L’os de l’étranger

Esther Heboyan s'indigne face aux tests osseux que doivent subir des réfugiés dont on doute de l'indication d'âge.

Les tests osseux permettent de déterminer l'âge d'une personne. Surtout des personnes que l'on soupçonne systématiquement de mentir... Foto: Hellerhoff / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Esther Heboyan) – Les tests osseux pratiqués sur les étrangers qui se déclarent comme étant mineurs à leur arrivée en France – un système de détection de mensonges. Mensonges vrais ou faux, selon les individus, leurs attentes, leur histoire dans le pays d’origine, l’exode. L’étranger qui débarque sur un sol étranger est perçu comme étant forcément menteur. La peur est bien ancrée, bien malaxée pour être servie à tout moment. Pas d’exception française en ce domaine. Imitation des autres nations de la planète Terre, alignement conscient/inconscient sur la politique de la méfiance et du rejet, manque d’imagination et manque d’humanité (on compte sur les associations…).

Au nom de la fraude.

Cette fraude qui pourrait nuire aux citoyens légitimes, c’est-à-dire les citoyens classés, brassés, épiés par Google et autres instances de fichage. Quelle fraude ? La peur de se faire voler un bol de lentilles, un homard grillé ? La peur de ne pas accéder à des emplois convoités ? Citons : éboueur, maçon, nettoyeur de toilettes publiques, coursier-livreur à vélo, accompagnateur des vieux vers la mort (l’Occident n’aime pas ses vieux) et ainsi de suite. La peur de se faire voler les deniers des contribuables, CAF, Sécu, Pôle Emploi déroulant un tapis rouge à tout primo-arrivant ? La peur que l’étranger profite sur le champ de l’hôpital public où il faut attendre entre trois et six mois pour obtenir une consultation gratuite ou à tarif modéré ? A signaler : les consultations privées (100 euros, voire bien plus) vont bon train à l’hôpital public, une garantie d’exclusion pour futur-arrivant-systématiquement-fraudeur. Peureux et idéologues de la peur peuvent dormir tranquilles.

Reproche sera fait à toute personne osant critiquer le mal-accueil de l’étranger qui fuit guerres, persécutions, tyrannie ou pauvreté. Et qui se destine, selon les idéologies de l’exclusion de l’Autre, à devenir… fraudeur, autrement dit « bouffeur de l’argent de l’Etat », argent qui doit être si justement/idéalement dépensé, distribué, et ce, en toute transparence, il va de soi. Aux Etats-Unis, on appelle « bleeding-heart Liberals » les tenants de la politique d’accueil et de la pensée bienveillante. Des Démocrates gauchistes au cœur tendre qui saigne devant les miséreux de la planète Terre (pas d’autre planète en vue pour l’instant, pourtant on continue d’explorer, de chercher des lieux où l’on pourrait peut-être à nouveau tout recommencer – oh, misère !).

En France, on a le même clivage. D’un côté, les conservateurs, nantis ou démunis, qui veulent conserver un schéma de société qui leur semble bénéfique de près ou de loin. Le mythe d’une douce France (on en est convaincu, malgré des épisodes carrément moches). Sans partage du sol avec des étrangers (que vivent les frontières !). De l’autre, les progressistes, riches ou pauvres, qui constatent que la société française tourne aussi grâce à ses étrangers (les entreprises, petites et grandes, en savent quelque chose ; les politiques font semblant de ne rien savoir, problème de langue de bois).

Les tests osseux. Une pratique indigne. Un déploiement d’absurdités. Tests qui coûtent probablement quelques sous à l’Etat. On se demande aussi comment, en 2020, des médecins français acceptent de participer à la mise en place d’une telle humiliation de la personne humaine. Au nom de la fraude. Au fait, quelle fraude ?

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