L’Europe vers la semaine de quatre jours ?

Bien-être au travail, augmentation de la productivité des salariés et de l’attractivité des entreprises... Tels peuvent être les bienfaits de la semaine de quatre jours, une idée qui s’installe doucement en Europe. Certains pays en sont déjà les précurseurs.

Le commissaire européen luxembourgeois Nicolas Schmit déplore l'absence d'une approche européenne à la question. Foto: European Parliament / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(Emma Kuhn) – « Comme certains secteurs ont des difficultés à attirer [des employés], peut-être doivent-ils aussi devenir plus attractifs », a déclaré Nicolas Schmit dans un entretien à l’agence de presse portugaise Lusa publié jeudi 25 mai. Pour le commissaire européen luxembourgeois à l’Emploi et aux Droits sociaux, la semaine de quatre jours serait une solution à la pénurie de main-d’œuvre en Europe. Il souligne néanmoins qu’il « n’y a pas de position commune » au sein de l’Union européenne sur cette question. « C’est [une mesure] qui fait l’objet de négociations entre les partenaires sociaux », a ajouté le Luxembourgeois.

Cette déclaration accordée à Lusa intervient à l’heure où le Portugal doit lancer un projet pilote sur l’idée de la semaine raccourcie. Ce projet la testera sur une base volontaire et sans perte de revenus. 46 entreprises se sont dites intéressées (la plupart évoluant dans les secteurs du conseil, des activités scientifiques et techniques, de l’éducation ou encore de l’information et de la communication). Mais le Portugal n’est pas le seul pays européen à expérimenter la semaine de quatre jours.

En Belgique par exemple, les salariés ont acquis le droit en 2022 d’effectuer une semaine de travail en quatre jours au lieu de cinq, sans perdre leur salaire (la mesure est entrée en vigueur au mois de novembre). Le pays est ainsi devenu le premier de l’Union européenne à autoriser cette semaine raccourcie. Ce sujet ne fait pourtant pas l’unanimité : les salariés lui étant favorables bénéficient d’un jour de repos supplémentaire, certes, mais doivent malgré tout effectuer une semaine complète de travail, c’est-à-dire en condensant leurs heures en quatre jours, habituellement étalées sur cinq. « L’objectif est de donner aux personnes et aux entreprises plus de liberté pour aménager leur temps de travail », avait fait savoir le Premier ministre belge, Alexander De Croo.

Toujours en 2022, un autre pays européen a lancé l’expérimentation de la semaine de quatre jours : l’Espagne. A l’initiative du gouvernement du socialiste Pedro Sanchez, 200 PME volontaires ont testé la réduction à 32 heures du temps de travail hebdomadaire (40 heures d’ordinaire), sur quatre jours, sans baisse de salaire. Le projet doit durer trois ans et déterminera si la productivité peut être améliorée, en comparant celle des 200 PME avec celle des entreprises ayant conservé la semaine traditionnelle de cinq jours.

Le véritable pionnier de la semaine de quatre jours ne fait cependant pas partie de l’Union européenne, bien qu’il n’en soit pas si éloigné. Il s’agit de l’Islande, qui a réalisé une étude entre 2015 et 2019 visant à instaurer ce modèle. Les 40 heures usuelles des salariés ont été troquées contre une semaine de 35 à 36 heures tout en maintenant une rémunération identique. 2 500 travailleurs ont participé à la phase de test. Le projet a été un succès : depuis, près de 90 % de la population active profite d’un aménagement du temps de travail. Les chercheurs ayant encadré l’étude pilote décrivent une diminution du stress et de l’épuisement professionnel des salariés islandais, grâce à un meilleur équilibre travail-vie privée. Selon le rapport Iceland’s journey to a shorter working week, la productivité et la prestation de services sont restées les mêmes ou se sont améliorées dans la majorité des lieux de travail à l’essai.

Du côté de la France, la réforme des retraites et, plus tôt, la pandémie qui a permis au télétravail de se développer, ont entraîné de nombreux questionnements sur les rapports qu’entretiennent les Français avec leur travail. Selon un sondage mené par l’institut YouGov pour Le Huffpost au 1er mai, 75% des Français sont favorables à la semaine de quatre jours. Dans l’Hexagone, quelques entreprises permettent déjà à leurs employés d’effectuer leurs 35 heures sur quatre jours. D’après Gabriel Attal, 10 000 salariés seulement sont concernés. Le ministre de l’Action et des Comptes publics a d’ailleurs annoncé le 1er février, dans le quotidien L’Opinion, une expérimentation pour les agents de l’Urssaf de Picardie. Ces derniers peuvent, depuis le mois de mars, tester la semaine de quatre jours en concentrant leur temps de travail hebdomadaire. « Je crois que beaucoup de Français aspirent aujourd’hui à travailler différemment », a admis Gabriel Attal. La métropole de Lyon testera elle aussi la semaine de quatre jours pour ses salariés à partir de septembre 2023.

De plus en plus de pays européens s’essaient ainsi à cette nouvelle organisation du travail, prônée notamment par les jeunes. Reste à voir son impact et sa durabilité, si le format adopté n’implique pas une réduction du temps de travail pour un salaire identique.

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