L’Europe met le cap sur Uschiland

Avec 383 votes (327 contre), le Parlement Européen a élu Ursula Von der Leyen à la tête de la Commission Européenne. Le matin, la candidate avait livré un discours dessinant une Europe de rêve.

Une Europe plus européenne ou plus allemande ?... Foto: © European Union 2019 / Source EP

(KL) – C’était juste, mais suffisant. Ursula Von der Leyen est la nouvelle Présidente de la Commission Européenne et avec son vote, le Parlement Européen a lui-même remis son poids sur l’échiquier politique européen en question. En confirmant le choix du Conseil Européen, donc des chefs des gouvernements nationaux, le Parlement Européen a raté une chance rare d’affirmer son poids politique. En votant en faveur d’une candidate n’ayant figuré sur aucun bulletin de vote lors de l’élection européenne le 26 mai dernier, le Parlement se soumet ainsi aux ordres bruxellois. Mais qui sait, à en croire la nouvelle Présidente, nous allons entrer dans une ère de prospérité partagée, de protection de l’environnement, de plus de démocratie. Son discours devant les parlementaires strasbourgeois promettait une Europe plus européenne. En même temps, personne ne s’attendait non plus à un discours anti-européen par la candidate au poste opérationnel le plus important en Europe. Et une seule petite phrase de son discours indiquait que la politique d’austérité du règne Juncker-Schäuble-Merkel allait se poursuivre.

Le Parlement Européen n’avait donc pas le courage de désavouer les chefs des gouvernements nationaux qui, derrière les portes fermées bruxelloises, avaient décidé de ne pas tenir compte des résultats de l’élection européenne, mais plutôt de nommer une candidate qui n’avait postulé pour rien : Ursula Von der Leyen, la ministre de la Défense allemande. Maintenant qu’elle a été élue par le Parlement Européen, on ne va plus insister sur le bilan médiocre de son ministère, mais on va regarder les propositions qu’Ursula Von der Leyen a faites devant les parlementaires européens.

D’abord, elle souhaite transformer l’Europe en un continent neutre par rapport aux émissions polluantes. Réduire les émissions de 50%. Ou 55%. A l’horizon 2050. Aucun doute qu’elle se mettra au travail. Aucun doute non plus que les institutions européennes suivront. Mais « horizon 2050 », cela implique logiquement que la réalisation de ces objectifs incombera à d’autres. Plus tard.

Les minimas sociaux que propose Ursula Von der Leyen sont une agréable surprise. « Toute personne qui travaille à temps plein doit gagner assez pour vivre décemment », a-t-elle dit. Des minimas sociaux européens. Combiné à l’économie sociale du marché. Ursula Von der Leyen défend les deux. Comment financer cela ? « Il ne faut pas oublier que nous devons d’abord gagner chaque euro que nous souhaitons dépenser après ». La bonne vieille austérité allemande qui a fait des ravages dans différents pays européens.

Ursula Von der Leyen veut renforcer le principe des « Spitzenkandidaten » pour la prochaine élection européenne. Elle, l’incarnation de la négation de ce principe, souhaite donc mettre en œuvre ce que Jean-Claude Juncker avait déjà promis en 2014. A voir. En revanche, et ceci constituerait une petite révolution, elle souhaite conférer au Parlement, une sorte de droit à l’initiative législative. Actuellement, seule la Commission Européenne peut initier le processus législatif. A l’avenir, si Ursula Von der Leyen met en œuvre ce qu’elle promet, le Parlement pourra saisir la Commission pour que celle-ci déclenche une nouvelle loi. Est-ce cette promesse de renforcer le statut du Parlement qui lui a donné les 9 voix au-dessus de la majorité lors du vote au Parlement ? On ne le saura jamais, le vote était secret.

La nouvelle Présidente de la Commission Européenne, le nouveau numéro 1 de l’Europe, est sans doute une Européenne convaincue. Elle est aussi Allemande et poursuivra donc la politique d’austérité allemande. Née à Bruxelles, elle commence son mandat avec un vote qui exprime tout sauf de la confiance, et devra gérer, pour commencer, le Brexit qui sera à l’affiche pour le début de ce mandat.

Le Parlement Européen, quant à lui, s’est sagement soumis aux ordres des gouvernements nationaux, donc, du Conseil Européen. Un vote contre la candidate Von der Leyen n’aurait pas déclenché une crise institutionnelle en Europe, mais aurait obligé les gouvernements nationaux à revoir leur copie concernant la prise en compte du vote des citoyens et citoyennes européen(ne)s. Au lieu de renforcer son poids politique, au lieu de défendre le vote des Européens et Européennes, au lieu de se faire le bouclier démocratique de cette Europe en pleine crise, le Parlement Européen a décidé d’agir plutôt comme les gouvernements nationaux l’avaient ordonné.

A un moment où l’Europe devrait s’orienter vers une « co-construction » d’un nouveau projet européen impliquant l’intégralité des Etats membres, le Parlement Européen a voté pour la « germanisation » des institutions européennes. Le nouveau projet européen viendra, sans aucun doute. Probablement à l’horizon 2050.

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste