Macron et l’Europe : le charme et la cautèle
L’état de grâce macronien vient de s’achever en France avec l’évacuation de la ZAD de Notre Dame des Landes et surtout, les vastes mouvement sociaux que l’on sait. Même chose pour les relations européennes.
(MC) – Angela Merkel a murmuré à l’oreille d’ Emmanuel Macron, le 15 mai de l’an dernier, tout juste après son succès électoral : «Au début de toute chose est un charme». Ces paroles de la Chancelière sont une citation à la fois pertinente et un peu perfide (ah ! la coquine!) de Hermann Hesse. Au début, il y a un charme, mais après ? Le Verbe, l’Acte ? En réalité, la phrase d Angela Merkel signifiait : prudence, attendons de voir…
Un an plus tard à peine, jour d’une visite de Macron à Berlin, le charme est rompu, semble-t-il. Un phénomène banal ; mais il faut bien constater que les espoirs européens du Président sont bien mal engagés.Prudence ! Voilà sans doute bien le maître-mot de ses partenaires.
Pour ce qui est de l’union bancaire, évidemment nécessaire pour qu‘on puisse envisager une Europe plus intégrée (sous sa direction ?), cette union bancaire que Macron appelle de ses vœux, elle n’a guère progressé. On reste dans l’expectative.
Sur la proposition de la création d’un budget de la zone euro, les Allemands y semblent de plus en plus clairement opposés ; plusieurs voix se sont fait entendre en ce sens, à commencer par celles des dirigeants de la CDU.
Exit aussi, étroitement liée à la précédente, l’idée d‘un FME (Fonds monétaire européen) où les pays en fâcheuse situation économique eussent pu puiser sans devoir prendre d’engagement sur des réformes structurelles . Plus d’illusion à se faire.
Tout cela sur le fond d’un gouvernement allemand très marqué à droite. Si en effet, le parti principal est actuellement la CDU, il faut être attentif à ce qu‘Olaf Scholz, ministre des finances pourtant SPD de la coalition, ne se montre guère plus ouvert que les membres CDU du gouvernement fédéral (il a d’ailleurs repris une partie du staff de son inflexible prédécesseur, Wolfgang Schäuble…). Et être attentif aussi à ce qu’une centaine de députés d’extrême-droite aiguisent maintenant leurs dents jaunes au sein du Bundestag…
Dans un peu plus d’un an, fin mai 2019, auront lieu les élections qui renouvelleront le Parlement européen - 705 eurodéputés en tout seront élus, après le départ des 73 félons britanniques. Le 17 avril dernier, à Strasbourg, le président français a exprimé son peu de goût pour le fédéralisme, et utilisé plusieurs fois avec conviction l’ expression «souveraineté européenne.» Qu’est-ce à dire, au juste ? Une Europe souveraine gouvernée par Sire Macron et la Reine Brigitte ?
Emmanuel Macron applique en effet aux grandes familles politiques qui composent le Parlement la même stratégie que celle qui lui a fait gagner les élections françaises en Mai 2017 . Il veut faire éclater les camps grâce à son charisme et à son «extrême-centrisme», comme les jeunes vins font éclater les vieilles outres. Il espère ainsi le ralliement de nombreux députés provenant de l’un des trois grands fiefs : le PPE (conservateurs), le PSE (gauche) et les libéraux d’ ALDE. Et en effet, le PPE peut être fragilisé par l’entrée du FIDESZ, ce vilain gros canard xénophobe ; le PSE comptera 20 eurodéputés de moins dans ses rangs après la consommation du BREXIT. Mais las ! Il existe une forte volonté affichée, au sein du PPE, de tracer les limites entre conservatisme et populisme d’extrême-droite ; le PSE, lui, réaffirme son orientation de gauche, et les derniers événements sociaux en France dissuadent ses membres de rejoindre la formation macroniste qui se profile à l ‘horizon. Et enfin, dans le même sens, les frappes militaires décidées solitairement et autoritairement par Macron ont beaucoup refroidi ceux des membres d ALDE qui eussent pu être tentés par un ralliement. Au total, il n’y aura donc pas davantage que quelques dizaines de députés susceptibles d’être séduits par un LREM européen.
Malgré l’euphorie printanière et épigonale qui submergeait les abords de la Robertsau mardi dernier à Strasbourg, force sera donc bientôt de constater que ni l’originalité politique réelle ou autoproclamée d’ Emmanuel Macron, ni son charme ne suffiront à renouveler la société française et les vieux camps politiques européens. Jean-Claude Juncker ne croyait pas si bien dire mardi au parlement lorsqu’il a crié, en pleine extase : «Revoilà la vraie France ! »
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