L’Europe risque de se partager en deux à Bruxelles

Les états dits de «Visegrad», donc la Pologne, la République Tchèque, la Slovaquie et la Hongrie tenteront en fin de semaine d’imposer leur vue sur l’Europe aux 28. Il faut les arrêter.

Viktor Orban et Beata Szydlo, assistés par la Slovaquie et la République Tchèque, tenteront d'imposer leur vue sur l'Europe lors du sommet à Bruxelles. Foto: P. Tracz / Chencellerie of the Prime Minister of Poland / Wikimedia Commons / PD

(KL) – L’eurodéputé slovaque Richard Sulik était clair, lundi matin à la télévision allemande. «L’Europe n’est pas une communauté de solidarité», a-t-il souligné, «mais un espace économique commun» – et tout le problème est là. Les états de «Visegrad», la Pologne, la République Tchèque, la Slovaquie et la Hongrie considèrent l’Union Européenne comme une sorte de «supermarché aux subventions», mais n’adhèrent nullement à ce que nous appelons communément «les valeurs européennes». En faisant fi de leur propre histoire du siècle dernier, ces quatre états refusent toute solidarité humanitaire aux réfugiés qui arrivent des zones de guerre et de guerre civile. Avec cette définition de l’Europe comme «espace économique» pur et dur, ces quatre états tenteront d’imposer leur position cette semaine lors du sommet européen à Bruxelles qui lui, risque de conduire l’Union encore un peu plus vers son auto-abolition.

Le fait que le premier ministre Manuel Valls ait estimé nécessaire le week-end dernier d’abandonner la chancelière allemande Angela Merkel, ne fera que renforcer la position des «états de Visegrad» qui eux, souhaitent ériger une «digue de défense» contre les réfugiés à hauteur de la frontière entre la Macédoine et la Grèce. «La Grèce est incapable de sécuriser sa frontière extérieure», a martelé Richard Sulik, dont le cynisme ne connaît pas de limites. Son parti porte le nom «Liberté et solidarité», mais, comme l’a précisé Sulik, cette devise ne s’appliquerait qu’aux ressortissants slovaques «et non pas au monde entier». Au moins, on ne peut pas reprocher à Sulik et son parti d’être islamophobes – «Sloboda et Solidarita» n’a rien de particulier contre les musulmans, le parti est tout simplement contre TOUS les réfugiés, n’importe leur croyance ou nationalité. La justification de Richard Sulik est tellement simple – si l’Europe n’est pas une «communauté de solidarité», pourquoi être solidaire alors ?

Les chefs des gouvernements des pays de Visegrad doivent réellement penser qu’ils se trouvent au milieu d’une nouvelle guerre. Les pays de l’est de l’Europe contre les réfugiés. Et contre l’Allemagne, dont le «diktat» est particulièrement mal vécu par ces quatre pays qui estiment que l’Union Européenne devrait s’abstenir de tout commentaire sur la politique, tout en continuant à payer. Mais qui leur dit qu’ils soient réellement en sécurité ? Ceux qui ont entendu les déclarations russes du week-end passé, ont dû se rendre compte que la Russie se sent lésée depuis l’implosion du «Bloc de Varsovie» – ce qui explique aussi l’annexion de la Crimée, la guerre non-déclarée en Ukraine et le comportement plus qu’étrange que Moscou applique en Syrie. Qui dit à ces états de Visegrad qu’une fois l’UE explosée, qu’ils soient en sécurité par rapport à la Russie ? Comment est-ce qu’ils peuvent être aussi sûrs que d’ici quelques années, ils ne devront pas fuir leur pays, par exemple après une nouvelle invasion russe ? Et est-ce que des gens comme Richard Sulik auront vraiment envie de se retrouver alors devant des barbelés, des douaniers armés jusqu’aux dents et une politique qui voudra qu’on n’accepte pas les réfugiés venant des pays de l’Est ? Est-ce que par le passé, l’occident s’est comporté comme les états de Visegrad en conseillant aux réfugiés de s’armer et de combattre dans leur pays ?

Il faut à tout prix éviter à ce que ces états n’imposent leur vue sur l’Europe aux autres états-membres. Si pour Richard Sulik, l’Europe n’est pas une «communauté de solidarité», l’UE est censée être exactement ça. Les institutions européennes ont été créées pour préserver la paix en Europe, pour une entre-aide et un développement commun, et non seulement pour financer la mise à niveau des états de l’est de l’Europe par les fonds structurels européens.

Les pays de Visegrad peuvent au moins se réjouir d’avoir trouvé un allié inattendu en la personne de Manuel Valls. Ils seront également soutenus par la Grande Bretagne qui elle, est en train de faire du chantage à l’Union et qui est sur le point de quitter le club. Mais que restera-il alors du projet européen ? Si ce ne sont pas des valeurs communes, si ce n’est pas une vision d’une communauté d’états solidaires, si ce ne sont pas les Droits de l’Homme déjà malmenés dans ces états de Visegrad (la Hongrie, à titre d’exemple, étant dirigée par un Viktor Orban qui s’auto-qualifie fièrement comme «anti-démocrate»…) – elle ressemblera à quoi alors, cette Europe ?

Jeudi et vendredi à Bruxelles, il s’agira de plus que la question des réfugiés et le chantage britannique – il s’agit de la question si l’Union Européenne puisse retrouver un chemin commun, une perspective partagée et donc, un avenir européen. Et en vue de l’actualité, il devient difficile de croire à un tel avenir européen commun. Nous dirigeons-nous vers un «Euroxit» ?

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste