L’Italie titube dans une crise sans précédent

Le populiste Matteo Salvini a déclenché une crise gouvernementale en Italie – mais malgré ses scores, il n'est pas encore arrivé à ses fins. La résistance contre le néo-nationalisme se forme.

Xénophobe, anti-européen et anti-italien - dans les années 90, Matteo Salvini voulait créer l'état indépendant de "Pandenia" au nord de l'Italie... Foto: Theriddle at Italian Wikipedia / Wikimedia Commons / PD

(KL) – Matteo Salvini peut se frotter les mains. Comme tous les populistes, il aime le chaos, l’insécurité, la peur, car c’est dans le chaos que les malfrats de l’Histoire arrivent généralement au pouvoir. Et le pouvoir à Rome, c’est le but ultime du fantasque ministre de l’intérieur. Mais sa tentative de profiter d’une crise du gouvernement pour s’accaparer du pouvoir pourrait bien échouer. Face à la brutalité politique du xénophobe néo-nationaliste Salvini, la résistance se forme et pourrait tout simplement barrer la route à cet extrémiste xénophobe anti-européen.

Il ne faut pas se tromper, les Italiens ne sont pas en train de virer vers un « fascisme 2.0 ». Un peu plus d’un tiers de l’électorat italien s’est laissé embobiner par les slogans simplistes de Salvini, ce qui veut logiquement dire que les deux tiers des Italiens n’adhèrent pas à son discours de haine, d’exclusion, anti-humaniste et anti-européen. Et les deux tiers des Italiens savent également que ce sont les alliés politiques de Salvini qui empêchent depuis 2016 l’application de la clé de répartition des migrants arrivant en Italie et en Grèce – sans cette attitude cynique des vautours de subventions européennes que sont la Hongrie, la Slovaquie, la République Tchèque et la Pologne, les migrants arrivant en Italie seraient déjà distribués sans difficulté sur les 27 Etats-membres de l’Union. Ceci dit, depuis le début de l’année, seulement 3000 migrants sont arrivés en Italie – à titre de comparaison, la seule ville de Freiburg en Allemagne (220 000 habitants) a accueilli 8000 réfugiés. Le ministre de l’Intérieur italien n’est donc pas capable de gérer l’arrivée de 3000 migrants ?

Le 20 Août, Salvini entend faire voter une motion de censure contre le premier ministre Giuseppe Conte, en espérant qu’en cas de succès, le Président italien Sergio Mattarella appellerait à des élections anticipées. Mais rien ne dit que le Président, issu du Parti Démocrate, entendra Salvini de cette oreille-là pour ouvrir la voie à la prise du pouvoir par l’extrême-droite. A un moment où même le Pape François estime que le discours de Salvini ressemble à celui d’Hitler en 1934, Mattarella ne fera rien pour faciliter l’ascension au pouvoir de l’incendiaire qui voudrait être chef des pompiers. Et il y a des chances que d’autres options s’ouvriront au Président, qui est le seul à pouvoir dissoudre le parlement et appeler les Italiens aux urnes.

D’abord, il y a la possibilité d’une première motion de censure – et cette fois, contre Matteo Salvini. Après avoir désavoué le Mouvement Cinque Stelle (M5S), le partenaire de coalition de la « Lega » de Salvini, on peut facilement imaginer que le premier qui sera limogé du gouvernement sera celui qui a déclenché cette crise – Matteo Salvini. Ensuite, il est possible que la motion de censure contre le premier ministre Conte échoue, ce qui ouvrirait la voie à une coalition M5S et Parti Démocrate (PD), reléguant ainsi l’extrême-droite à l’opposition, sans qu’il y ait des élections anticipées. Bien entendu, il reste aussi la possibilité que la motion de censure contre Conte réussisse, mais cela ne veut pas encore forcément dire qu’il y aurait des élections anticipées.

L’Union Européenne, quant à elle, doit se poser des questions. C’est l’impuissance de l’UE face aux profiteurs de l’Europe, donc les états de Visegrad, qui veulent seulement encaisser les subventions bruxelloises tout en refusant de se conformer à des standards minimum d’humanisme, qui empêche l’application de la clé de répartition des réfugiés votée en Septembre 2016. Avant que l’Union Européenne ne se rende elle-même obsolète, il faudra songer à des solutions pragmatiques. Pourquoi ne pas stopper les subventions aux Etats de Visegrad et utiliser cet argent pour soutenir les pays jouxtant la Méditerranée pour financer l’accueil des réfugiés ? Là où Salvini a raison, c’est que l’Union Européenne a complètement failli dans l’organisation solidaire de l’accueil des réfugiés. Ceci dit, ce ne sont pas les réfugiés qui ont causé la crise économique en Italie, mais un endettement effréné, la corruption et une mauvaise gestion du pays. Si Salvini souhaitait réellement résoudre la question de la migration, il interviendrait auprès de ses amis politiques dans les Etats de Visegrad, mais puisque le discours xénophobe constitue son fonds de commerce politique, il ne fait rien qui pourrait contribuer à changer cette situation.

Et même en cas d’élections anticipés, il faut garder confiance – les Italiens ne sont pas devenus un peuple néo-fasciste, ils se défendront contre ce mordeur de mollets grossier et vulgaire. Le chaos que Salvini a créé en Italie en faisant exploser la coalition au pouvoir, pourrait s’avérer être un boomerang. Ce qui serait quand même souhaitable avant que les populistes de la « Lega » n’entraînent l’Italie dans la même catastrophe que les néo-nationalistes britanniques. L’Italie, encore moins que la Grande Bretagne, ne pourra pas gérer une isolation économique et politique.

Peu à peu, on commence à comprendre en Europe que la destruction des structures politiques existantes ne sert à rien lorsque l’on ne sait pas quoi instaurer à la place de ce qu’on a cassé. Il faut rester vigilant pour s’assurer qu’à défaut de bonnes idées, nos gouvernements n’instaureront pas ce « totalitarisme 2.0 » qui est déjà en marche en peu partout.

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