L’Europe est malade. Que faire Dr. Daul ?

A Strasbourg, le Collège doctoral a mis en scène, audacieusement par Stéphane Ley, maître céans, un débat atypique quasiment surréaliste . Inhabituel en tout cas.

Joseph Daul lors de cette rencontre "monde universitaire vs. monde politique" très intéressante. Foto: Antoine Spohr

(Par Antoine Spohr) – D’un côté, le gratin universitaire (UNISTRA) des disciplines concernées par le sujet, i.e. le patron des relations internationales (le vice-président Francis Kern), celui de Sciences–Po ou IEPS (Gabriel Eckert), celui d’ Economie et Gestion (Thierry Burger-Helmchen), du jeune témoin des «mastérisants» (Clément Montagne… pour les étudiants) et l’incontournable économiste libre, Michel Devoluy, ex-patron des Hautes Etudes Economiques Européens. Joli brain drain, merci M.Ley !

De l’autre, Joseph Daul, un haut responsable politique, autodidacte auto-déclaré, souvent pertinent, roué, perclus de certitudes acquises sur le terrain et sans cesse confirmées. Il a été longtemps patron en tant qu’eurodéputé du groupe PPE (Parti Populaire Européen au Parlement Européen) et il reste à la tête du même parti, hors champs cette fois.

Quel avenir pour l’Europe ? C’est le sujet. – Vaste question, plus préoccupante que jamais en ces temps de désarroi. «Défis européens et solutions» à l’affiche. Les experts, les professeurs, selon la méthode ordonnée dans les débats universitaires, s’étaient répartis, pour la circonstance, des sujets plus précis.

Pour notre journal nous ne retiendrons que les points-clés de leurs interventions fixées à cinq minutes. Il nous est donc impossible de les développer sereinement ici mais nous sommes prêts à accueillir toutes précisions, surtout de la part de leurs étudiants intéressés par une expérience journalistique. C’est aussi un peu ce qu’eurojournalist.eu se propose de promouvoir.

Ainsi nous retiendrons sommairement, chaque approche méritant un développement bien plus soigné, que Francis Kern a condamné la politique d’austérité «dérisoire» de l’Europe et la menace qui pèse sur le sacrosaint droit d’asile ; que le patron de sciences-po a tenu à distinguer «crise non seulement de l’Europe mais surtout celle des Etats membres» exonérant en corollaire la Commission de Bruxelles, exécutif investi par le sommet des chefs d’Etat et de Gouvernement, en fustigeant «l’hypocrisie de l’Europe». En raccourci, il souhaite une Europe qui penserait «en commun pour l’intérêt général» qui n’est pas la somme des intérêts particuliers, formule trop facile ; il refuse l’Europe à la carte illustrée ici dans un précédent article, de tous ces cercles concentriques mortifères dont le Royaume-Uni vient de nous apporter l’illustration.

On retiendra aussi que la France souffre d’une désindustrialisation qui la renvoie au 10° rang des pays industrialisés en perdant cinq places comme le montre l’exposé du doyen de la faculté des sciences économiques et de gestion. Là encore un sujet délicat pour notre pays comme d’autres. Nous attendons que M. le Doyen, invite ses étudiants qui ne peuvent s’exprimer que dans des copies d’examen à venir vers nous, s’ils acceptent une «journalistisation» de leur propos, question de mise en forme avec une totale liberté de fond.

A son tour, Michel Devoluy exprime son soutien sans réticences à une Europe Fédérale, antidote aux nationalismes qui se développent un peu partout. Il dénonce d’ailleurs «le retour insidieux des pratiques délétères qui ont précédé les guerres». Subrepticement, inconsciemment, nous serions captifs de nos peurs en voyant dans nos voisins européens non des partenaires mais des rivaux. Attention !

Les réponses, un peu en vrac, du président Daul. – Le président du PPE n’est pas très optimiste. Il parcourt l’Europe en long et en large, rencontre les chefs nationaux de son parti et parfois les chefs d’Etat comme le britannique Cameron et très souvent Mme Merkel. Il semble donc bien informé et dit sa crainte de voir éclater une nouvelle crise «dans une petite année, au moins une petite crise». Sic.

Le coupable montré clairement du doigt serait Poutine qui veut reconstituer l’empire russe à tout prix. C’est pourquoi il arroserait grassement les partis comme le Front National. Joseph Daul ne lui trouve qu’une toute petite excuse : «le chef d’Etat russe a été humilié, ce qui n’était pas bien et on n’a rien fait». Dont acte !

Rappelons cependant qu’au Conseil de l’Europe des 48 dont la Russie, on connaît mieux le sujet qu’au Parlement Européen des 28 états membres. Un peu plus complexe.

En ce qui concerne la crise des Réfugiés, il est indispensable de distinguer les réfugiés fuyant la guerre et les migrants souvent Maghrébins qui se glissent dans leurs rangs. Oui, il faut accueillir les réfugiés mais tout en refoulant les migrants hors la loi. Suit un coup de chapeau à la chancelière allemande, décidément fort respectée par tous. Respect aussi pour Les Grecs qu’il faut aider absolument. Bravo…

Un petit scoop : le patron du PPE a reçu l’évêque d’Alep qui conseille de soutenir le dictateur syrien, si on ne veut pas voir arriver un million de nouveaux réfugiés chrétiens menacés d’extermination en cas de victoire de la rébellion. Ben, c’est dur à entendre pour de vieilles oreilles, plus sereines, mais…

Pour le Brexit, on ne s’alarme pas trop : si les Britanniques veulent sortir, l’affaire est simple. Qu’ils sortent.

Si au contraire ils veulent rester, il faudra que le Parlement entérine les avantages obtenus. Ce qui n’est pas acquis si les eurodéputés votent librement.

Enfin M. Daul plaide ardemment pour la création, concrètement, d’une Défense Européenne Commune indispensable pour assurer la sécurité de l’Europe. Concret ? Combien de divisions ? Certains croient savoir qu’il s’agit là d’un leitmotiv récurrent et que… à terme, si le Parlement Européen devait quitter Strasbourg, cette nouvelle institution pourrait emménager dans les locaux libérés. Mais chut ! Ce ne sont là que des rumeurs.

Cette conférence-débat au Collège doctoral a été très intéressante précisément parce qu’elle a mis, face à un aréopage de brillants universitaires, un homme politique atypique expérimenté, pragmatique, au franc parler rare.

Les profs auront pu observer «in vivo» un homme politique intelligent bien qu’un peu brut de décoffrage et lui n’aura rien appris qu’il ne sache déjà, du moins le croit-il.

3 Kommentare zu L’Europe est malade. Que faire Dr. Daul ?

  1. Pardon d’en remettre une couche: profs et étudiants nous vous écoutons et publierons.

  2. Alexis LEHMANN // 16. März 2016 um 17:51 // Antworten

    L’idée de voir l’ lImmeuble du Parlement Europeen de STRASBOURG devenir la grande ” Garnison ” de l Europe me fait frémir! La ville symbole de la paix et de la tolérance n’a pas à pietiner ses Valeurs et à se prostituer, même pas pour des retombées financière …!
    Qui peut s’imaginer voir ce majestueux symbole de la fraternité et de la démocratie investi par des centaines de képis, de gallons, et de militaires.. ?
    Et au fait ce serait pour préparer quelle guerre? La quatrième mondiale?, et voir ainsi Strasbourg en devenir le centre névralgique ..cible majeure? Notre pauvre Ville a déjà donné !

  3. Analyse très ponctuelle mais il ne s’agit que d’une rumeur assez récurrente cependant. Ceux qui veulent défendre le siège du PE ont raison de s’alarmer. Mieux vaut prévenir que guérir.

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