L’implosion programmée des eurosceptiques de l’AfD

Avant que l’AfD puisse devenir un parti à prendre au sérieux, les ultranationalistes autour de Frauke Petry ont réussi leur putsch en chassant le fondateur du parti Bernd Lucke.

Frauke Petry voudrait devenir la Marine Le Pen allemande. Pour cela, elle a outsché contre le fondateur de l'AfD Bernd Lucke. Foto: blu-news.org / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.0

(KL) – Bernd Lucke, le fondateur de l’«Alternative für Deutschland» (AfD) a du penser samedi au conte de fée de «l‘apprenti sorcier». Après avoir fondé son parti, Lucke avait enregistré de nombreux succès lors d’élections régionales et aux élections européennes – l’essor des eurosceptiques n’était plus stopper. Semblait-il. Erreur. Il n’avait pas compté sur la puissance des ultranationalistes, ceux qui flirtent avec des mouvements aussi abjectes que la «Pegida» – et ce courant ultranationaliste et islamophobe a réussi à chasser Lucke de son propre parti lors du congrès de l’AfD à Essen. Avec 60% des votes des délégués, Frauke Petry prend la tête de l’AfD – mais ceci équivaut à une implosion annoncée de ce parti qui fait désormais partie des formations de l’extrême-droite. Les échecs électoraux sont annoncés et Bernd Lucke doit encore se poser la question comment il a bien pu perdre le parti qu’il venait juste de créer.

Si l’ordo-libéralisme prôné par Lucke était difficile à supporter, considérant que le terme «solidarité européenne» n’existait pas dans son vocabulaire, il avait au moins le mérite de ne pas être un extrémiste. Lors de son discours à Essen, copieusement sifflé par les supporteurs de Frauke Petry, il avait reproché au parti de «ne pas avoir pris ses distances par rapport à l‘extrême-droite». Les sifflements prenaient la dimension d’un «shit storm» lorsqu’il rajoutait «que l‘on ne doit pas diaboliser l‘islam en général» – ces sifflements montrent clairement où Frauke Petry entend mener l‘AfD.

60% des délégués du congrès ont voté pour celle qui rêve de devenir la Marine Le Pen allemande, toutefois, force est de constater qu‘il lui manque à peu près tout pour y arriver. Le chemin de l‘AfD est tout pré-tracé – le parti deviendra le bras parlementaire de la «Pegida», récoltera quelques sièges lors d’élections locales et régionales à l’est de l’Allemagne où les extrémistes xénophobes sont particulièrement forts, mais au niveau national, l’aventure de l’AfD s’arrête là. Tant mieux.

Le bras de fer opposant Lucke et Petry lors du congrès était pathétique. Lucke se battait pour éviter que son parti ne sombre dans le gouffre de l’extrême-droite, sachant qu’en dehors de quelques crânes rasés et vieux rêvant encore du «bon vieux temps», plus personne ne songera encore sérieusement à voter pour ce club des représentants d’un monde d’avant-hier. Frauke Petry, elle, reprochait à Lucke de limiter la politique du parti aux sujets économiques – estimant que ces sujets soient trop compliqués pour être porteurs. L’islamophobie, la xénophobie, le discours de haine – voilà ce qu’elle pense mettre en œuvre pour convaincre les électeurs. Bernd Lucke doit regretter le jour où Frauke Petry a signé son bulletin d’adhésion…

Avant le congrès, Lucke et Petry dirigeaient ensemble l’AfD, mais Lucke avait demandé un changement des statuts pour que dès la fin de l’année 2015, un seul pilote sera au commandes de l’AfD. Bien entendu, il était persuadé que l’AfD allait suivre son fondateur, mais finalement, ce sont les islamophobes qui ont eu le dernier mot.

Une bonne nouvelle pour tous ceux qui voient l’euroscepticisme et l’ordo-libéralisme de Bernd Lucke d’un mauvais œil. L’AfD s’est mis sur une pente raide qui le conduira tout droit dans l’insignifiance parlementaire. Et ça, c’est aussi une bonne nouvelle.

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste