L’Homme existe : il meurt et il renaît

Le Prix Véronique Dutriez à Simone Polak

Simone Polak avec Georges Yoram Federmann Foto : Kai Littmann/Eurojournalist.eu

(Marc Chaudeur) – Chaque année revient le moment du Prix Véronique Dutriez, au mois de juin, et c’est à chaque fois la même émotion : à cause de la pertinence du choix, et aussi de la justesse des déclarations de l’homme au chapeau point tu, Georges Yoram Federmann, fondateur du Prix.

Ce Prix repose sur un combat sans merci contre l’oubli : oubli de la fraternité humaine, et oubli des cratères noirs de l’histoire humaine au XX° siècle, la Shoah et tous les autres génocides. A l’occasion de la remise du Prix, l’an dernier, nous avons pu voir l’Homme en ce qu’il se reconnaît dans ses voyages. Cette année, la lauréate du Prix, Simone Polak, nous fait voir l’Homme en ce qu’il meurt et sans cesse renaît, et avec lui l’Esprit, grâce aux ruses de la Vie.

Simone Polak a aujourd’hui 90 ans. En 1940, sa famille, originaire de Saverne, se réfugie dans le Jura, près de Lons le Saunier. Mais lorsqu’elle a 11 ans, les nazis la rattrapent. Elle est emmenée avec ses parents. Elle se retrouve à Auschwitz pendant de longs mois, puis à Bergen Belsen, puis à Theresienstadt. Dès l’arrivée, sélection : certains à gauche, d’autres à droite. A droite, le frère de Simone, avec une foule d’autres personnes. Ils iront droit à la chambre à gaz. Simone, elle, travaillera dur, échappera à la dysenterie et à toutes sortes de maladies d’autant plus mortelles que l’hygiène, dans les camps, n’existe plus.

Dans de tels camps, la longévité est d’environ 2 à 3 mois. Simone aura la chance d’y survivre, grâce en partie à une quarantaine sanitaire qui a épargné ses forces et celles de quleques-unes de ses camarades. En 1945, très malade, elle revient à Saverne pour essayer de récupérer les affaires de sa famille, dans un appartement dont d’autres se sont accaparés. Elle y reconnaît sa poupée, parce qu’elle l’avait scalpée… L’occupante des lieux refuse d’abord de la lui rendre ; puis elle la lui flanque à la figure. Les blessures n’attendrissent pas les complices, même silencieux…

A Auschwitz, la dernière parole que sa mère adresse à Simone avant de disparaître, c’est : « Agis comme si j’étais toujours à tes côtés ». C’est devenu le titre de l’ouvrage couronné. Cet ouvrage, comme tous ceux de ce type, ainsi que le suggère le Grand Rabbin Gutman dans sa Préface, est une victoire sur le silence, sur l’indicible de la « Planète des cendres » (Haim Gouri). Une victoire que rend possible la sobriété des propos de Simone et la nature de son dialogue avec Muriel Klein-Zolty, petite fille de déportés, qui a mis en forme l’entretien avec la rescapée de la Mort.

C’était la 13e fois que Georges Yoram Federmann décernait le Prix Véronique Dutriez. En mémoire de sa compagne, disparue tragiquement, victime de son exercice conjugal de la fraternité humaine.

Le livre : Simone Polak avec la collaboration de Muriel Klein-Zolty, Agis comme si j’étais toujours à tes côtés, Editions Le Manuscrit, 2018.

 

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