L’Europe, serait-elle une affaire strasbourgeoise ?

Sur les rives du Rhin, la société civile se sent concernée par la question de l'Europe de et à Strasbourg. Mais est-ce que cela suffira pour sauver l'Europe ?

Vincent Gouvion, Président du "Cercle d'amis de Daniel Riot", lance des fleurs en hommage à ce grand journaliste européen. Foto: Antoine Spohr

(Par Antoine Spohr) – Si le grand public semble indifférent comme chez tous les autres partenaires, les associations fleurissent et s’activent surtout au mois de mai, mois de l’Europe, à Strasbourg et en Alsace, du moins là où parfois la médiocrité seule ne guide pas le peuple. Que fait-on Outre-Rhin et ailleurs ?

Si les politiques ne s’y emploient pas avec assez d’ardeur selon les super-europhiles alsaciens, surtout strasbourgeois, les associations s’y attaquent fermement ou tentent au moins d’aiguillonner les élus pour les réveiller d’une torpeur confortable, bercés par leur foi inébranlable dans les traités, qu’ils veulent croire intangibles. Sauf que…

Sans Europe, plus de Strasbourg l’Européenne. – Trop nombreuses et diverses, ces associations manquent parfois de cohésion, ne serait-ce que dans les choix de calendriers des rencontres ou des manifestations… Ainsi, il y a quelques années, s’était organisé de manière informelle, un collectif pour régler ces problèmes de dates en évitant les doublons ou les chevauchements.

En l’absence de coordinateur désigné, s’est formé alors spontanément un groupe «dirigeant» avec une tête auto-désignée, ni contestée ni véritablement investie, mais qui prit langue avec les institutions territoriales (Ville et Région) qui le considérèrent aveuglément, d’emblée, comme le représentant légitime du «collectif». Pourquoi pas. Le dialogue fonctionnait tant bien que mal. Ces temps derniers plutôt mal, dit-on. On saura bientôt où elle en est.

L’animateur, Henri Mathian, puisqu’il faut bien le nommer, dévoué corps et âme à la cause, s’essoufflait au fil ou en raison d’une baisse régulière de la fréquentation, malgré l’aide active et bienveillante de Christophe Kieffer, directeur de cabinet du président de Région. Pour autant «l’amiral» n’avait aucun pouvoir sur une flotte disparate ne naviguant de conserve que tout à côté, sur l’Ill et une petite portion du Rhin. L’impulsion était venue de Daniel Riot et de quelques responsables d’associations. Pour autant le grand journaliste serait-il favorable à ce qui se passe aujourd’hui, lui qui raillait le nombrilisme, l’escargotisme et autres néologismes qu’il osait sans vergogne.

En clair, pas de primauté hautaine que suggère le présidentialisme exacerbé fauteur de mépris et du travail suivi. La dispute malveillante parfois haineuse est d’une pratique plus facile que la fraternité, l’amitié et le respect. Et que l’efficacité d’une action immédiate et permanente. Pas vrai, Daniel ?

In memoriam : Daniel aurait eu 69 ans la semaine dernière, s’il ne nous avait quitté il y six ans, emporté par l’irrémédiable maladie. Journaliste-écrivain engagé activement dans la cause européenne, l’un des meilleurs du pays, il restait absolument libre.

La jolie salle vitrée qui lui est consacrée au «Lieu d’Europe» pourrait, à mon humble avis, l’honorer d’un portrait ou d’une grande photo, car c’est une grande figure dont non seulement les écrits mais aussi le sourire doivent rester dans les mémoires.

Elle a servi vendredi dernier de fonts baptismaux à une nouvelle association pour remplacer un collectif que certains disent ou veulent agonisant.

Une Association pour regrouper les présidents ou responsables des associations. – Une nouvelle assemblée des élites ? Celles-ci sont-elles, à la vérité, plus proches des citoyens que les élus. En tout cas, voici le bébé ou le nourisson dûment formaté et robustement constitué avec des statuts régis par la loi de 1908 du droit local sous le titre «Ensemble pour l’Europe de Strasbourg».

Ce titre qui peut susciter un débat chez les puristes si on ne considère pas la formulation telle que Daniel Riot la voulait, i.e. l’Europe des droits de l’homme, de l’humain, de la culture, de la démocratie, celle des citoyens par opposition à l’Europe presqu’exclusivement préoccupée par l’économie. On aura compris alors qu’il s’agissait d’une «vaste vue».

Voici donc une Association des Associations de plus. Elle réunit, selon son président René Eckhart, toutes les conditions de la réussite : la participation de spécialistes du sujet comme Pierre Loeb, François Friederich ou encore Alexis Lehmann et l’avocat international allemand Dr. Giebenrath ; la bienveillance supposée, espérée, sans doute pécuniaire aussi des collectivités territoriales, Ville, Région et Eurométropole ; la pertinence de projets concrets en organisant des fêtes, des réunions studieuses, des cérémonies, le tout en soutenant ses féodaux en bon suzerain de vassaux quelque peu indigents. Pourvu que cela fonctionne et dure sans blesser quiconque.

Cependant qu’on permette une remarque et une invitation en préambule : il faut se préoccuper au premier chef de l’Europe en grande difficulté et sans laquelle il n’y aurait plus lieu de s’intéresser à celle de Strasbourg. Alors «Ensemble pour l’Europe» toute l’Europe, de celle de l’Eurométropole dans la nouvelle Région à celle des 28 (UE) et celle des 47 (le Conseil). Pour cela, il faudrait commencer par favoriser une esquisse ou une «première» qui consisterait à rapprocher, les faire se connaître et reconnaître, pour les unir progressivement sur des plans partagés, un à un s’il le faut, les régions du Rhin Supérieur (et de ses affluents), de la Suisse à la Belgique, dans l’esprit de l’«Europe de Strasbourg» telle que l’imaginait Daniel Riot. Alors, répétons-le, foin de présidentialite aiguë ici ou là, foin de la haine ou du mépris toujours plus faciles que l’amitié, la fraternité et le respect. Salut Daniel !

3 Kommentare zu L’Europe, serait-elle une affaire strasbourgeoise ?

  1. Merci, Antoine, d’éclairer le paysage historique et les perspectives de Strasbourg l’Européenne à la vive lumière de Daniel Riot ! Il suffit d’ailleurs de vouloir te répondre pour qu’apparaisse ta photo illustrant l’article. ELARGissons donc notre action comme notre VUE à cette Eur-Ope née à Strasbourg, et appelée à travailler chaque jour plus efficacement pour une paix sans cesse plus malmenée – puisque l’Europe n’est décidément pas qu’”une affaire strasbourgeoise” !

  2. Klaus Schumann // 20. April 2015 um 15:11 // Antworten

    Antoine a parfaitement raison:”il faut se préoccuper en premier chef de l’Europe en grande difficulté et sans laquelle il n’y aurait plus lieu de s’intéresser de celle de Strasbourg”. Si “plus d’Europe” nous semble être LA solution, notre contribution locale/régionale ne peut être que sémantique (“Eurométropole”), mais politique, à savoir faire enfin de notre voisinage transfrontalier le plus proche ainsi que de l’ensemble de la région du Rhin supérieur ce laboratoire, déjà si souvent imploré, d’une véritable union européenne.

  3. Merci à Klaus, l’expert hautement autorisé et Martine, la délicieuse poétesse de L’Europe d’aujourd’hui ( théâme) d’avoir bien voulu comprendre que je ne cherchais pas à susciter ou à animer une polémique entre deux camps locaux, souvent à préoccupation trop locale mais à revenir à l’essentiel, ici le primordial . Sautons comme des cabris à la fois pour L’Europe et pourStrasbourg ….

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