Mais qui va monter les pizzas ?

La livraison automatisée ne monte pas (encore) dans les étages.

Le Nuro R2, va-t-il remplacer les livreurs de pizzas ? Foto: Donald Trung Quoc Don / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Jean-Marc Claus) – A l’annonce par La Vangardia, des tests de livraison via véhicule automatisé, faits à Houston (USA) par la société Domino’s, beaucoup d’internautes espagnols n’ont pas applaudi, notamment via les réseaux sociaux. Ressemblant à un trait d’humour, la question faussement naïve de Juan souligne bien le fond du problème : « Et qui va monter t’apporter les pizzas, parce que moi je ne descends pas les chercher ? ».

En effet, le Nuro R2, véhicule électrique autonome autorisé à circuler dans les rues de Houston par le Département du Transports des États-Unis (USDOT), assure la livraison à domicile des pizzas, mais pas plus loin que devant les immeubles. Et c’est là que le commentaire de Juan prend tout son sens. Une livraison « devant le domicile », n’est pas une livraison « à domicile ».

Pour les accrocs aux nouvelles technologies, cette formule est évidemment un nouveau jouet. A y regarder de près, elle peut être bénéfique aux personnes évitant, pour des raisons de santé, le contact humain. C’est à dire, une partie infime de la population. Quant aux autres, si sortir de chez soi pour réceptionner une commande en tapant un code sur le clavier d’un véhicule autonome, leur semble sain et logique, il y a tout lieu de se poser des questions.

Le tissu social s’atomisant de plus en plus, le sens du collectif et de l’intérêt général s’amenuise, l’Autre devient un instrument et n’est alors plus un alter ego. La faute à qui ? Aux nouvelles technologies, hurlent les technophobes et les allergiques au progrès. Les nouvelles technologies ne sont, intrinsèquement, ni bonnes ni mauvaises. Elles sont ce que l’on en fait, et l’arbre des nouvelles technologies cache la forêt du capitalisme.

De nombreux commentaires se sont ajoutés à celui de Juan. Les uns aux accents militants, disant que cela n’est qu’une illustration de plus du remplacement de l’humain par la machine destructrice d’emplois. Les autres pragmatiques avançant qu’il suffit de refuser d’utiliser ce système pour le mettre en échec. D’autres encore mettant l’accent sur les emplois créés dans la fabrication et la maintenance de ces robots.

Si la question de l’emploi est essentielle, celle du rapport à l’Autre et au monde, n’en est pas moins importante. L’initiative de Domino’s n’est pas isolée. En Russie, comme l’explique La Vangardia, l’entreprise Yandex, créatrice du moteur de recherche éponyme, a lancé à Moscou et dans un périmètre limité, un petit véhicule autonome de livraison. On peut alors imaginer que ce modèle va se développer, au détriment des livreurs en chair et en os.

Dans les commentaires, David souligne que le salaire du livreur étant économisé, la pizza sera moins chère et donc les gens sortiront de chez eux pour la récupérer dans le véhicule automatisé. Moins chère, oui et non, car si cela devait être le cas, que représentent quelques centimes ou même quelques euros, au regard de la casse sociale engendrée par le système ?

Le commerce, faut-il le rappeler, est d’abord un rapport humain. Ne dit-on pas d’une personne sympathique et affable, qu’elle est d’un commerce agréable ? Les géants de la grande distribution ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, car depuis bien longtemps, il n’y a plus de vendeurs, mais des conseillers (de vente), au même titre que les caissières sont devenues des hôtesses (de caisse).

Les véhicules autonomes, innovation technologique intéressante, relèvent bien du progrès. Certains sont depuis longtemps en service au sein des forces armées et de la protection civile, notamment pour les opérations de déminage ou de sauvetage en situations extrêmes. Mais quand les nouvelles technologies se substituent à un échange naturellement basé sur le rapport humain, c’est alors l’humanité dans son entier qui recule.

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