L’Europe du Nombril et l’Empire du Milieu

Connais toi toi-même ! Et agis !

L'Omphalos : le nombril du monde grec (Musée d'Antalya) Foto: Wolfgang Sauber / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 3.0Unp

(MC) – La Grèce antique avait un Omphalos, c’est-à-dire un Nombril : le centre du monde. Il se situait à Delphes ; on peut encore en voir quelques figurations en pierre dans le musée de cette ville et ailleurs. Les Delphois étaient fiers et bombaient le torse : nous sommes le centre du monde, pensaient-ils en se rengorgeant. La Pythie elle-même n’en pouvait plus ; mais c’était là son état habituel, d’autant plus que selon certains auteurs, elle ingurgitait une infâme mixture de jus de laurier, une sorte de schnaps à base de savon d’Alep, en somme. Ensuite, elle tripait un max’.

Les Chinois, eux, occupent l’Empire du Milieu. Le premier caractère scriptural des deux qui signifient (et représentent) Chine, c’est zhong : comme une flèche qui fait djongg ! en touchant le centre de la cible. Un Empire immense, qui naguère, tournait autour de l’Empereur et de la Cité Interdite.

Le nombril (en polonais : pępek, c’est si mignon), les Européens, ils connaissent. Ils le connaissent parce qu’ils passent leur temps à le scruter, comme s’il pouvait en sortir la Vérité incarnée et armée de pied en cap. Eh bien, non, les peuples européens, eux, par delà les institutions européennes et leurs caciques actuels, ne le croient pas.

Où est passée l’Europe ? Elle est passée entièrement dans le tricotage de l’Union et de ses institutions controversées. Dans des pinaillages et des querelles incessantes. C’est la démocratie, dira-t-on. Certes ; mais les Etats européens ne sont-ils pas en train, et depuis bien longtemps maintenant, de perdre de vue l’essentiel, c’est-à-dire cet ensemble de champs de forces et d’influences qu’on appelle le monde ? C ‘est bien évidemment ce que doivent penser les dirigeants politiques et économiques chinois. Où est passée l’interlocutrice Europe, qui clame sur tous les toits son catéchisme d’ouverture et de libéralisme ? Les Chinois semblent avoir besoin d’un interlocuteur réel, concret. Mais hélas, ils ne le trouvent pas.

Et pendant ce temps, la Chine œuvre, et ne cesse d’étendre et d’approfondir son champ d’influence en Europe (ne parlons pas ici de l’Afrique !). Les investissements chinois en Europe centrale et orientale sont plus que consistants ; aujourd’hui, le Pirée est chinois, et l’Empire « communiste » regroupe autour de lui les pays qui participent au « 16+1 », à savoir une grande partie de Balkans, le Groupe de Visegrád et les pays baltes. Et la nouvelle Route de la Soie, qu’on appelle maintenant moins poétiquement One Belt and One Road (La Ceinture et la Route) existe d’ores et déjà.

La Ceinture et la Route, c’est un dispositif gigantesque, qui a commencé en 2013, de liaisons maritimes et ferroviaires entre la Chine et l’Europe pour assurer son influence et la coopération avec le reste du monde, l’Europe surtout. La Chine y a intérêt : elle est en train de fabriquer une sorte de hinterland européen pour se dégager des Etats-Unis et de son éventuelle agressivité à son égard, qui se manifesterait le cas échéant dans le Pacifique et l’Océan Indien. L’Europe, en somme : une base de repli, un havre de paix pour les Chinois qui pourront y siroter tranquillement leur bordeaux supérieur (une grande partie du vignoble bordelais appartient à des industriels chinois).

La nouvelle Route de la Soie, c’est une sorte d’autoroute qui existe déjà in concreto et qui ailleurs, est en train de se construire. Pour sa partie européenne, elle traverse la Russie après avoir franchi les steppes du Kazakhstan, le Belarus, la Pologne, l’Allemagne, la France et le Royaume Uni. A propos de ce dernier, on ne songe d’ailleurs pas assez que le Brexit pourrait devenir une aubaine pour les Chinois, essentiellement pour la raison sus-nommée : il sera infiniment plus facile de négocier (et de marchander) avec les Britanniques de l’After Brexit qu’avec les institutions européennes…

Les omphalologistes diplômés enseignent donc qu’il existe deux espèces de nombriloscopies. L’une consiste à scruter son pępek toute la journée en l’insultant ; cette fixation relève en réalité de la psychiatrie, surtout dans sa variante populiste (dont sont atteintes la Pologne, la Hongrie, l’Italie, l’Autriche…). Cette pathologie progresse de manière très préoccupante.

L’autre, celle de la Chine, consiste à considérer que l’essentiel, c’est la promotion de son Nombril : son expansion, son élargissement au monde tout entier. Autre maladie, moins grave, dans laquelle certains voient même un signe de santé, et dont souffre surtout l’entourage du malade.

Que faire ? Comment soigner cette maladie ?

Pour l’instant, un seul remède, au moins apparent : apprenez le chinois mandarin ! Une langue merveilleuse ; une langue de peintre (elle se peint) et de musicien (elle se chante).

Et une langue très utile pour notre siècle qui avance comme un vent violent.

 

 

 

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