L’extrémisme allemand se manifeste aux urnes

Il fallait s'y attendre – l'extrême-droite AfD et l'extrême-gauche BSW sont les grands vainqueurs des élections régionales en Saxe et en Thuringe. L'Allemagne vit un séisme politique.

Björn Höcke, tête de liste AfD en Thuringe, s'auto-désigne fièrement comme « fasciste ». Et il a gagné l'élection en Thuringe. Foto: PantheraLeo1359531 / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(KL) – Les résultats des deux élections régionales en Saxe et en Thuringe (au Brandebourg, on ne vote que le 22 septembre) correspondent assez largement aux sondages – les partis extrémistes raflent la mise et les partis au pouvoir au niveau fédéral, disparaissent peu à peu. En organisant cette élection en Saxe, Land qui jouxte la Pologne, le jour du 85e anniversaire de l’invasion nazie dans le pays voisin, on a fait preuve d’un mauvais goût prononcé et le fait qu’en Thuringe, le même jour, pour la première fois depuis 1945, un parti dont la tête de liste s’auto-désigne fièrement comme « fasciste » arrive en première place, n’a que rajouté au mépris de cette date historique.

Les résultats en Saxe : CDU 31,8% (-0,3%) ; AfD 30,8% (+3,3%) ; BSW 12,0% (+12,0%) ; SPD 7,5% (-0,2%) ; Verts 5,2% (-3,4%) ; Autres (dont le FDP et Die Linke) 12,7%. A l’heure de la rédaction de cet article, le comptage des voix est toujours en cours et l’AfD s’approche de la CDU et les Verts baissent de plus en plus en frôlant dangereusement la barre des 5%. Il n’est pas exclu que l’AfD finisse encore parti le plus fort en Saxe et il n’est pas non plus exclu que les Verts soient éjectés du parlement saxon. Vous trouverez demain les résultats définitifs dans nos colonnes.

Les résultats en Thuringe : AfD 32,8% (+9,4%) ; CDU 23,8% (+2,1%) ; BSW 15,5% (+15,5%), Die Linke 12,9% (-18,1%) ; SPD 6,1% (-2,1%) ; Verts 3,3% (-1,9%) ; FDP 1,2% (-3,8%) ; Autres 4,4%.

Ces résultats donnent de précieux indications, non seulement pour la Saxe et la Thuringe où la création de coalitions gouvernementales sera aussi difficile qu’en France, mais également pour la politique nationale.

Premier constat : il ne faut pas être Prix Nobel pour constater que les extrémistes aient le vent en poupe, autant l’extrême-droite AfD que l’extrême-gauche BSW, même si ce nouveau parti est difficile à positionner sur l’échiquier politique, puisque tantôt, le BSW défend des positions d’extrême-gauche, tantôt des positions d’extrême-droite.

Deuxième constat : les partis au pouvoir à Berlin, SPD, Verts et FDP, ont fait leur temps. Réduit à peau de chagrin, le FDP doit quitter le parlement de la Thuringe et loupe l’entrée dans la diète en Saxe. Le SPD, parti du chancelier Olaf Scholz, obtient 6,1% en Thuringe et 7,5% en Saxe – un désaveu total pour le SPD. Les Verts, eux, sont éjectés du parlement en Thuringe et doivent attendre la fin de la soirée électorale pour savoir s’ils gardent quelques sièges en Saxe. A une année des prochaines élections législatives en Allemagne, ces trois partis qui forment actuellement le gouvernement allemand, doivent se poser de sérieuses questions. Aucun de ces trois partis n’est arrivé ne serait-ce qu’à proximité des 10% et ces deux élections représentent une césure politique qui fera trembler tout le pays.

Troisième constat : ce que les Français appellent le « barrage républicain », les Allemands l’avaient désigné comme « mur coupe-feu », comprendre, des coalitions qui visent à empêcher les extrémistes de participer aux responsabilités gouvernementales. Mais ce « mur coupe-feu » s’est effondré hier, il sera quasiment impossible de former des gouvernements sans participation de l’AfD et/ou du BSW. Les négociations risquent de durer longtemps et aujourd’hui, personne ne peut dire comment se présenteront les gouvernements en Saxe et en Thuringe.

Quatrième constat : Le BSW (Bündnis Sahra Wagenknecht), fondé au mois de janvier par l’ancienne présidente de DIE LINKE, a cannibalisé le successeur de la SED, du PDS et du WSAG. Même si DIE LINKE siégera encore au parlement de la Saxe, elle se trouve sur une pente raide, tandis que le BSW s’est établi loin devant le SPD, les Verts et le FDP.

Cinquième constat : les habitants de la Saxe et de la Thuringe ont adoubé un extrémisme de droite qui n’a rien à voir avec l’extrémisme d’un Rassemblement-ex-Front National. L’AfD, sous observation des services secrets pour son « extrémisme avéré », a été plébiscité dans les deux Länder et cela ne restera pas sans conséquences au niveau national.

Sixième constat : les négociations concernant la formation des deux nouveaux gouvernements, relève d’une mission impossible. En Thuringe, il n’y a que des coalitions irréalistes qui seraient mathématiquement envisageable, à moins que la CDU commette le « pêché originel » en acceptant une coalition avec l’AfD. Pour éviter une participation gouvernementale de l’AfD, il faudrait que la CDU, le BSW et Die Linke se mettent ensemble, ce qui n’est pas du tout envisageable. On se demande de quoi sera fait le prochain gouvernement en Thuringe. En Saxe, la situation n’est pas très différente – la seule majorité claire serait celle d’une coalition CDU-AfD (donc, le « pêché originel ») autrement, il faudrait que la CDU se mette ensemble avec le BSW, Die Linke, le SPD et les Verts (s’ils dépassent les 5%…) et de toute façon, ces cinq partis n’arriveraient jamais à s’accorder sur un programme commun.

La situation politique en Allemagne risque d’évoluer comme celle en France. Le pays est proche d’une situation non gouvernable, les gouvernants actuels sont totalement désavoués et la confrontation politique risque de se décaler dans la rue. L’automne sera aussi chaud en Allemagne qu’en France. Et ça, c’est inquiétant.

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