce qui arrêtera Poutine, mais aussi où va-t-il s’arrêter. En ce moment, Euroujournalist(e) publie une série d’articles (L’Europe c’est ça aussi : La Transnistrie). L’article publié aujourd’hui, s’appuie sur des informations décrites plus précisément dans cette série, dont vous trouverez les liens en fin de cet article. La Transnistrie, depuis la fin de la guerre froide, a toujours été un allié fidèle de la Russie et aujourd’hui, on se demande quel sera la place de ce petit « État » (seulement reconnu par l’Abchasie et quelques territoires eux-mêmes non reconnus), situé entre l’Ukraine et la Moldavie.

Aujourd’hui, la Russie n’a rien à gagner en utilisant la Transnistrie pour appuyer ses opérations militaires en Europe Centrale, mais qu’est-ce que la Russie perdra en impliquant ce pays dans sa guerre contre l’Ukraine ?

La Transnistrie est un tout petit territoire d’Europe de l’Est. Plus petit que le Luxembourg et officieusement contrôlé par la Russie, la Transnistrie reste dans une zone d’ombre en Europe. A l’intérieur règne la suprématie du groupe « Sheriff » qui est tellement important qu’il contrôle la quasi-totalité de l’économie transnistrienne. Ce groupe est dirigé par Viktor Gushan , un ancien membre des services secrets russes. De plus, Viktor Gushan a financé la campagne de Vadim Krasnoselski, le président de la Transnistrie, et a aussi créé son propre parti politique qui se nomme « Renovacion ». Il occupe 29 des 33 sièges du Soviet Suprem de la Transnistrie (parlement transnistrien).

Est-ce que la Transnistrie possède des institutions financières capables de faire du commerce avec l’Europe ? La réponse est oui et le problème, c’est qu’elles sont contrôlées par – Viktor Gushan. Des entreprises ayant leur siège en Transnistrie, comme Tirotex ou encore Aquatir, fonctionnent essentiellement grâce aux exportations vers l’Union Européenne. Et la Transnistrie est devenu un incontournable de la production de tissue, car elle est le plus gros producteur et exportateur de tissue en Europe. Tout cela a été rendu possible grâce aux « Accords des Préférences Commerciales Autonomes » de 2008. Est-ce que c’était une mauvaise chose de vouloir tenter de rapprocher un pays pro-Russe de l’UE ? Non. Mais malheureusement, l’Union n’avait pas relevé que l’économie transnistrienne est et était dans une situation de monopole bénéficiant à un ancien membre du KGB.

Qu’est-ce que la Russie gagnerait à utiliser la Transnistrie pour avancer des troupes aux frontières européennes ? – Si la Russie devrait tenter de forcer la frontière entre la Moldavie et la Transnistrie, alors elle mettra en péril les accords commerciaux qui favorisent l’économie transnistrienne et donc les oligarques russes. Ensuite, cela voudrait dire que l’armée russe devrait se battre sur deux fronts : le front ukrainien, qui n’est pas encore gagné, et le front moldave. Une guerre sur deux fronts est compliquée à mener, même pour la Russie. Et enfin, la Transnistrie se situe tout le long de la frontière sud de l’Ukraine. Ce qui veut dire que de nombreuses personnes qui fuient la guerre par le sud de l’Ukraine, vont passer et passent déjà par la Transnistrie. Et sachant que la Transnistrie, depuis quelques années, est marquée par un exode de sa population qui cherche une meilleure qualité de vie, l’arrivée de migrants, représentant une main-d’œuvre plus facilement malléable, pourrait redonner un boost à l’économie du pays et enrichir les oligarques russes.

Si la Russie devrait arriver au point d’envoyer une armée en Transnistrie, alors cela serait un signe d’une fragilité extrême, ce qui constituerait un indice que la Russie n’a plus rien à perdre.

Le mercredi 16 mars, le Conseil de l’Europe a reconnu la Transnistrie comme « territoire sous occupation russe », après avoir été désigné longtemps comme territoire sous contrôle russe ». Est-ce qu’il s’agit là d’une stratégie qui compromettrait les intérêts russes dans ce territoire ?

Est-ce que l’annonce du Conseil de l’Europe va empêcher la Russie d’utiliser la Transnistrie comme moyen de contourner les sanctions économiques ? Est-ce que ça veut dire que le PCA de 2008 est annulé ? Est-ce que cela veut dire que plus aucune entreprise transnistrienne ne peut commercer avec l’Union Européenne et le reste du monde ? Ce qu’il est important de savoir, c’est que la Russie, depuis le début du conflit, n’a pas envoyé plus de soldats en Transnistrie. Le Conseil de l’Europe a donc pris une décision en amont, mais est-ce que cette décision est plus symbolique qu’autre chose ? Est-ce que cette décision pourra permettre à la Moldavie, dans le cas d’une guerre ouverte, de légitimer la récupération de ce territoire et d’y installer des institutions Moldave ?

Il y a un autre point très important, la question du district Dubasari. Pendant la Guerre de Sécession (1990 – 1992), une partie de la Transnistrie a toujours été pro-Moldavie et les séparatistes pro-russes ont pris par la force, une partie de ces parties pro-moldaves et suite à de sanglants combats, les transnistriens ont réussi à annexer une partie de ce district. La décision du Conseil de l’Europe peut raviver ces tensions et créer un conflit interne dans un pays allié aux Russes et frontalier à l’Ukraine.

Déjà parus dans cette série :

http://eurojournalist.eu/leurope-cest-ca-aussi-la-transnistrie-1/

http://eurojournalist.eu/leurope-cest-ca-aussi-la-transnistrie-2/

http://eurojournalist.eu/leurope-cest-ca-aussi-la-transnistrie-3/

http://eurojournalist.eu/leurope-cest-ca-aussi-la-transnistrie-4/