L’Europe, l’Iran et Oncle Trump

L’UE doit enfin se frayer son chemin

La tombe du grand Roi de Perse Cyrus II qui, au 6ème siècle avant J-C, a libéré les Hébreux de leur captivité babylonienne. J'dis ça, j'dis rien. Foto: Darafsh Kaviyani/Wikimédia Commons/CC-BY-SA 3.0Unp

(Marc Chaudeur) – L’Union Européenne semble vouloir enfin agir sur le plan politique, et non plus seulement économique : elle aspire à jouer un jeu propre et honnête avec l’Iran, et compte tenu du respect des traités sur l’énergie nucléaire que les Etats-Unis cherchent à lui faire outrepasser, l’UE veut aider l’Iran à dépasser les sanctions américaines. C’est la première fois qu’elle agit, dans le sens proclamé depuis quelques années maintenant : elle essaie de tracer son chemin propre et de s’insérer effectivement dans le jeu politique. Une situation inédite, et qui en apparence, va dans le bon sens : celui d’une maturité politique enfin atteinte, voire d’un affranchissement de la tutelle états-unienne. Mais les difficultés et les paradoxes sont non moins évidents que cette volonté politique.

Bon nombre de commentateurs superficiels (dans Le Monde, par exemple, se félicitent de la création, en janvier 2019, de l’INSTEX (Instrument in support of Trade Exchanges), cet organisme européen sis rue Bercy à Paris et qu’on destine à animer directement commerce et transactions entre Européens et Iraniens. Mais où est l’activité de l’INSTEX ? Quels sont les acquis de cette instance créée il y a 6 mois, déjà ?

Il faut d’abord rappeler que cette création de la Commission Européenne ne concerne que les échanges de médicaments et d’aliments : c’est très limité ! Et cela ne permet pas des transactions et des opérations commerciales équilibrées avec l’Iran, qui a bien peu à vendre dans ces domaines. De tout manière, même pour ce genre de produits seulement, les banques européennes liées aux entreprises concernées ne marchent pas : elles craignent trop, les pleutres, d’ avoir affaire à la justice américaine… A ceux qui, à Bruxelles, ont parlé d’accorder un agrément bancaire à l’INSTEX, Trump et Mike Pompeo, son secrétaire d’État, ont rétorqué qu’ils mettraient alors l’interlocuteur iranien de l’Instrument, le STFI, sur la liste des organismes sous sanctions.

En juin dernier, d’ailleurs, l’administration Trump a renouvelé ses menaces à l’adresse de Federica Mogherini : les Etats fondateurs risquent ainsi des représailles… Un des argument principaux de Brian Hook, le chargé d’Iran américain : l’Iran ne sera jamais à même d’atteindre suffisamment de transparence pour effectuer les transactions avec l’Union Européenne. Autrement dit : on ne commerce point avec un Etat qui finance le Hezbollah et les mouvements rebelles au Yemen – on sait à quel point Washington préfère les massacreurs et anéantisseurs saoudiens à Teheran…

En réalité, le commerce français avec l’Iran n’existe plus, et le commerce européen, plus guère…Toutes les entreprises qui commercent en dollars sont touchées par les sanctions.Voilà qui menace de façon extraordinaire la souveraineté de la France, et qui pose très nettement, très concrètement le problème de la souveraineté européenne !

Mais que peut faire l’Union Européenne ? Comment contrer efficacement l’extraterritorialité américaine ?

A l’observateur même superficiel, il semble que le droit européen fut fort dépourvu quand la bise fut venue. Qu’en est-il aujourd’hui de la transmission des informations sensibles au pouvoir judiciaire américain ? Sans doute une législation européenne innovante et rendue plus adéquate permettrait-elle de dresser des barrages face aux demandes d’information des autorités américaines : les enfants ne sont pas censés tout savoir, disait ma grand-mère.

Une autre mesure qui à première vue, semble aller de soi, reviendrait à remplacer, comme monnaie de transaction et de facturation, le dollar par l’euro… Une mesure qui aurait des conséquences immenses, et largement positives, et qui en tout cas permettrait de contourner réellement sanctions et représailles trumpiennes.

En France, il est indispensable de remplacer enfin un ressentiment gaullien diffus par une construction dure, et solide, de l’Europe politique. Il est réellement plus que temps ! Mais pour cela, il est nécessaire de dépasser les divisions internes… L’enjeu est évidemment bien plus vaste que celui de la résolution du problème iranien : il s »agit se poser enfin l’Europe comme interlocuteur politique face aux Etats-Unis et face à la Chine, de l’établir comme une puissance dans le monde.

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