L’Europe, c’est ça aussi… malheureusement

Une étude de l'ONG « Lobbycontrol » montre l'influence énorme des lobbys sur la politique européenne. Certains commissaires européens ne semblent jurer que par les lobbys. Honni soit qui mal y pense...

L'influence des lobbys sur la politique européenne est beaucoup trop grande... Foto: Lobbycontrol

(KL) – Les lobbys bruxellois, ainsi qu’on nous l’explique à chaque fois qu’on pose la question, servent à combler les lacunes des fonctionnaires de la Commission Européenne sur des questions spécifiques. Environ 25000 lobbyistes sont accrédités officiellement dans les institutions européennes à Bruxelles, confondant souvent « information » et « tentative de trafic d’influence ». Cette proximité entre lobbyistes et responsables politiques est désormais documentée par l’ONG « Lobbycontrol » et – elle est malsaine, car les innombrables rencontres entre lobbyistes et responsables politiques se passent généralement au détriment des ONG dont l’accès aux personnes détenant le pouvoir est extrêmement limité. Peu étonnant, les commissaires sont trop occupés par leurs réunions avec les lobbys.

Bruxelles, c’est le marais des lobbys – on trouve dans la capitale belge les représentations de 948 fédérations de branches ou d’entreprises, 444 agences de lobbying et 244 fédérations professionnelles et syndicats. Les 454 ONG installées à Bruxelles ont, quant à elles, beaucoup plus de mal à décrocher une réunion avec un commissaire européen. Si les institutions européennes ont créé un « registre des lobbys », les informations renseignées par les organisations de lobbying ne peuvent pas être vérifiées. Toutefois, un tel registre constitue un pas dans la bonne direction – la plupart des gouvernements nationaux, tout autant cibles des lobbyistes, ne connaissent pas un tel registre. Mais ce registre fait surtout écran de fumée – une vérification de ce registre, créé en 2008, a montré que 62% des informations données par les intéressés sont fausses.

La « lobbycratie » bruxelloise constitue un véritable danger pour la démocratie européenne. – Comme indiquent les responsables de « Lobbycontrol », les lobbys peuvent aller jusqu’à « saborder le processus législatif » – et les exemples en sont nombreux. Ainsi, le « groupe d’experts pour les émissions de petits utilitaires » est composé à 70% de représentants de l’industrie automobile. Parfois, les lobbys vont jusqu’à rédiger des textes de nouvelles lois – à coup de milliards d’euros, ce système fait ses preuves. Du moins, pour ceux qui profitent de ce système hautement critiquable.

Certains commissaires font vraiment du zèle. Selon le rapport, le commissaire allemand Günter Oettinger totalise plus de 2000 rencontres avec des lobbyistes par an – ce qui parle pour un agenda bien rempli, mais pas forcément que ce commissaire soit à l’écoute des 500 millions d’Européens et Européennes qu’il est censé représenter.

Les lobbys, par définition, se font fort de promouvoir des intérêts économiques. Mais puisqu’ils défendent les intérêts d’entreprises particulières, ils constituent l’instrument d’une concurrence déloyale entre les états-membres de l’Union Européenne, et cela ne peut pas être dans l’intérêt des citoyens et citoyennes européens.

Il ne faut pas chercher à comprendre pourquoi tant de citoyens et citoyennes européens ne font plus confiance en leurs institutions bruxelloises. – Bruxelles est le centre de la politique des portes fermées, menée par des fonctionnaires que personne n’a élu et que personne ne connaît, influencée par des groupements d’intérêts financiers omniprésents. Ainsi, Bruxelles est devenu le centre de la « corruption institutionnalisée » où les élus deviennent des simples marionnettes du pouvoir de « Big Business ».

Pour regagner la confiance des citoyens et citoyennes, ce système doit être radicalement changé. Outre les 5 mesures que propose « Lobbycontrol », il faudra revoir la question du siège du Parlement Européen sous cet angle-là. Considérant le rôle important du Parlement Européen dans le processus législatif, il convient de cesser les réunions bruxelloises du Parlement pour que la seule représentation des Européens et Européennes démocratiquement élue soit tenue à l’écart de ce marais bruxellois dominé par les lobbys. Evidemment, pour les lobbyistes, avoir tout le monde sous la main à Bruxelles serait pratique, mais cela irait à l’encontre des intérêts des peuples européens.

Voici les cinq propositions de « Lobbycontrol » :

1. Limiter l’influence des grandes entreprises
Les commissaires, fonctionnaires et élus doivent s’engager à organiser leurs rencontres avec des lobbyistes de manière plus équilibrée. Les groupes d’experts ne doivent plus être dominés par des représentants des entreprises.

2. Réduire la dépendance de l’expertise des entreprises
32 000 personnes travaillent pour la Commission Européenne – et doivent gérer les affaires de 510 millions de citoyens et citoyennes. A titre de comparaison : 45 000 personnes travaillent dans l’administration des finances en Allemagne. La Commission Européenne a besoin de davantage d’expertise interne.

3. Minimiser l’accès privilégié des intérêts des entreprises
Il faudra mettre en œuvre des règles plus strictes lorsque des responsables politiques quittent la politique pour s’engager dans le secteur privé. Il conviendra également de mettre un terme aux innombrables manifestations exclusives qui ne servent qu’à faire se rencontrer des responsables politiques et des chefs d’entreprises.

4. Réforme du Conseil Européen
Le Conseil Européen est l’organe le moins transparent de l’Union Européenne, et cela doit changer. Actuellement, les gouvernements nationaux imposent trop souvent les intérêts de leurs industries nationales. Nous avons besoin d’un registre de lobbys aussi au niveau du Conseil Européen et de plus de transparence dans les positions de négociation des états-membres.

5. Davantage de transparence des lobbys
Il faut créer un registre des lobbys complet et obligatoire contenant des données fiables et ce, pour l’ensemble des institutions européennes, ainsi qu’une « empreinte législative » qui rendra l’influence des lobbys sur la législation européenne plus visible.

C’est ce marais bruxellois qui ouvre grand la porte à toute forme de corruption, qui est à la base de la perte de confiance des citoyens et citoyennes en leurs institutions. Il ne suffit pas de parler de « transparence », tout en soignant un système totalement opaque et contraire aux intérêts des peuples européens. Mais force est de constater qu’AUCUNE formation politique candidate à l’élection européenne ne s’est appropriée ce sujet – il faut croire que ce marais bruxellois arrange bien tout le monde. Sauf les citoyens et citoyennes qui eux, sont appelés à élire le nouveau parlement européen le 26 mai prochain. Et si, pour une fois, on ne votait pas pour les formations politiques responsables pour ce système opaque ?

Vous pouvez télécharger le rapport (malheureusement qu’en langue allemande) si vous CLIQUEZ ICI.

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