Macédoine du Nord : les pressions de la Turquie

Le hinterland d’Erdogan ?

Zorica Zaeva, l'épouse du Premier ministre de Macédoine du Nord Foto: Vlada na Republika Makedonia /Wikimédia Commons/ CC-BY-SA PD

(Marc Chaudeur) – Faute d’une présence effective de l’Union Européenne et par suite de son absence assourdissante ? Des événements récents survenus dans plusieurs pays des Balkans témoignent du rôle de plus en plus insistant joué par le gouvernement Erdogan. Voici quelques semaines, les barbouzes turques exfiltraient des « opposants », réels ou non, du Kosovo vers Ankara. Actuellement, c’est la Macédoine du Nord qui inspire quelque inquiétude…

A Skopje, 15 personnes font l’objet d’une demande d’extradition vers la Turquie, sous le motif de « terrorisme ». Ce qui est lié dans l’esprit des ministères turcs à l’accusation d’être partisans de Gülen, ce clerc musulman qui habite très loin d’ici, aux Etats-Unis, depuis de nombreuses années…

Or, toutes ces personnes ne sont assurément pas des groupies de Gülen… et Gülen n’est pas un terroriste. Plus de mille kilomètres et deux frontières séparent la Turquie de la Macédoine du Nord. Mais la crainte semble palpable chez ces ressortissants turcs menacés.

Menacés dans quelle mesure ? Un certain nombre de ces personnes travaillent dans l’éducation, dans certains médias de langue turque ou dans quelques ONG installées à Skopje. L’attitude d’Ankara s’est durcie après le coup d’État (effectif ou scénarisé par Erdogan, ce qu’un nombre respectable de gens proches des services secrets suggèrent) de 2015. Une belle performance. Les quinze de Skopje se situent dans la queue de comète de cette répression largement aveugle.

Le 3 avril dernier, le ministre turc de de la Défense, Hukusi Akar, est venu visiter sa collègue macédonienne, Madame Chekerinska. Il a profité de cette occasion pour la presser de « passer à l’action », selon son expression, et de lui livrer les vilains « terroristes »… La même demande pressante avait été adressée tout récemment aux autorités de Priština (Kosovo)… Unverschämt, en somme.

Skopje obéira-t-elle, le doit sur la couture, aux ordres d’ Ankara ? Le Président du gouvernement (c’est-à-dire le Premier ministre), Zoran Zaev, issu de l’Union social-démocrate de Macédoine, a déclaré que son pays n’extradera personne sans procès ni sans l’évidence pleine et entière que ces suspects ont bien mené des activités terroristes. Malheureusement, Ankara dispose d’un moyen de pression de taille.

En effet, Skopje veut intégrer les rangs de l’OTAN – et pour cela, elle a besoin de l’accord d’ Ankara. La Macédoine du Nord a déjà franchi un grand pas vers cette entrée en février dernier, puisqu’alors les ministres des Etats membres ont signé le protocole d’accès. Après l’entente historique avec la Grèce et la Bulgarie, qui est un vrai progrès et un facteur d’optimisme dans la région. Mais selon le règlement de l’OTAN, les parlements de 29 pays membres doivent apporter leur signature afin que le protocole soit définitivement ratifié. Et Ankara n’a pas encore signé…

La Russie est très présente dans les Balkans. La Chine aussi. Et la Turquie… Il devrait être évident pour tous que de telles pressions ne sont possibles que par suite de leur poids économique dans la région. Et, par conséquent, du caractère quasi fantomatique de la présence de l’Union Européenne dans cette région, et en l’occurrence dans ce jeune pays en pleine progression sur presque tous les plans. L’UE, certes, a assuré la Macédoine du Nord de son soutien ; mais ce soutien reste purement verbal, pour l’instant…

C’est toute la politique de l’Union sans doute qui devrait être remise en question et ouvrir de nouveaux chemins, de nouvelles issues qui pourraient permettre aux Balkans (et conjointement, à l’Europe Centrale) de n’être plus le dernier wagon de l’Europe.

 

 

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