L’Europe de et à Strasbourg (8) : le Médiateur européen

Dans les locaux du Parlement strasbourgeois, est installé, sur deux étages, le Médiateur européen. Une instance méconnue qui veille pourtant au respect de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne en enquêtant sur les cas de mauvaise administration au sein des institutions.

A Strasbourg, le Médiateur européen siège au Bâtiment Winston Churchill. Foto: Emma Kuhn / EJ / CC-BY 2.0

(Emma Kuhn) – En 1992, le Traité de Maastricht introduit la citoyenneté européenne et confère des droits à ces nouveaux citoyens européens, en plus de leurs droits nationaux. Le Médiateur européen, établi par le traité, devient le garant de ces droits. L’idée notamment, c’est que les Européens se sentant lésés par l’administration, aient accès à un recours, sans avoir nécessairement besoin d’être représentés par un avocat. Pour ce faire, depuis son siège à Strasbourg (il est également ancré à Bruxelles), le Médiateur européen traite des plaintes déposées par les citoyens.

Tout d’abord, il a néanmoins fallu définir les cas de « mauvaise administration ». C’est ce qu’a fait le Finlandais Jacob Söderman, le premier médiateur, qui a pris fonction en 1995 (le médiateur est élu par le Parlement, son mandat dure 5 ans et est renouvelable). Une définition large pouvant couvrir de nombreuses plaintes. La mauvaise administration est, de manière générale, le non-respect d’une règle de droit, de bonne conduite ou encore l’infraction d’une procédure administrative par les institutions européennes. Le Médiateur européen n’enquête ni sur les particuliers, ni sur les institutions nationales.

Mais alors, comment porter plainte ? Il existe certains critères de recevabilité : il faut être un citoyen européen ou résider dans un Etat membre de l’Union européenne. Il faut aussi, au préalable, avoir contacté l’institution concernée et avoir fait un recours administratif. Car, s’il y a suspicion de mauvaise administration, le Médiateur doit avoir le point de vue du plaignant, mais également celui de l’institution. Si les motifs sont suffisants pour l’ouverture d’une enquête, les deux parties sont informées de la suite des démarches. Si la plainte n’est pas justifiée, le Médiateur va essayer de convaincre le plaignant que l’institution n’était pas en tort, ou du moins que sa plainte ne relève pas d’un cas de mauvaise administration. En fonction de la complexité des affaires, les procédures durent, en moyenne, entre 3 et 12 mois.

Les plaintes sont variées : un retard dans la prise de décision, un traitement injuste ou discriminatoire, un manque de transparence… La dernière en date, vieille de quelques semaines seulement, concernait la question du respect des délais pour répondre à une demande d’accès aux documents. Comme le font souvent les journalistes, il est tout à fait possible de demander des comptes ou de demander justement l’accès aux documents qui justifient certaines prises de décisions. Quand le sujet est politique et sensible, l’institution ne répond pas nécessairement dans le délai imparti, malgré la transparence censée être garantie. Cet acte constitue ainsi un cas de mauvaise administration et peut faire l’objet d’une plainte.

Sans surprise, les enquêtes menées par le Médiateur européen concernaient, en 2022, essentiellement la Commission européenne. Cette dernière représentait 57,1% des plaintes à l’encontre des institutions européennes. Il est possible de citer également le Parlement européen ou encore l’agence Frontex. Chaque année, environ 2000 plaintes sont déposées. Seulement 500 enquêtes sont cependant ouvertes. « Cette disparité s’explique : certaines plaintes sont en fait hors mandat du médiateur car elles ne concernent pas les institutions européennes, mais les autorités nationales », explique Tereza Mandjukova, gestionnaire de plaintes et juriste au sein du Médiateur européen. Le Réseau européen des Médiateurs lui permet toutefois le transfert éventuel de plaintes vers l’organe le plus habilité à les traiter.

« Dans 37% des cas, on trouve qu’il n’y a pas eu d’instance de mauvaise administration », indique Tereza Mandjukova. « Mais pour 46% des plaintes, une solution a été apportée », précise-t-elle. Les cas de mauvaise administration qui aboutissent à une recommandation du Médiateur, ne représentent que 4,5% des plaintes déposées. Ce qu’il faut savoir, c’est que ses décisions ne sont néanmoins pas contraignantes : elles restent des recommandations. Il est donc difficile de les faire respecter. Selon la juriste, le taux d’acceptation de ces recommandations tourne malgré tout autour des 85%, probablement par peur de la réputation que peut créer une instance de mauvaise administration. Mais si l’institution concernée ne s’y conforme pas, le Médiateur a la possibilité de demander de l’aide et du soutien au Parlement européen. « Il s’agit d’un rapport ‘spécial’, lors duquel le Parlement adopte une résolution. C’est la dernière instance. Mais c’est une procédure à ne pas banaliser, on y a uniquement recours pour les dossiers très importants », détaille Tereza Mandjukova. Cette procédure a été utilisée deux fois au cours de ces dix dernières années (en 2014 contre Frontex et en 2019 contre le Conseil de l’Union européenne).

Selon les traités, le Médiateur européen est une institution indépendante et autonome, bien qu’elle profite des services que le Parlement lui fournit, comme la location de ses locaux par exemple. L’indépendance de cette instance est primordiale afin de ne pas compromettre son impartialité. « Nous ne sommes pas une branche du Parlement européen, on l’examine au même titre que les autres institutions concernées par les plaintes. On ne peut pas enquêter sur son activité politique mais on peut le faire sur sa gestion du personnel, du recrutement ou des finances », rapporte Tereza Mandjukova. Le budget du Médiateur européen constitue lui aussi une section indépendante du budget de l’Union européenne.

Aujourd’hui, la médiatrice européenne est la journaliste irlandaise Emily O’Reilly. En 2024, suite aux prochaines élections européennes, le nouveau Parlement procédera à celle du nouveau médiateur européen. Pour l’instant, aucun candidat ne s’est déclaré. Selon certaines sources, Emily O’Reilly ne se représentera pas.

Le Médiateur européen

Adresse : 1 Avenue du Président Robert Schuman, 67000 Strasbourg

Création : 1995

Effectif : Equipe composée de 80 personnes, réparties de manière égale à Strasbourg et à Bruxelles (parmi elles, 20 personnes traitent les plaintes dont 5 à Strasbourg)

Budget : 12 222 108€ (pour l’année 2022)

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