L’impuissance du monde face à la crise en Libye

Le « sommet sur la Libye », qui a eu lieu dimanche à Berlin, n'a pas vraiment donné de résultat. Pourtant, tout le monde semble plutôt content. Mais de quoi ?

Fatiguée, mais satisfaite - Angela Merkel après le sommet de Berlin. Satisfaite de quoi ? Foto: ScS EJ

(KL) – La « déclaration finale » du « Sommet sur la Libye » peut susciter beaucoup d’espoirs. Tous les participants, donc l’Allemagne, la Chine, la Grande-Bretagne, la France, la Turquie, la Russie, les Etats-Unis, les Emirats Arabes Unis, la République du Congo, l’Italie, l’Egypte et l’Algérie, épaulés à l’occasion par le Secrétaire général des Nations Unies, les patrons de l’Union Européenne et de l’Union Africaine et de la Ligue Arabe étaient d’accord. Mais sous ce document, il manque deux signatures : celle de Fayez Sarraj, le chef du gouvernement libyen qui se maintient encore grâce au soutien occidental et celle du Général Chalifa Haftar qui, lui, contrôle presque 95% du territoire libyen. Autrement dit – tant que les belligérants libyens n’adhèrent pas à cette déclaration, elle n’aura aucune valeur.

Mais d’où vient cet intérêt immense que porte le monde à la Libye ? Simple : les uns s’intéressent au pétrole libyen, les autres cherchent à asseoir leur influence dans le nord de l’Afrique, et d’autres encore veulent maintenir la Libye comme rempart contre les migrants et réfugiés qui tentent de gagner l’Europe en passant par la Libye.

Mais examinons les « résultats » de ce sommet. Les participants à ce sommet s’engagent à ne pas s’ingérer dans le conflit en Libye. Un vœu pieu, car ils sont quasiment tous engagés, directement ou indirectement, dans ce conflit. Et que veut dire « non-ingérence » ? Que l’Union Européenne cesse de financer les gardes-côtes libyennes, officiellement sous les ordres d’un gouvernement qui ne dispose pas d’un pays, et dont la mission est d’empêcher les réfugiés d’embarquer pour l’Europe ? Que la Russie cesse de soutenir le Général Haftar ? Que la Chine cesse sa politique d’expansion sur le continent africain ? Difficile de croire en cet engagement de « non-ingérence »…

Ensuite, les participants sont tous d’accord sur le fait qu’il ne pourra pas y avoir de « solution militaire » en Libye. Dommage que le Général Haftar n’ait pas signé cette déclaration, cela aurait permis plus facilement d’y croire. L’homme, avec ses troupes, a conquis plus de 90% du territoire libyen – on est en droit de douter qu’il partage cette position qu’il ne puisse pas y avoir de « solution militaire ».

Même son de cloche en ce qui concerne le paragraphe sur « la souveraineté, l’indépendance, l’intégrité territoriale et l’unité nationale de la Libye » – il aurait suffi d’interroger les intéressés. « L’unité nationale » de la Libye n’existe plus, la guerre civile a déjà été remportée par le Général Haftar.

Ensuite, les participants ont déclaré vouloir ne « pas s’ingérer dans le conflit armé et les affaires internes à la Libye », tout en demandant aux autres acteurs de ne pas le faire non plus. Lorsque les 6 plus grands producteurs d’armes du monde se trouvent autour d’une table pour s’assurer mutuellement de ne rien faire pour que cette guerre civile continue, c’est difficile à croire.

En ce qui concerne le cessez-le-feu, les participants demandent que les armes se taisent de manière durable et que toutes les milices soient désarmées. Est-ce qu’ils ont déjà discuté qui allait faire gober au Général Haftar que ses troupes allaient être désarmées ?

Bon, ils veulent maintenant démarrer un « processus de paix », avec des « commissions follow-up » et de nombreuses tables rondes à venir. Mais tant que Fayez Sarraj et le Général Chalifa Haftar ne se mettront pas d’accord, rien ne bougera en Libye. Et pourquoi Haftar accepterait-il la moindre concession ? Il contrôle le pays ; dans les fait, c’est lui le patron de la Libye. Comment peut-on imaginer qu’il accepte son ennemi Sarraj comme partenaire, après l’avoir battu militairement ?

Oui, ils veulent aussi contrôler le respect de l’embargo d’armes en Libye. Oui. Les six plus grands marchands d’armes vont faire en sorte qu’il n’y ait plus d’armes qui entreraient en Libye. Bien sûr.

Dans une crise comme celle en Libye, il est évidemment louable de tenter le tout pour le tout au niveau diplomatique. Mais il convient aussi d’être réaliste. Si les participants se sont tous montrés satisfaits après ce sommet, force est de constater que sans l’aval des deux principaux intéressés, rien ne bougera. Principe espoir ? Communication politique ? Pour mémoire, cet embargo d’armes est déjà en vigueur depuis 2011, sans que personne ne l’ait respecté.

Oui, ils veulent tous le retour vers l’ordre en Libye. C’est pour cela qu’ils continuent à soutenir un Premier Ministre qui lui, dirige encore quelques quartiers de la capitale, Tripoli, et qui a perdu militairement le reste du pays. L’Occident aimerait bien voir un gouvernement incluant des représentants des deux camps ; mais pourquoi Haftar partagerait-il le pouvoir avec son pire ennemi qu’il a déjà vaincu militairement ?

Lancer un « processus de paix » est une bonne chose. Mais évaluer la situation en Libye de manière réaliste et cesser de mentir sur les véritables motivations concernant la Libye serait pas mal non plus. Si ce processus devait continuer, il serait indispensable d’y associer directement les deux belligérants libyens. Autrement, ces sommets resteront un exercice académique.

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