L’Europe est soudée et unie – mais seulement dans la lutte contre la gauche

La perspective d’une politique nouvelle «gauche» en Grèce et en Europe fait tellement peur à l’UE que cette dernière sort les grands moyens. Nous en payeront tous les prix.

L'Europe des marchés financiers s'imposera face à l'idée d'une Europe sociale défendue par Alexis Tsripas. Foto: Robert Crc / Wikimedia Commons / Licence Art Libre

(KL) – L’Europe entière s’est mise à traiter Alexis Tsripas comme un mélange entre un handicapé mental et un enfant à qui ont doit expliquer le monde. Les idées «gauches» radicales de la Syriza font tellement peur aux libéraux européens que tout est fait pour déstabiliser ce gouvernement qui fait désordre dans la bonne marche des affaires des castes les plus corrompues en Europe. Le fait que la Grèce veuille emprunter des chemins nouveaux irrite tellement l’establishment européen que ce dernier sort les gros moyens.

Sur le ton d’un père qui corrige son fils bien aimé, le président de la Commission Européenne Jean-Claude Juncker, donc la personne qui porte une grande part de responsabilité personnelle dans la crise que traverse l’Europe, conseille à Tsripas «de dire aux Grecs qu‘il ne pourra pas tenir ses promesses électorales». Est-ce que celui qui a dirigé le gouvernement ayant instauré l’évasion fiscale institutionnalisée pour les multinationales installées au Luxembourg, aurait le culot de conseiller publiquement à François Hollande «de dire aux Français qu‘il ne pourra pas tenir ses promesses électorales» ? Mais lorsqu’il s’agit de la Grèce, tout semble actuellement permis.

Certes, Tsripas et Varoufakis ne sont pas parfaits. Mais contrairement aux responsables corrompus dans les institutions européennes et nationales, Tsripas et Varoufakis ont au moins le mérite de vouloir changer les conditions de vie des plus démunis pour leur rendre la dignité humaine, cette valeur sur laquelle marchent les banques et établissements financiers de concert avec une politique européenne en défaillance totale sur le plan social et humain. Mais c’est justement ce qui doit déranger dans les salons feutrés de Bruxelles – une nouvelle génération de politiques de la gauche qui veut réellement changer les choses. Donc, on emploie un mélange malsain de propagande, d’intox et d’ingérence, pour ensuite se moquer du gouvernement grecque en le traitant de «parano».

Prochainement, ils auront réussi. L’UE mettra Alexis Tsripas à genou et célèbrera son «retour à la raison». Si Tsripas ne veut pas risquer la survie de son peuple, il devra abandonner sa lutte et accepter les conditions que l’UE lui imposera. L’UE fêtera cette évolution comme une victoire, tout en ignorant qu’il s’agira d’une défaite pour les citoyens et citoyennes européens. Il s’agira, au fond, d’une défaite de la démocratie face au grand capital et cela est tout, mais pas une raison pour se réjouir.

Désormais, pourquoi est-ce que les gens iraient voter, puisque la politique nationale sera déterminée par Bruxelles (et Berlin), par des «criminels en costume-cravate» qui se comportent comme les bourreaux des plus démunis en Europe ? Pourquoi ne pas désigner Jean-Claude Juncker comme le gouverneur, le vice-roi ou l’intendant de la Grèce, puisque c’est lui qui déterminera la politique du pays ? Après tout, si c’est lui qui détermine quelle promesse électorale pourra être tenue et laquelle non, pourquoi ne pas économiser un gouvernement onéreux en passant le pouvoir directement entre les mains de «Monsieur l‘agent des multinationales américaines» ?

De même, on pourra économiser beaucoup d’argent dans d’autres pays européens en difficulté. Partout, on pourra fermer les gouvernements, vendre aux enchères les bâtiments qui servent comme ministère ou parlement et passer le pouvoir à la Commission. Voilà l’étape finale de l’austérité.

La Grèce aurait été le terrain de test idéal pour y expérimenter de nouvelles politiques sociales avec le concours européen – mais l’UE se fiche pas mal de la politique sociale. Au lieu de nous frotter les mains parce que nos élus nous défendent contre la «menace Alexis», on aurait toutes les raisons pour pleurer. La Grèce sera la preuve que la démocratie n’a aucune chance contre les marchés financiers. Cette défaite de la démocratie n’est vraiment pas une raison pour se réjouir.

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