Mais quelle Europe fête-t-on à Strasbourg ?

Du 3 au 31 Mai, Strasbourg fête l'Europe. Si c'est sympa de faire la fête, on peut se poser la question si à Strasbourg, on suit l'actualité européenne. Car le programme fait un grand détour autour des questions qui fâchent.

Pendant un mois, on fait semblant que tout va bien dans le meilleur des mondes en Europe... Foto: Ville de Strasbourg

(KL) – Il est sympa, le programme des festivités autour de l’Europe qui dure tout un mois – la Fête de l’Europe. Un mois de manifestations culturelles, sportives, philatéliques, gastronomiques et autres. Si un concert de solidarité avec l’Ukraine figure sur le programme, on cherche en vain les grandes questions européennes qui occupent actuellement les Européens et Européennes.

Juste pour rappel en cette deuxième année de guerre : l’Union Européenne et ses états-membres se trouvent aujourd’hui en guerre, en fournissant armes, en formant des soldats, en injectant des sommes pharaoniques dans cette guerre en Ukraine. Sans entrer dans le débat si cet engagement constitue la bonne démarche, on peut s’étonner que le 5 mai, un timbre « La Paix. La valeur humaine la plus importante » sera lancé (1,80€) et ce, à un moment où ceux qui réclament la paix et des négociations, sont traités de tous les noms d’oiseaux. Et on peut aussi se poser la question si toutes ces soirées et manifestations ne relèvent pas de l’indécence dans l’état actuel de l’Union Européenne.

La présidente de la Commission Européenne inculpée à Bruxelles, l’une des vice-présidentes du Parlement européen assignée à domicile sous bracelet électronique, un eurodéputé et maire d’une commune belge incarcéré pour corruption, mais à Strasbourg, les institutions s’auto-célèbrent. Défaillance de l’Union pendant la pandémie, inflation et précarisation galopantes, crise énergétique, catastrophe climatique, et à Strasbourg, on se limite à faire la fête. Cela s’appelle la « stratégie d’autruche », mais si les responsables veulent faire semblant que tout aille pour le mieux dans le meilleur des mondes, cela revient à penser que les citoyens européens puissent être amadoués avec des gadgets que l’on distribuera, par exemple, lors de la Journée Portes Ouvertes du Parlement strasbourgeois le samedi 13 Mai. Mais si les responsables préfèrent fermer les yeux devant tous les dysfonctionnements au niveau de l’Union Européenne, les citoyens ne sont pas aussi mal informés qu’on ne le pense.

Rien ne s’oppose à faire la fête, bien entendu, à chercher à engager les jeunes pour l’idée européenne. Mais pourquoi ne pas avoir prévu des conférences sur ces questions qui mettent en péril l’existence même de l’Union ? Pourquoi taire le Brexit, la corruption, la guerre, les soucis des citoyens et citoyennes face à l’explosion des prix de l’énergie et des aliments ? Faire la fête n’exclut pas d’office de se pencher aussi sur les problèmes des institutions européennes. Mais cette Fête de l’Europe ressemble davantage à de « l’Opium pour le peuple » et ce, pendant tout un mois où il y aurait eu sans doute la possibilité d’étoffer le programme avec des manifestations qui adresseraient les sujets qui marquent aujourd’hui la vie quotidienne des Européens et Européennes.

Le programme proposé pendant tout le mois de mai, aurait été sympa, il y a quatre ans. Il y a quatre ans, il n’y avait pas de pandémie, il n’y avait pas la guerre, il n’y avait pas encore le dernier rapport du GIEC, il n’y avait pas une poignée de hauts responsables européens derrière les barreaux, il n’y avait pas de pénurie d’énergie, il n’y avait pas le décalage du pouvoir mondial vers l’Est. Pendant tout un mois, les organisateurs de cette Fête de l’Europe n’ont pas trouvé un petit créneau pour parler des vrais problèmes de notre continent. Pourquoi ? Parce que nous autre citoyens sont trop bêtes ou trop sensibles pour parler des vrais problèmes ?

L’Europe se trouve actuellement dans des multi-crises qui secouent notre continent comme jamais depuis la IIe Guerre Mondiale. Pendant qu’à Strasbourg, on organisera de belles courses d’orientation et qu’on dessinera des fresques européens, la jeunesse ukrainienne et russes meurt tous les jours dans la boue de l’est de l’Ukraine. Pendant qu’on se délecte de la gastronomie européenne, des combats ont lieu autour de la plus grande centrale nucléaire européenne à Zaporijja et des missiles sont en position près de la frontière polonaise, des missiles qui visent l’Europe. Pendant qu’on s’amuse lors des « Soirées Eurovision à Strasbourg », une partie de la population européenne ne sait plus comment payer sa facture d’électricité ou les aliments à partir du 25 du mois. Pourquoi faire semblant que tout cela n’existe pas ?

Une Fête de l’Europe qui dure un mois, aurait offert assez de créneaux pour faire la fête ET adresser les problèmes qui touchent aujourd’hui tout le monde et aussi la jeunesse. Pour reconquérir la confiance et l’adhésion des Européens de tout âge à l’idée européenne, il ne suffit plus de distribuer des fanions et porte-clés, d’organiser des soirées festives et d’éviter les sujets qui fâchent, mais qui sont bien réels. Passer tout un mois à faire semblant que tout aille bien en Europe et dans le monde, c’est un peu juste.

Vous trouverez l’intégralité du programme en cliquant ICI !

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