Louise Weiss, une femme inspirante

Partie découvrir la statue de Louise Weiss, récemment installée à Saverne, Anouchka Braig, née un siècle après elle, fait part de ses réflexions personnelles.

La statue de Louis Weiss, simple représentation en pierre d’une femme aux multiples facettes. Foto: Anouchka Braig

(Anouchka Braig) – Le 9 mai dernier, la ville de Saverne a inauguré une statue à l’effigie de Louise Weiss (1893-1983). Loin de l’aspect conventionnel et olympien d’une statue sur piédestal, elle est ici réalisée à taille humaine, simplement assise au bord de la fontaine, place du Général de Gaulle, tenant à la main « L’Europe Nouvelle », son hebdomadaire. Semblant inviter à la découverte, la statue dite « augmentée », arbore près d’elle un QR code, qui une fois scanné, permet d’écouter l’histoire de Louise Weiss, comme si elle nous la racontait elle-même.

Son regard, tourné vers le château des Rohan, invite à aller découvrir au musée, la section qui lui est dédié. Il y est retracé son parcours incroyable à travers le XXe siècle, et permet d’admirer les collections ethnographiques, mobilier et peintures offerts par Louise Weiss au musée.

Louise Weiss est une femme inspirante. C’est le moins que l’on puisse dire. Cent ans séparent sa naissance de la mienne, mais ses idées étaient bien en avance sur son temps. Se montrer à ce point audacieuse, entreprenante et déterminée, alors qu’elle a grandi dans une famille très patriarcale typique du XIXe siècle, relève déjà de l’exploit. A 21 ans, elle est devenue la plus jeune agrégée de lettres en France, véritable camouflet à son père, qui n’était pas favorable à l’éducation des femmes.

Sa volonté lui a permis, en son temps, de remplir un nombre incroyable de missions et de jouer des rôles essentiels : infirmière durant la Grande Guerre, journaliste, écrivain, résistante, femme politique, pacifiste et pionnière de l’Europe et du droit des femmes. Après la Première Guerre Mondiale, l’une de ses principales préoccupations fut le maintien de la paix, et la réconciliation franco-allemande.

Son désir de réconciliation est tout simplement admirable. Sachant que Louise Weiss a vu les meurtrissures causées à la France et l’Allemagne par la Guerre Franco-Prussienne de 1870 et la Première Guerre Mondiale, elle fut en mesure de comprendre l’importance d’une relation pacifique de part et d’autre du Rhin. Force est alors de constater que ses idées de paix avaient à ce moment-là, beaucoup d’avance sur l’esprit de l’époque. Pour ma part, le mariage de ma mère française avec mon père allemand, a été source de désaccord en raison de la nationalité de chacun, et cela se passait dans les années… 1980 !

C’est dans un souci de paix et de réconciliation entre les pays européens, qu’elle a créé en 1919, son journal intitulé « l’Europe Nouvelle ». Elle soutint Aristide Briand, militant pour la construction d’une Union Européenne, avec un marché commun et une monnaie unique. Ses idées pionnières d’union et de paix, valurent à Louise Weiss, le surnom de « Grand-mère de l’Europe ».

Même après avoir vécu une Seconde Guerre Mondiale, Louise Weiss souhaitait toujours comprendre les mécanismes de la guerre, afin d’œuvrer pour la paix. Elle entreprit de voyager dans de nombreux pays, en Asie, en Amérique et en Afrique, dans le contexte de la Guerre Froide et de la décolonisation. Elle est allée à la rencontre de nombreuses cultures, pour les connaître, tenter de les comprendre, et pour y étudier la survenue des conflits.

Voilà environ 70 ans que Louise Weiss a compris l’importance de la connaissance de l’autre, dans sa recherche d’un monde plus pacifique. Aujourd’hui, nous pouvons observer des manifestations, telle la « Marche contre les idées de l’extrême-droite » qui eut lieu le 12 juin 2021, dans de nombreuses villes en France. Il nous appartient alors de nous demander, comment est-il seulement possible, que l’islamophobie, l’antisémitisme, le racisme, l’homophobie, nécessitent toujours d’être activement combattus.

Féministe accomplie, Louise Weiss pensait que pour éviter une nouvelle guerre, le droit de vote devait être accordé aux femmes. Ainsi, lorsque nous irons voter aux élections départementales et régionales des 20 et 27 juin prochains, ayons une pensée pour Louise Weiss, car son combat aura largement contribué au droit de vote des femmes, obtenu en 1944.

En octobre 1934, elle manifestait sur les Champs-Elysées avec son association « La Femme Nouvelle ». Lors des municipales de l’année suivante, elle installait un bureau de vote factice,

(c) Anouchka Braig

(c) Anouchka Braig

où les citoyens des deux sexes pouvaient voter. Elle a récolté des milliers de voix. Lors d’une autre manifestation cette même année, elle s’enchaînait avec d’autres femmes, et elles allèrent brûler ces chaînes sur la place de la Bastille.

En 1936, Léon Blum souhaitait la nommer au gouvernement, ce qu’elle refusa, revendiquant son droit d’être élue ! C’est en 1979, qu’elle fut enfin élue au Parlement Européen, ou elle devint la doyenne et la première députée. Aujourd’hui, le siège du Parlement Européen à Strasbourg, construit en 1999, porte son nom.

Louise Weiss est née environ un siècle avant la jeune génération d’aujourd’hui, et elle reste pourtant un modèle, par ses valeurs, ses idées, ses combats. L’avoir pour contemporaine, aurait été pour moi un honneur. Les empruntes qu’elle a laissé, sont un héritage de paix, d’égalité et d’unité, qu’il convient de respecter et de préserver.

 

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste