Lorsqu’il sera trop tard, il sera trop tard…

Pendant que l’ultra-droite européenne s’organise, la gauche se regarde, se cherche et suit l’évolution les bras croisés.

"Blondi" Geerd Wilders viendra soutenir la candidate "Pegida" aux municipales de Dresde. Foto: Rijksoverheid / Phil Nijhuis / Wikimedia Commons / CC0

(KL) – La «Pegida», ce mouvement xénophobe aux couleurs marron, suit sur la voie de Marine Le Pen en tentant de se «normaliser», de devenir un parti politique. Lors des élections municipales le 7 juin prochain, la «Pegida» présentera une candidate en la personne de Tatjana Festerling. Tout comme le mouvement «Bleu Marine», les xénophobes font leur possible pour paraitre «normal», en s’appelant la «Nouvelle Droite». A la différence de la gauche en Europe, l’ultra-droite n’hésite pas à faire appel à des soutiens européens. Dans quelques jours, le premier soutien arrivera à Dresde, cette ville qui aura du mal à se défaire de cette image du fief des cranes rasés – Geert Wilders, le xénophobe néerlandais dont le parti PVV se trouve actuellement en plein déclin. Toutefois, et aussi paradoxal que cela puisse paraitre, cette ultra-droite qui prône le nationalisme bête et méchant, adopte une démarche européenne que la gauche dans les pays européens ne peut que lui envier.

Tatjana Festerling et Geert Wilders ont tout pour s’entendre. L’ancienne militante du parti eurosceptique AfD, très copine avec le fondateur de la «Pegida» Lutz Bachmann (vous vous souvenez certainement – le personnage ayant posé avec la moustache Hitler en trouvant cela très amusant…), s’est faite remarquer par des idées aussi farfelues que dangereuses. Entre autres, la dame souhaite ériger un nouveau mur entre l’Ouest et l’Est et considère que la Saxe soit menacée par l’Islam. Le fait qu’il soit quasiment impossible de trouver des musulmans en Saxe (on estime qu’en Saxe, entre 0,1 et 0,2% de la population sont musulmans), ne semble pas la déranger dans ces vociférations contre «les étrangers qui viennent se la couler douce chez nous».

Après le scandale autour de Lutz Bachmann, on avait pensé que le mouvement «Pegida» aurait perdu de son élan et que l’on pouvait passer à autre chose. Erreur. Les manifestations à Dresde ont repris et chaque semaine, le nombre de manifestants augmente à nouveau – lundi de Pâques, ils étaient 7100 à manifester contre «l‘islamisation de l‘Occident». Est-ce que nous avions sous-estimé la xénophobie dans l’Est de l’Allemagne, région toujours sinistrée économiquement et souffrant d’un fort taux de chômage ? Toujours est-il que la «Pegida» tente maintenant d’imiter le Front National – avec une femme comme figure de proue, en se comportant comme un parti comme les autres et en piochant des votes d’électeurs dans un milieu qui commence sérieusement à inquiéter. Les incidents de Tröglitz sont le résultat de cette évolution qui ne semble pas mobiliser la gauche en Allemagne.

Les seuls à réagir pour l’instant, ce sont les groupes antifascistes qui, avec beaucoup de courage, continuent à manifester tant que la «Pegida» manifeste – mais où sont les grands partis ? Où est le SPD, où sont les Verts ? Si certains ténors des Verts ont fermement condamné la «Pegida», le chef du SPD, certainement par peur de perdre encore davantage d’électeurs, est allé rencontrer la «Pegida» en estimant qu’il fallait discuter sérieusement les positions de ce mouvement. Il a tort. La «Pegida» est un mouvement qui se situe très loin à droite de la droite et ceux qui prêchent la haine et la violence ne sont pas des interlocuteurs avec lesquels il conviendrait de discuter.

L’évolution en Saxe où les cranes rasés tentent de gagner le contrôle de la rue, mène tout droit à une situation comparable à celle de la «République de Weimar». Pendant cette période entre les deux guerres du siècle dernier, des francs-tireurs ultra-nationalistes et des combattants de l’extrême-gauche se sont livrés des batailles de rue sanglantes.

On est en droit de se demander pourquoi la gauche européenne n’existe pas. Pourquoi les partis qui se disent de la gauche n’organisent pas un grand congrès avec un programme ciblé et clairement défini, visant à développer un plan de défense des Droits de l’Homme en Europe. Non pas dans un pays particulier, mais dans toute l’Europe. N’ont-il pas compris qu’il y a péril en la demeure ?

«Faites d‘abord le ménage chez vous en Allemagne – vous n‘avez rien fait pour empêcher Angela Merkel de mener sa politique désastreuse pour l‘Europe», me dit-on souvent et ce n’est pas faux. Les Allemands, dans leur majorité, n’ont pas estimé nécessaire de stopper Angela Merkel. Tout comme les Français n’ont pas su ou voulu empêcher une évolution qui portera soit Nicolas Sarkozy ou Marine Le Pen au pouvoir en 2017. Tout comme les Hongrois n’ont pas su empêcher un Victor Orban de prendre le pouvoir. Et ainsi de suite.

Mais il ne sert strictement à rien de se pointer mutuellement du doigt – la gauche européenne est inexistante et il ne reste que peu de temps pour y remédier – la pègre marron est en train d’avancer à grand pas, elle s’organise, elle se soutient mutuellement au-delà des frontières et si la gauche ne réagit pas immédiatement, on arrivera tous ensemble à cette triste conclusion – lorsqu’il sera trop tard, il sera trop tard.

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