Livraisons de gaz russe : la quadrature du cercle

La ministre française Barbara Pompili a déclaré que les états européens continuent à payer leurs factures de gaz en Euro ou Dollar. C’est vrai sans être vrai.

Une filiale de la très discrète Gazprombank. Foto: allochka22ru / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.0

(KL) – Le décret de Vladimir Poutine, imposant aux « états hostiles », dont l’intégralité des états-membre de l’UE, de payer leurs factures de gaz en Roubles, avait embêté les Européens. De manière déterminée, tous les états refusèrent alors de se conformer à ce décret du Kremlin. Mais on a trouvé un moyen pour contourner notre propre politique. Si les Européens payent effectivement en Euro ou Dollars, Moscou reçoit des Roubles et peut ainsi stabiliser sa monnaie qui, depuis le début de la guerre, se trouvait sous une forte pression. Comme quoi, lorsqu’il s’agit de gros sous, on s’entend bien. Même avec l’ennemi.

Suite au décret concernant ces paiements en Roubles, les pays très dépendants du gaz russe, craignaient que Poutine ferme le robinet. Mais le gaz russe continue à arriver et nous avons trouvé une astuce pour d’une part, maintenir notre position ferme et d’autre part, payer Poutine en – Roubles.

Pour ce faire, les grands importateurs de gaz européens peuvent et ont déjà en partie, ouvert un compte bancaire à la filiale suisse de la « Gazprombank », la troisième banque russe qui elle, est une filiale 100% du groupe Gazprom et qui agit de manière très discrète. Les importateurs européens comme l’Allemand Uniper ou l’Autrichien OMV, payent leurs factures en Euro ou Dollar à la filiale suisse de la « Gazprombank » qui elle, effectue le change en Roubles et transfère cet argent, en Roubles, à Moscou. Ainsi, nous faisons exactement ce que Poutine a imposé, sans pour autant perdre la face, mais concrètement, nous nous plions au bon vouloir du « tsar » pour ne pas mettre en péril les livraisons de gaz.

Mais pourquoi Poutine avait insisté sur le payement des livraisons de gaz en Roubles ? Par cette mesure, la Russie cherche à stabiliser sa monnaie, obligeant l’Occident à se procurer des Roubles en grande quantité, ce qui empêche une inflation explosive. Si aujourd’hui, ce ne sont pas les importateurs de gaz occidentaux qui doivent se procurer les Roubles, le résultat est exactement le même dès lors la filiale suisse de la « Gazprombank » le fait à leur place. Comme souvent, quand il est question de milliards, tout le monde y trouve son compte. La Russie peut, par ce biais, stabiliser sa monnaie et donc, son économie, les importateurs occidentaux peuvent continuer à percevoir du gaz russe en quantité voulue, la politique peut dire que les états occidentaux ne paient pas en Roubles et les Suisses encaissent des commissions sur chaque transaction, autant pour l’achat de milliards de Roubles par la « Gazprombank » que pour les transferts de ces Roubles vers Moscou.

Mais si tout le monde semble très bien s’accommoder avec cette façon de faire, il reste toutefois une question : est-ce que le but des sanctions économiques et du refus de payer Poutine en Roubles, ne visaient pas à affaiblir l’économie russe ? En satisfaisant à la lettre le décret de Poutine, on stabilise l’économie et la monnaie russes. Ce qui, en fin de compte, est exactement le contraire de ce que nous voulions faire.

Techniquement, Barbara Pompili et les autres ministres de l’énergie européen ont raison. Les Occidentaux payent aujourd’hui le gaz russe en Euro et Dolla à la « Gazprombank ». Ces sommes sont discrètement changées en Roubles en Suisse et arrivent donc, comme souhaité, en Roubles à Moscou. Mais tant que tout le monde peut garder la face…

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