L’Europe des Frontières ?

L'Allemagne s'enferme de plus en plus dans ses frontières. Et elle n'est pas seule à agir ainsi. Les appels de l'Union Européenne de garder les frontières ouvertes, reste lettre morte.

Ce poste de frontière entre l'Allemagne et la République Tchèque a l'air ouvert et sympa. Pourtant, cette frontière est fermée... Foto: Corradox / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(KL) – Depuis hier, l’Allemagne a fermé ses frontières pour les ressortissants tchèques, slovaques et du Tyrol. Au Nord, c’est le Danemark qui filtre à la frontière avec l’Allemagne. La frontière entre l’Espagne et le Portugal est un coup ouverte, un coup fermée. La situation à la frontière germano-polonaise est sous surveillance et le long des frontières à l’ouest, donc avec les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg et la France, on suit attentivement si le RKI (Robert-Koch-Institut) à Berlin classe ces pays et des régions individuelles parmi les « zones à risque à haute incidence » (niveau 2) ou les « zones à risque avec présence de mutations » (niveau 3) – car une telle classification aurait de lourdes conséquences sur les conditions d’entrée sur le territoire allemand – on pourrait parler d’une frontière fermée. Mais quelque part, il est logique d’en être arrivé là – l’incapacité des dirigeants des pays européens de développer une stratégie européenne pour combattre ce virus, conduit inévitablement à l’auto-isolation des pays européens.

La Commission Européenne à Bruxelles avait demandé à l’Allemagne d’assurer la perméabilité des frontières avec la République Tchèque et l’Autriche, au moins pour les travailleurs et travailleuses frontalières. Après tout, expliquait la Commission fièrement, elle avait même formulé des « recommandations » concernant les voyages durant la pandémie. Elle aurait mieux fait de ne pas trop insister sur ces « recommandations », car actuellement, les « recommandations » ne sont suivies que lorsque les états concernés ont envie de les suivre. Ce qui n’est pas souvent le cas.

Le ministre fédéral de l’intérieur, le Bavarois Horst Seehofer, a réagi de manière peu diplomatique : « Maintenant, ça suffit ! La Commission Européenne a commis assez d’erreurs lors de la commande des vaccins », a-t-il dit, « maintenant, la Commission devrait plutôt nous soutenir au lieu de nous mettre des bâtons dans les roues par des conseils bon marchés… ». Ambiance.

L’Union Européenne commence à payer le prix pour sa défaillance depuis le début de la crise. En une année, les dizaines de milliers de fonctionnaires bruxellois n’ont pas réussi (ont-ils au moins essayé ?) d’élaborer une stratégie commune, pour éviter le « yoyo » auquel nous assistons. Dans un pays, les chiffres baissent, dans l’autre, elle augmentent. Peu étonnant, puisque tout le monde n’agit que selon ses propres croyances en décrétant des mesures contradictoires, chaotiques, peu à même de venir à bout de cette pandémie.

Dans une situation comme celle que nous vivons, Horst Seehofer n’a même pas tort. Dans l’impossibilité de combattre cette pandémie ensemble, du coup, les voisins représentent un danger. Et on pense pouvoir se protéger contre ce danger en fermant les frontières – le retour de l’Europe des Frontières.

Les institutions européennes n’ont pas vraiment aidé les états-membre de l’UE. La seule mission de l’Union, à savoir la commande et la distribution des vaccins, n’a pas été remplie correctement, comme Ursula von der Leyen a avoué devant les parlementaires réunis « en petit comité » à Bruxelles. Et puisque même maintenant, aucun plan européen n’existe pour orienter les 27 vers un combat commun contre la pandémie, l’UE pourrait effectivement cesser de donner des conseils – ce ne seront pas les institutions européennes qui les mettront en œuvre.

L’Europe des Frontières prend de plus en plus corps. C’est inquiétant pour la suite et il paraît de plus en plus clairement qu’après cette pandémie, il conviendra de réformer ces institutions européennes de A à Z. A commencer par un remplacement conséquent des acteurs que nous avons élus à la tête de ces institutions. En l’état, même les plus grands supporteurs de l’idée européenne commencent à être à court d’arguments à opposer aux eurosceptiques qui rêvent déjà de nombreux « -xits ». Si nous ne voulons pas replonger vers la fin du Moyen Âge, nous devons revoir le fonctionnement de l’Europe Institutionnelle. Autrement, dans l’espace d’une génération, cette merveilleuse idée des « Etats-Unis de l’Europe » aura disparue pour de bon.

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