L’Europe dort

Erdogan en Croatie, Poutine en Serbie

La Présidente croate, Kolinda Grabar-Kitarovic, à l'OTAN Foto: Chairman of the Joint Chiefs of Staff / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 2.0Gen

(Marc Chaudeur) – Mercredi, Erdoğan est arrivé à Zagreb. Hier, Poutine est arrivé à Belgrade. Mais que fait l’Europe ?

Mercredi, le Président turc, Recep Tayyip Erdoğan, se trouvait à Zagreb. Il a fait une conférence de presse en duo avec la charmante Présidente croate, Kolinda Grabar-Kitarovic. Les deux dirigeants ont signé de nombreux accords, dans divers domaines : et en particulier dans le secteur économique. Erdoğan a déclaré : « Nous souhaitons augmenter les échanges commerciaux entre nos deux pays jusqu’à atteindre un milliard de dollars.» En 2018, selon Erdoğan, ces échanges ont atteint 575 millions de dollars.

Oui, la Turquie est présente, très présente en Croatie. Comme Poutine l’est en Serbie. Pas de gêne, pas de plaisir : Erdoğan s’est permis de déclarer lors de ladite conférence de presse : « Il faut réviser les Accords de Dayton : en effet, il est devenu évident qu’ils n’ont pas été en mesure, tels qu’ils sont, d’apporter de solution à l’avenir de la Bosnie-Herzégovine ». Ah bon… La Présidente croate a approuvé les propos du dirigeant turc. Une double attitude révélatrice, et riche en développements ultérieurs…

Jeudi, Poutine est arrivé, lui, dans la capitale serbe. Il a visité avec le Président serbe, Aleksandar Vučić, ancien ministre de Slobodan Milošević, « social-démocrate » au sens qu’a pris cette expression dans certains pays ex-communistes, la basilique orthodoxe Saint Sava. Visite et bâtiment somptueux, pompeux : la construction de la cathédrale a débuté en 1934 et s’est interrompue jusqu’en 2001… Reste encore à achever la pose des 4000 m2 de mosaïques. La Russie finance largement ces travaux.

Pourquoi cette visite de Poutine ? Elle vient à point nommé pour les deux hommes. Des « peuples frères » ? Peut-être ; mais ce qui intéresse Poutine, c’est surtout l’intérêt que présente la situation géostratégique de la Serbie. Vučić s’est dit « infiniment reconnaissant » au Tsar Vladimir : c’est qu’en effet, son pays est soumis à de graves mouvements sociaux depuis 6 semaines, et que l’ostentation du soutien du dirigeant russe vient à point nommé. A Belgrade, au moins, Poutine est le bienvenu, lui qui pâtit des sanctions européennes, et il peut y montrer sa puissance dans les Balkans – qui est malheureusement réelle. 65 % du gaz serbe et 70 % du pétrole sont importés de Russie ; les compagnies Gazprom et Lukoil disposent des 2/3 de réserves de pétrole et de gaz du pays. Et les investissements russes s’élèvent à presque 2 milliards de dollars (6 % du PIB serbe)…

En arrière-plan de l’entente affichée entre Vučić et Poutine : la question du Kosovo. Les négociations sur l’indépendance de ce micro-Etat appartenant naguère à la Serbie et peuplé essentiellement d’Albanais entrent dans leur phase terminale : sans doute le Président serbe veut-il s’y placer en position de force. Poutine, lui, continuera, ces prochains mois à refuser l’indépendance du Kosovo, avec cette équivalence suggérée entre ce problème et celui de la Crimée qui pour lui, appartient à la Russie… Pourtant, Poutine trouverait aussi son avantage à l’indépendance de Priština, surtout celle qu’on pourrait atteindre grâce au changement de frontières proposé actuellement, parce que cela pourrait en même temps justifier la sortie du territoire « serbe », la Republika Srpska, de Bosnie-Herzégovine. Et ainsi, asseoir plus solidement encore l’influence de la Russie dans la région.

La Serbie est atteinte de strabisme divergent : 60 % de ses exportations vont à l’Europe occidentale, et elle participe à des opérations militaires para-OTAN – mais n’y adhère pas pour autant. Et de l’autre côté, il y a la Russie…

Erdoğan en pleine idylle croate, dans un Etat membre de l’UE donc, Poutine qui fraternise avec Vučić sous la bénédiction proclamée de Saint Sava, tout en montrant son attachement à une entrée dans l’Union… Dans les Balkans, les investissements turcs et russes sont omniprésents ; à quoi il faudrait ajouter la présence chinoise, de plus en plus visible .

Mais que fait l’Union Européenne , qui y ressemble trop souvent à la Belle au Bois dormant ? C’est la question que se posent beaucoup d’habitants de ces pays d’Europe centrale et surtout, orientale.

 

 

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